Anthea Sully, directrice de White Ribbon UK, se lève contre les violences faites aux femmes en en déterrant les racines. En entretien avec Mary Cotes, elle parle de sa foi et plaide pour une interprétation de la Bible sensible aux questions de la violence faite aux femmes.
Quel est votre rôle actuel et quels sont ses principaux défis ?
Je suis la directrice générale de White Ribbon UK. Il s’agit de la principale association [au Royaume-Uni] qui s’efforce de mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, en travaillant auprès des hommes et des garçons. Nous cherchons à créer un changement personnel et culturel afin de construire une société respectueuse et égalitaire où la violence est évitée avant qu’elle ne commence.
Nous luttons contre les cultures où il existe des normes établies sur ce que signifie être un homme ou une femme, ce qui peut conduire à la violence. Nous cherchons à créer des traits masculins positifs dans un monde où le sexisme est courant et où la misogynie est normalisée et commercialisée.
Vous avez travaillé pendant des années au sein de l’Église méthodiste. Comment avez-vous vécu la transition entre le travail au sein de l’Église et le travail dans la société au sens large ?
J’ai travaillé dans de nombreux domaines tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des Églises. Au sein de l’Église méthodiste en Grande-Bretagne, j’ai dirigé pendant plusieurs années la Commission Vie Publique et Justice Sociale, tant au niveau national qu’international.
Ma tradition méthodiste relie profondément la foi et la justice sociale et cela a été une force motrice dans ma vie.
En même temps que je travaillais directement pour l’Église, j’ai été engagée au niveau politique en siégeant au conseil local et, avant d’assumer mes fonctions actuelles, j’ai fait campagne pour un meilleur financement et un meilleur soutien des personnes souffrant de troubles de l’apprentissage. Je me suis toujours sentie très personnellement inspirée et appelée par Dieu à prendre tous ces rôles. Je ne pense pas qu’être appelé à un rôle au sein de l’Église soit plus important que d’être appelé à un rôle en dehors de celle-ci.
Comment les Églises peuvent-elles s’engager de manière plus efficace par rapport à la violence faite aux femmes et aux filles ?
Pour commencer, il faut nous rappeler que ces questions sont présentes à l’intérieur de nos Églises comme à l’extérieur. En Grande-Bretagne, par exemple, une femme sur trois sera victime de violence conjugale au cours de sa vie ; plus de 50% de femmes ont été victimes de harcèlement sexuel au travail ; 71% de femmes ont été harcelées dans des lieux publics ; neuf filles sur dix ont subi des injures sexistes. Nous devons d’abord parler de ces choses. Nous ne devons fermer les yeux ni sur les comportements masculins toxiques, ni sur les cultures qui encouragent la violence faite aux femmes. La transformation se produira lorsque nous aurons mis en place des moyens de veiller à ce que les femmes soient soutenues, que les hommes écoutent les expériences des femmes et soient prêts à dénoncer à haute voix tous les aspects de la misogynie.
À votre avis, comment l’interprétation des Écritures peut-elle aider les chrétiens à prendre conscience de ces questions ?
Il y a beaucoup d’histoires dans la Bible où l’injustice et la violence sont toutes les deux dénoncées et où ceux qui sont marginalisés sont écoutés et honorés. Quand nous regardons les Évangiles, par exemple, nous voyons que la façon dont Jésus abordait les femmes diffère radicalement des normes de l’époque.
Mais il y a aussi des textes qui ont été utilisés pour justifier les abus et la violence, ou pour approuver la domination masculine. Nous devons faire très attention à la façon dont nous transformons en héros des personnages qui ont une histoire complexe, comme le roi David, par exemple. Les êtres humains sont capables de faire à la fois le bien et le mal, et nous devons tous le reconnaître.
Quelles questions particulières devrions nous avoir à l’esprit en abordant les textes de la Bible ?
Trois questions pour commencer :
- Quel est le contexte dans lequel ce texte a été écrit ?
- Quel rapport y a-t-il avec le contexte dans lequel je vis, qu’il s’agisse du contexte personnel, sociétal ou global ?
- À quelle action cela m’appelle-t-il ?
Je crois passionnément à la puissance des histoires, qu’il s’agisse des histoires que nous raconte la Bible, ou celles que nous entendons dans la vie quotidienne. En racontant nos propres histoires ainsi qu’en lisant les histoires de la Bible, il vaut la peine de poser une quatrième question : quelles voix se font le plus entendre ici ? Celles des femmes ou celles des hommes ? Les femmes sont-elles vues et définies à travers les yeux des hommes ? Les Églises ont peu veillé à ce que la voix des femmes soit autant écoutée que celle des hommes. L’équilibre nous manque. Nous devons accorder aux femmes le pouvoir de parler et d’agir – leur voix a beaucoup à nous apprendre.
En tant que chrétiens, nous cherchons à remettre en question les interprétations traditionnelles selon lesquelles la violence et l’injustice sont considérées comme inévitables.
C’est ça l’espoir. Nous croyons que la puissance de Dieu peut nous transformer.
À part Jésus lui-même, quel homme dans la Bible désigneriez-vous comme un modèle de bonne masculinité ?
J’ai tout récemment posé cette question lors d’une réunion du Forum œcuménique des femmes chrétiennes européennes. J’ai été très impressionnée d’entendre proposer Joseph, le mari de la mère de Jésus. Différents aspects ont été évoqués à son propos. Joseph écoutait Dieu. Il était publiquement prêt à soutenir Marie malgré les attentes morales de l’époque. En répondant à l’appel de fuir en Égypte, il a veillé à ce que sa petite famille soit en sécurité. Malgré tout cela, il est présenté comme un homme ordinaire et n’est pas dépeint comme un héros.
À votre avis, quelles paroles de Jésus offrent le défi le plus puissant aux masculinités toxiques ?
L’histoire de la femme qui verse du parfum sur la tête de Jésus (Marc 14 : 3-9) me touche beaucoup. Lorsqu’elle est réprimandée par les personnes présentes pour avoir gaspillé de l’argent, Jésus dit : « Laissez-la tranquille ».
Comme le monde serait différent si les hommes disaient à d’autres hommes : « Laissez-la tranquille » ! Une grande partie du travail de White Ribbon UK consiste à donner à tous les hommes des stratégies pour intervenir en toute sécurité. Par exemple, s’ils sont avec des amis qui racontent des blagues sexistes, ils n’ont qu’à dire : « Je ne suis pas d’accord avec ça ».
On voit tout le temps des affiches et des T-Shirts citant des paroles de Jésus. Pourtant, je n’ai jamais vu d’affiche dans une Église qui disait : « Laissez-la tranquille ». Nous envisageons d’en créer. Je voudrais que tous les hommes chrétiens fassent l’effort d’apprendre cette phrase.
Quel verset biblique résume le mieux pour vous le travail dans lequel vous êtes impliquée ?
Je choisis Galates 3 : 26-28. C’est un verset qui décrit l’égalité radicale ! La violence des hommes à l’égard des femmes est à la fois le résultat de l’égalité et un obstacle à celle-ci. En réalisant la vision qui est présentée ici en Galates, où il y a des relations respectueuses et égales en Christ, nous connaîtrons une transformation à la fois au sein de l’Église et dans la société au sens plus large.
ANTHEA SULLY
Traduction : Mary Cotes
Anthea Sully est PDG de White Ribbon UK. Elle est également membre du Comité Central du Forum Œcuménique des Femmes chrétiennes européennes et co-présidente de son réseau britannique. Elle a également été modératrice de la Commission Église et Société de la Conférence des Églises européennes.
Merci pour cet article ! Ca me touche de penser à Joseph comme un autre modèle de bonne masculinité. Jésus était bien entouré !
Thank you for passing this on! – Slowly we are heard as women. Please, all of you in important positions continue
to fight for our rights as we do in every day life. Bon courage! Elisabeth Frey