Témoignages

Marié à la pasteure de l’Église

Antoine Fritz, mari, père et docteur en théologie, nous parle de sa vision en tant qu’époux de pasteure.

D’un ministère visible…

Depuis près de deux ans maintenant, la femme que j’ai épousée il y a plus de 20 ans est pasteure de notre Église à Genève. Pour une fois, je l’ai suivie. Avant cela, que ce soit durant la courte période où j’ai été moi-même pasteur, impliqué dans le conseil des Églises où nous nous trouvions, ou responsable administratif d’associations variées, j’étais plutôt celui qui avait l’engagement public et payé, tandis que Stéphanie s’occupait largement d’élever, avec plaisir, nos quatre filles, tout en travaillant plus ou moins partiellement pour arrondir les fins de mois, et en s’impliquant comme membre active de l’Église, en particulier dans la louange. Un couple évangélique assez classique en somme, chacun bien à sa place diraient certains !

… vers un ministère moins visible

Depuis près de deux ans, je vis un peu ce que la plupart des femmes de pasteurs ont vécu pendant des siècles, un ministère moins public et moins payé, certainement moins gratifiant aux yeux des hommes, mais certainement reconnu par notre Dieu. Et je voudrais ici rendre hommage à ces épouses qui ont vécu — et vivent toujours — cette vie plus effacée, en soutien à la personne la plus en vue dans l’Église, peut-être la plus respectée, alors qu’elles s’occup(ai)ent des enfants et de la maison, viv(ai)ent ces moments de solitude quand leur conjoint était/est en réunion ou en visite, souvent tard le soir. Mais surtout, je reconnais que beaucoup de femmes ont souffert dans l’Église, alors qu’elles voulaient s’y impliquer davantage et ont été brimées, avec l’appui involontaire de la Bible. Et j’en suis profondément attristé.

Depuis presque deux ans donc, étant moi-même docteur en théologie, amoureux de la Parole bien lue — comme tout bon évangélique qui se respecte —, je réfléchis ainsi plus particulièrement à ce sujet qui a frustré bien des femmes et divisé bien des Églises : le ministère de la femme dans l’Église. Combien d’arguments ai-je pu entendre, depuis que j’ai commencé mes études de théologie il y a 25 ans, en faveur ou contre l’implication des femmes dans le pastorat ; combien de discussions à laquelle j’ai assisté pour déterminer les différents domaines de l’Église où elles pourraient intervenir ou pour juger des moments où elles pourraient parler ou se taire ?

Pourquoi tous ces débats ?

Il n’y a pas de doute, ces débats sont nés (1) d’une part du fait que l’Écriture, la Parole de Dieu que nous chérissons tant, semble indiquer que la femme, du fait même qu’elle soit née femme, ne peut pas enseigner les hommes ou avoir des paroles d’autorité adressées aux hommes, et (2) d’autre part du fait que nous avons des femmes qui, dans notre société, peuvent aujourd’hui exercer les mêmes métiers que les hommes, avoir autorité sur beaucoup d’hommes dans leur travail, mais qui ne pourraient être pasteur/enseignant ou avoir autorité sur des hommes dans l’Église. 

Je ne vais pas essayer ici d’avancer les arguments en faveur du ministère féminin, je n’en ai pas la place et ce n’est pas mon but. D’autres l’ont fait et, pour une clarification synthétique et bienfaisante de ces passages — somme toute peu nombreux (1 Co 11 : 3-16 ; 1 Co 14 : 33b-36 ; 1 Tm 2 : 9-15) — je conseille le petit livre de Jean-Marc Bellefleur, Hommes & Femmes dans l’Eglise.[1]

Deux erreurs que j’aimerais cependant relever :

  • L’Église a eu le malheur, au cours de son histoire, de se mettre sous la férule de la condamnation d’Eden (Gn 3 : 16-17) sans comprendre que Jésus était justement venu pour nous en libérer, et cela inclut notamment la domination de la femme par l’homme. Le Nouveau Testament a été écrit dans le contexte de cette révolution du 1er siècle. Ne le lisons pas comme s’il avait été écrit d’abord pour nous au 21e, sans faire l’effort exégétique indispensable qui nous permettra de comprendre ce que ces passages nous enseignent aujourd’hui.
  • L’Église a aussi malheureusement confondu la relation entre la femme et l’homme en général et la relation conjugale en particulier ; or beaucoup d’éléments des passages en question se réfèrent à cette dernière, et Adam et Eve — tout en étant représentants de l’humanité — étaient avant tout un couple. Cette séparation aurait dû être faite et c’est de la relation conjugale que j’aimerais plus particulièrement parler car, au final, c’est elle qui me concerne actuellement.

Dans l’Église

A vrai dire, je n’ai pas fini ma réflexion, plus compliquée qu’elle n’y paraît. Je crois qu’il nous faut penser à deux choses en même temps, sans les confondre :

Nous avons été créés homme et femme avec des aptitudes différentes, et ces dons ne devraient pas être réfrénés dans l’Église, ni leur exercice décidé en fonction du sexe de la personne. Les différences de traitement qui existaient avant Jésus ne sont plus (Gal 3 : 28). Les rôles différents mais complémentaires qui sont présents dans le couple (nous sommes des vis-à-vis) ne se retrouvent pas de manière décalquée dans les rapports hommes/femmes dans l’Église. Ma femme est enfant de Dieu, fille, épouse, mère et pasteure. Ses aptitudes pastorales concernent tous les membres de l’Église — hommes et femmes — et sont basées sur son cœur de berger, sa connaissance théologique qui a été validée, le choix de l’Église qui l’a nommée pasteure et, plus que tout, sur la Parole de Dieu.

Quand ma femme parle dans l’Église, fait part de ce que la Bible enseigne, c’est la Parole de Dieu qui fait autorité.

Quand elle encourage et admoneste, les membres de notre Église (dont moi !) entendent un prophète, dans le sens premier du mot : « quelqu’un qui parle devant », c’est-à-dire un porte-parole de Dieu qui veut parler à un peuple donné, dans un lieu donné.

Dans le couple

De mon point de vue, les rapports entre les femmes et les hommes en général dans la société et les rapports entre un homme et une femme dans un couple ne sont pas les mêmes. Si dans les deux cas, nous nous devons respect mutuel — pour notamment lutter contre les conséquences de la chute qui a tout faussé — notre différence créationnelle fait que, dans le couple, nous devons apprendre comment l’autre fonctionne pour bénéficier de notre apport mutuel. Le problème est que nos caractéristiques originelles ont été profondément marquées par la chute et l’histoire, de sorte que nous avons du mal à trouver notre parfaite place : nous avons parfois l’impression que nous ne venons pas de la même planète.

D’ailleurs, John Gray a écrit un petit livre qui me semble bien instructif à ce sujet : Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus[2]. Pour résumer, dans le couple, la femme a besoin de faire confiance à l’homme et l’homme a besoin d’écouter la femme (C’est je crois ce que Paul indique en partie quand il dit que la femme doit être soumise à son mari et l’homme doit aimer sa femme). Ce principe ressort de différences liées à la force physique et protectrice masculine et à la compassion maternelle féminine.

Nos caractéristiques, tordues par la chute, de forces qu’elles étaient, sont devenus faiblesse. Au lieu d’être partenaires, nous sommes devenus ennemis. Nous devons retrouver ce partenariat créationnel tout en étant encore victimes du péché et dans l’attente d’une rédemption finale. Nous devons respecter et mettre en œuvre nos bonnes caractéristiques créationnelles pour justement lutter contre ce qui a été marqué par la chute. Nous devons aussi reconnaître que les caractères masculins et féminins sont importants dans la communauté chrétienne. Pendant trop longtemps, l’Église — composée pourtant en majorité de femmes — n’a écouté que des hommes. Il est temps qu’une meilleure parité entre dans nos communautés, pour qu’hommes et femmes soient nourris par des hommes et des femmes, avec la Parole comme appui.

Antoine FRITZ


[1] Bellefleur, J.-M., Hommes & Femmes dans l’Eglise, Charols: Excelsis, [2003], 2018, 118 p.

[2] Gray, J. and J.-M. Ménard, Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus : Connaître nos différences pour mieux nous comprendre, (Ménard, J.-M.), J’ai lu Bien être, Paris : J’ai lu, 1997, 342 p.


Pour aller plus loin, voici un article qui tisse un lien plus direct entre ce qui est vécu dans le couple et dans l’Église. Le débat continue…😉

“Pour un complémentarisme égalitarien” de Joëlle Sutter-Razanajohary

servirensemble.com est le fruit de différents auteurs et c'est la richesse de ce blog. Vous trouverez le nom de cet auteur à la fin de l'article. Vos contributions sont les bienvenues, contactez-nous!

3 comments on “Marié à la pasteure de l’Église

  1. M.Rose

    Bonsoir,
    Merci pour ce témoignage très intéressant et encourageant pour des
    relations transformées entre hommes et femmes, grâce à Jésus !
    Je me souviens de la réflexion d’un frère :”ce n’est pas une femme qui doit
    me dire ce que j’ai à faire !” Et pourtant c’est bien un fondement de l’évangile ,
    l’humilité qui consiste à considérer que nous avons tous à apprendre de ce
    qui n’est pas élevé dans la société, rejeté, méprisé, plus faible, petit
    et même différent !

    Dans la relation de couple, ce qui nous a fait beaucoup de tort,
    c’est la confusion entre la relation de Dieu avec son église ou Israël
    et la relation conjugale que l’on met sur le même plan sans discernement.

    La pasteure Joëlle dans son livre sur la métaphore conjugale,
    “invitation à la danse” en fait une démonstration éclatante . Elle permet de
    déjouer les pièges ds lesquels on tombe facilement, même si on connait
    la bible depuis longtemps, tant cette image est omniprésente et s’ incruste
    dans notre imaginaire.

    Par contre, à mon humble avis, faire confiance ou écouter l’autre, n’est pas
    un schéma définitif réservé à la relation épouse-époux à cause de leurs
    différence physiques et psychiques mais un conseil en rapport à une longue histoire de domination, de pêché, car dans toutes les relations interpersonnelles
    il s’agit de faire confiance et de s’ écouter mutuellement pour que la relation
    soit juste et fructueuse.

  2. Garabédian Magguy

    Article très encourageant. Merci pour ce partage.

  3. Très intéressant. Merci à l’auteur. Et que le Seigneur le bénisse richement dans son nouveau et beau ministère !

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