Dans la Bible, comme dans l’Histoire de l’Église et encore largement aujourd’hui, on trouve des unions maritales très fructueuses pour le royaume de Dieu, où mari et femme servent ensemble une Église locale. Cela se décline de mille et une manières selon les milieux et les particularités de chaque couple.
Quel rôle ? Quelle fonction ?
Comme on l’écrivait dans la première partie de cette réflexion, être une épouse de pasteur apporte son lot de contraintes, implicites ou explicites (à commencer par être le modèle de la femme chrétienne parfaite !)
Des tâches concrètes, « à choisir » parmi les suivantes (ou autres, vos expériences nous intéressent. N’hésitez pas à nous laisser un commentaire :-)) peuvent s’y ajouter :
- Arranger les fleurs (bon, c’était autrefois un classique dans l’Église Anglicane !)
- Jouer du piano (idem)
- Accueillir les fidèles
- Assister aux réunions
- Écouter
- Conseiller
- Consoler
- Faire le ménage
- Faire le thé et le café
- Organiser les évènements
- Enseigner les enfants
- Faire des réunions pour les femmes
- Secrétariat
- Décorer
Ainsi mobilisée, l’épouse du pasteur peut sentir son identité propre se fondre dans celle de son mari. C’est ce qui se passe littéralement, sur le plan linguistique avec la désignation l’épouse du pasteur. Cela conditionne ensuite l’image qu’elle a d’elle-même, et l’image que les membres de l’Église ont d’elle.
Existant dans le regard des autres par rapport au ministère pastoral exercé par son mari, elle serait ce « rôle » ou cette « fonction »… avant d’être une personne à part entière, un individu. Elle ne serait alors qu’un stéréotype, ce qui induit un fort risque de dépersonnalisation. Et dans la mesure où chaque Église locale, membre d’Église ou union d’Églises, semble avoir des attentes propres concernant le rôle de l’épouse du pasteur, cette pression soutenue pourrait devenir un facteur aggravant d’un burn-out.
La condition de l’épouse du pasteur serait pire encore si elle existait ainsi dans le regard de son mari lui-même, en rapport à son ministère de pasteur – le vrai ministère, entendons-le-bien. Le pasteur se sentirait alors parfaitement justifié de la considérer comme son « aide-assistante » – selon une compréhension limitée du mot « ezer » dans Genèse 2 : 18 – et, en conséquence, il serait en droit d’avoir certaines exigences. (Mais Genèse 2 n’envisage pas le ministère pastoral, bien entendu !)
Or, le mot « épouse » ne se réfère pas à une fonction, mais à une relation… personnelle et intime.
Une vision biblique
La Bible elle-même distingue entre statut marital et identité spirituelle. En 1 Corinthiens 9 : 3-5, Paul écrit :
Voici ma défense devant ceux qui me jugent. N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ? N’avons-nous pas le droit d’emmener avec nous une sœur en tant qu’épouse, comme le font les autres apôtres, les frères du Seigneur et Céphas ?
Certes, il faudrait qu’un tel mariage soit « dans le Seigneur », selon la formule utilisée dans 1 Corinthiens 7 : 39. Mais dans cette phrase, Paul distingue entre la personne dans sa relation avec les autres membres de l’Église (une sœur chrétienne, un disciple de Christ) et la même personne dans une relation particulière et exclusive (le mariage).
L’épouse du pasteur est l’épouse de l’homme qui est le pasteur et partage avec lui une intimité. Elle n’est pas « l’épouse de pasteur » de l’Église qui disposerait d’elle.
Voilà pourquoi il faut la libérer de toutes les attentes, de tout stéréotype.
On ne reçoit pas de don spirituel par les liens du mariage. On ne reçoit pas un appel au ministère de la part d’un époux.
L’Esprit distribue les dons à qui Il veut. Christ appelle qui Il veut.
Quelle vocation pour l’épouse du pasteur ?
Comment alors une sœur chrétienne mariée à un pasteur devrait-elle vivre cette foi commune ? Comme une joyeuse collaboration ou un sacrifice imposé ? Un fardeau pesant ou un appel personnel ?
C’est à elle de discerner l’appel du Seigneur sur sa vie, et d’y répondre librement. Aucun verset biblique ne dicte d’avance sa mission ; on ne trouve pas de vocation mandatée pour une « épouse de pasteur » dans l’Écriture.
L’observation des pratiques permet de suggérer quelques cas de figure :
(1) L’épouse qui soutient son mari pasteur
Elle ne sert pas visiblement dans l’Église mais est une source d’encouragement et de sagesse pour son époux. Elle lui permet de vivre une vie d’homme et une vie de famille épanouies. Son engagement chrétien se manifeste principalement dans ses relations avec les autres : famille, amis, voisins, collègues.
A priori, l’épouse de Pierre pourrait rentrer dans ce cas de figure. Elle l’accompagne mais la Bible ne dit rien d’autre sur elle.
(2) L’épouse qui sert dans l’Église où son mari est pasteur
Elle ne s’implique pas dans les responsabilités pastorales, même si elle pourrait partager des fardeaux avec lui dans la prière. Elle est impliquée dans l’Église selon le don qu’elle a reçu, selon ce que Dieu lui a mis à cœur (enfants, évangélisation, ménage …) sans nécessairement être responsable d’une équipe.
(3) L’épouse qui est associée à son mari pasteur
Elle est impliquée dans le ministère pastoral avec et aux côtés de son mari, non par obligation ou privilège, mais parce que le couple croit que Dieu les appelle à cette collaboration.
Historiquement, et sur le plan pratique, il est probable que ce type d’association reflète en partie la réalité des limitations placées sur les femmes : on permet à celles qui sont mariées à un pasteur de servir, mais restant « sous son autorité », puisque c’est son ministère à lui qui est reconnu. Dans ces milieux, on tolère un certain « ministère féminin ».
(4) L’épouse co-pasteure avec son mari
Le couple est réellement conscient d’un appel divin à exercer le ministère pastoral ensemble. Cela ne signifie pas que leurs dons et leurs ministères sont identiques. Chacun reste un individu.
(5) L’épouse pasteure
Cette sœur est pasteure même si elle n’est pas mariée à un pasteur. D’ailleurs, elle ne sert pas forcément dans la même Église que lui.
Priscille pourrait rentrer dans les deux derniers cas de figure. Elle a été formée par Paul, tout comme son mari Aquilas. Lorsque Paul se réfère au couple pour parler du ministère, c’est Priscille qui est mentionnée en premier.
Lydie reçoit une Église dans sa maison… cela fait-il d’elle une pasteure selon nos critères contemporains ?
Progresser en Église
Au cours de mes nombreuses conversations avec des « épouses de pasteure », j’ai rencontré beaucoup de femmes qui souffrent d’être « femme de » et qui racontent leur propre appel reçu de Dieu. Cela n’empêche pas pour autant la plupart d’entre elles de servir Dieu et les Églises locales avec amour et dévouement. Leur souffrance est cachée ; leur service est un sacrifice.
Mais d’autres font des burnout et/ou se désintéressent du service dans l’Église. Elles paient avec leur santé, elles paient avec leur être.
Il est arrivé aussi que quelques-unes profitent de leur privilège et deviennent autoritaires.
J’ai encore remarqué que celles qui s’accommodent d’être « un bon double » de leur mari, selon une expression parfois entendue, ne parlent pas d’avoir reçu un appel personnel. Pour elles, le mariage est leur appel.
Face à ces constats, une urgence s’impose : apprendre à vivre l’Église non selon nos traditions mais selon la vision dynamique (du grec, dunamis) que Paul élabore dans Ephésiens 4 :
Il y a un seul corps et un seul Esprit (v.4) Mais à chacun de nous la grâce a été accordée selon la mesure du don du Christ (v.7) C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme annonciateurs de la bonne nouvelle, d’autres comme bergers et maîtres, afin de former les saints pour l’œuvre du ministère, pour la construction du corps du Christ (v.11, 12)
Tous sont impliqués dans la construction du corps de Christ !
Nous ne vivons pas notre vie chrétienne, ou notre service, selon nos propres forces humaines, mais par la force du Saint Esprit. C’est la puissance (dunamis) de Dieu qui nous rend capable d’accomplir une œuvre de valeur (Eph 3 : 20,21 ; 2 Tim 1 : 7). Sans lui nous ne pouvons rien faire.
Dans cette construction décrite par Paul, ce n’est pas une question « d’autorité sur » les autres, mais d’un mandat pour former les autres à entrer dans leur service : « l’autorité que le Seigneur nous a donnée, pour vous construire et non pour vous démolir » (2 Cor 10 : 8).
Il s’agit d’élever les autres !
Le pasteur marié
Il devrait prendre au sérieux sa responsabilité de traiter son épouse comme Christ traite l’Église dans Ephésiens 5, l’élevant dans un contexte social où les femmes sont considérées comme étant inférieures. Le pasteur marié devrait encourager son épouse à développer ses dons, l’aider à les mettre en œuvre et discerner de quelle manière Dieu l’appelle à collaborer avec elle.
Il devrait être le premier à reconnaître le ministère et les dons de sa femme ! Et une femme mariée à un pasteur qui est libre d’être elle-même, libre de se consacrer selon ses dons et son appel, pourra être l’ezer de son mari : un secours pour sa vie, une vraie collaboratrice, un vrai vis-à-vis !
L’épouse de pasteur
Elle devrait résister aux stéréotypes et se consacrer à ce que Dieu l’appelle à faire. Si elle se rend compte que le fait d’être mariée à un pasteur lui donne un privilège particulier pour exercer ses dons, elle ne devrait pas transformer ce privilège en « autorité sur » les autres, mais utiliser son mandat pour les former…
Et la femme non mariée à un pasteur ?
Dans l’Écriture Dieu appelle chaque même du corps de Christ à servir selon ses dons, à les mettre en œuvre. Pourtant, dans certains milieux, les femmes célibataires, ou mariées à des hommes qui ne sont pas pasteurs, sont privées de la pleine possibilité d’exercer leurs dons. Qui mieux alors que l’épouse de pasteur pour repérer ces sœurs et faire d’elles de précieuses collaboratrices pour le royaume ?
Il faudrait, bien sûr, tenir compte du mari de ces pasteures dont nous avons parlé plus haut ! Peut-être dans un prochain article…
A celui qui peut, par la puissance qui est à l’œuvre en nous, faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui la gloire dans l’Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, à tout jamais. Amen ! (Ephésiens 3 : 20-21)
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