Progresser en Église

Dans un monde imaginaire

Cet article écrit à deux voix par Sangal et Ephraïm Goldschmidt a également été écrit en deux temps. La première partie a été rédigée par Sangal, qui l’a lue à voix haute lors d’un culte. La deuxième partie est la réflexion que ce texte a alimentée chez Ephraïm, son époux. Bienvenue dans un monde imaginaire, un monde plein d’humour aussi !

Dans un monde imaginaire

Dans un monde imaginaire, nous remettons rarement la langue française en question et nous disons « bonjour à toutes, que chacune d’entre vous soit à l’aise à ce culte ». Et ceci est la formulation neutre pour dire que tout le monde est bien accueilli. Lorsque nous lisons des passages bibliques en Église, nous ne modifions pas oralement le texte, car nous savons que le texte concerne tout le monde. Par exemple : « Mes sœurs, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves que vous pouvez rencontrer, Jacqueline 1 verset 2 »

Dans ce monde imaginaire, dans notre Église, il y a principalement des prédicatrices, les hommes se sentent moins à l’aise de prêcher, même ceux qui ont fait des formations. Dans ce monde imaginaire, il y a eu une période où nous avions quatre anciennes, quant à leur époux, ils étaient très heureux de soutenir leurs femmes dans ce ministère. 

Dans ce monde nous avons fraîchement engagé un pasteure homme et c’est un petit peu une révolution.

Un point chaud dans ce monde imaginaire est « le ministère masculin » et à l’Église nous débattons sur la première lettre aux Corinthiennes de l’apôtresse Paula, chapitre 14 verset 34 : « que les hommes se taisent dans l’Église, car il ne leur est pas permis de parler ; qu’ils soient soumis comme le dit aussi la loi. » Certaines femmes de notre Église soutiennent l’autre sexe dans ce débat en disant qu’Emmanuelle, dans le Nouveau Testament, a donné une nouvelle place aux hommes. 

Oui, la Messie, la Sauveuse est une femme appelée Emmanuelle, la lionne de Juda est née femme, car un homme n’aurait pas été pris au sérieux par les contemporaines de son époque. Emmanuelle enseignait dans les synagogues ainsi qu’à des foules de plus de 5000 femmes, sans compter les hommes et les enfants ! Elle guérissait les malades, parlait en paraboles aux pharisiennes, mangeait avec les exclues de la société et bien qu’elle eût 12 disciples comme Jeanne, Simone-Pierrette, ou Mathilde ancienne collectrice d’impôt, une foule de personnes la suivait – dont des hommes !

Dans ce monde imaginaire, un petit garçon à l’école du dimanche demande : est-ce que la Bible n’a été écrite que par des femmes ? Parce que presque tous les personnages sont féminins. Et pourquoi c’est Ève qui a été créée en première ? Et pourquoi c’est Adam qui a mangé le fruit défendu ?

Un garçon du groupe de jeunes complète que les rares personnages masculins sont souvent des hommes prostitués, des fils de femmes importantes, des époux, des serviteurs, etc… Il ne comprend pas pourquoi Dinoh, le seul fils de Jacobah n’a pas pu être au moins la treizième tribu d’Israëlle ! Il ne comprend pas non plus pourquoi c’est juste l’homme infidèle que les pharisiennes voulaient lapider et pas la femme qui avait été infidèle avec lui…

À ces jeunes garçons, dans ce monde imaginaire, nous leur disons de ne pas trop remettre en question la Sainte Parole, que c’est écrit comme cela pour une bonne raison, et que malgré toutes les inquiétudes et la frustration qu’ils peuvent avoir, il ne faut pas qu’ils se sentent perturbés car Déesse les aime. Oui parce que l’Éternelle est appelée Déesse, Mère toute puissante, Souveraine, Créatrice du monde.

Dans ce monde imaginaire, pour se réconcilier à l’Église, nous prions le Notre Mère, qui es aux cieuxÀ l’occasion du 8 mars, la journée de l’homme, nous chantons : j’irai parler pour celles qui n’ont pas de voix, j’irai plaider pour les droits des femmes exploitées, et aussi Mère unis nous toutes… Et par ces chants nous voulons vraiment faire sentir aux hommes qu’ils sont acceptés dans la communauté. 

Et puis, pour fêter notre réconciliation, nous faisons une agape. Peut-être que vous trouverez les époux avec beaucoup de leurs amis à la vaisselle et que vous me verrez moi avec mes amies, discuter de la prédication et faire les louanges des plats qu’ils avaient préparés. 

Bien sûr, nous faisons attention à valoriser nos frères ! Nous ne manquons pas de leur dire merci pour leurs services, car dans l’Église, il faut aussi des personnes qui s’occupent de ces tâches-là, c’est un don !

Dans ce monde imaginaire peut-être que ce serait mon mari qui serait à ma place en train d’écrire cette lettre. Il aurait peut-être dit la chose suivante : « que ce soit dans notre société ou dans l’Église, des fois je me sens effacé, mis de côté, ou dans un combat constant pour justifier une place. Même dans le langage, je me sens rarement intégré. » Quelques hommes dans l’Église l’auraient remercié d’avoir évoqué le sujet, ils l’auraient trouvé courageux.

Mais ça, c’est un monde imaginaire, notre société n’est pas matriarcale (heureusement !), mais patriarcale (malheureusement !), depuis bien longtemps. Et cela se lit aussi dans la Bible. Et se voit dans nos Églises. Effet de mode ? Injustices ? Cela dépend pour qui… Personnellement, je rêve d’un monde et d’une société humaniarcale ! Un mot bizarre, inexistant, désignant une humanité qui pense au « nous », tout en prenant compte du « je ». Cette société repense son passé pour vivre pleinement son présent et engager ses pas vers un beau futur. Elle prépare la venue d’un royaume, où « nous nous aimons les uns, les unes, les autres comme Jésus nous a aimés ». Jeanne 13… Oups ! Jean 13 verset 34. 😉

Sangal Goldschmidt

Réaction 

Dans ce manifeste, nous sommes invités à imaginer la Bible et l’Église si notre société avait été matriarcale et non patriarcale. L’exercice de pensée a de quoi désorienter. 

Je suis invité à contextualiser les Écritures. À me rappeler que, bien qu’inspirées par Dieu, elles portent la vision des hommes qui les ont écrites. Je suis invité à requestionner notre Église.  

Alors que je la pensais progressiste, je réalise qu’il y a encore du chemin pour que femmes et hommes puissent servir ensemble sans relation de privilège ni de domination.

La première fois que Sangal m’a fait part de son indignation, ma première attitude a été l’évitement. Bien qu’ayant grandi dans l’Église, je n’ai pas souvenir d’avoir entendu (peut-être n’ai-je pas suffisamment écouté) la façon dont les femmes peuvent vivre leur invisibilisation. Rien ne m’a préparé à savoir quoi répondre face à ce ressenti. Et cela ne se limitait pas à l’Église. Sangal était révoltée par ce qu’elle voyait être la place des femmes dans notre société. 

Avec le temps et à force d’échanges, j’en suis venu à comprendre que je ne pouvais pas juste botter en touche sur cette question. J’identifie aujourd’hui plusieurs choses que nous pouvons faire en tant qu’hommes : 

  1. Favoriser l’expression. Si certaines femmes s’expriment spontanément sur le sujet, d’autres ne vont pas forcément oser en parler ni même avoir conscience de la frustration qui les habite. Développer des relations de confiance entre femmes et hommes me semble être un bon moyen d’avoir une parole plus libre à ce sujet. 
  2. Comprendre. Une fois que la parole s’est libérée, c’est à nous de produire un effort d’empathie. En nous mettant à la place de l’autre par un exercice d’imagination, mais aussi en accueillant les questions posées. En m’indignant avec Sangal face à un film qui dépeint la femme comme un objet, nous requestionnons ensemble le monde qui nous entoure.
  3. Agir. Comme évoqué dans l’article, beaucoup passe par le langage. Dans mes prises de parole, je peux veiller à utiliser un langage qui donne aux femmes de se sentir incluses. Je peux encourager l’exercice des dons chez une personne en voyant au-delà de son étiquette « homme » ou « femme ». À côté de combien de prédicatrices ou pasteures sommes-nous passés à cause de ces étiquettes ? 

Ephraïm Goldschmidt

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3 comments on “Dans un monde imaginaire

  1. Lamure

    Trop drôle ! merci d’avoir fait cet exercice … juste, je pense qu’on n’est pas au bout de nos peines …

  2. M.Rose

    Oui, on a pas fini de rire, d’ailleurs :

    – Quand Dieu a formé la femme
    Adam se tenait les côtes
    Ce fut le premier humoriste !

    – Si l’homme a été crée avant la femme,
    c’était pour lui permettre de placer quelques mots !

    – Quand l’homme et la femme se marient
    ils ne forment plus qu’un.
    Le problème c’est de savoir lequel !

  3. M.Rose

    Rebonjour,
    plus sérieusement, à première lecture le fait d’appeler Jésus “Emmanuelle”
    m’a choqué ! En fait avec l’humour, vous faites ressortir que Dieu aurait
    pu s’incarner dans n’importe quel être humain différent selon le lieu, l’époque
    le type de société, les circonstances. (ds un monde limité il faut bien faire des choix !).
    Le fait d’ être juif, masculin, célibataire, charpentier ne sont que des aspects secondaires et les considérer comme des principes de supériorité (l’autorité masculine par ex.) conduit à l’idolâtrie. Le seul point commun est qu’il fut un être humain sans péché et sa supériorité : sa divinité.
    MERCI , je le savais mais présenté sous cet angle cela me frappe encore plus.

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