Textes bibliques

“Femmes symboliques de la Bible” de Egbert Rooze #lupourvous

L’approche de l’auteur est originale en ce qu’il choisit de considérer les femmes bibliques en tant que figures symboliques et non dans leur dimension historique. Bibliste et théologien belge décédé inopinément un an avant la parution de ce livre aux Éditions Olivétan en mars dernier, Egbert Rooze propose ici pour la première fois en français une série d’exégèses autour de femmes bibliques. Merci beaucoup à Marie Holdsworth pour sa recension !

Comme le souligne Élisabeth Parmentier dans sa préface, Rooze apporte un regard nouveau et une approche complémentaire aux théologies féministes. Il invite à une lecture qui dépasse le littéralisme et ne réduit pas les portraits de femmes à des modèles à suivre ou pas.

Dans son préambule, Rooze introduit ses dix exégèses et présente sa méthodologie pour interpréter ces textes connus et moins connus mettant en scène des femmes bibliques, essentiellement dans le Nouveau Testament.

Le travail exigeant de la lecture

Il s’interroge sur la manière de lire la Bible. Pour lui, la traduction et la lecture sont exigeantes, l’amenant à chercher à la fois l’intention possible de l’auteur au travers du contexte historique et textuel du récit, mais également à réfléchir à une signification actuelle des textes. Les lecteurs ont le choix de découvrir un récit en l’abordant « d’un point de vue historicisant ou encore davantage d’un point de vue judéo-chrétien, […] sous l’angle du midrash, » (p. 10) que lui-même développe. Le midrash est une méthode de lecture rabbinique de la Bible. Midrash vient du mot hébreu biblique « darash » qui signifie examiner, expliquer, interpréter.

A la suite de générations de lectures apportant une grande diversité, Rooze fait le choix de lire le Nouveau Testament et en particulier les Évangiles en tant que production littéraire juive ancienne, ce qui veut dire, sans négliger les liens existants avec l’Ancien Testament et ce pour tenter d’y découvrir le sens caché, métaphorique du texte.

La métaphore de la femme stérile

Pour illustrer son propos et introduire ses analyses, Rooze montre comment la métaphore de la femme stérile fonctionne dans le corpus biblique. Ainsi l’injonction faite en Esaïe 54 « Jubile, stérile, toi qui n’as pas enfanté » ne concerne pas une femme historique en particulier, mais représente plutôt une attitude spirituelle. Le terme hébreu pour ‘stérile’ comprend le mot ‘racine’, indiquant ainsi une personne déracinée, qui n’est pas en état de mener une vie féconde.

Ce thème est repris et utilisé dans la Genèse. « La femme stérile, qui représente le peuple d’Israël, ou une partie du peuple, n’est pas capable, à un moment donné d’accoucher d’une vie nouvelle. » (p. 12) Cette façon de lire la stérilité de nombreuses femmes dans les récits de la Genèse est midrashique. C’est au travers de ce paradigme de lecture du Nouveau Testament, à partir de la Tanakh (désigne les trois parties de la Bible hébraïque), que Rooze invite le lecteur à découvrir les textes suivants.

Les exégèses des dix récits choisis peuvent se lire individuellement ou à la suite les uns des autres, sans que cela ne dérange la lecture.

Les filles de Tselophhad et les figures féminines chez Jean

Le premier passage abordé, sur les filles de Tselophhad en Nombres 27, est le seul de l’Ancien Testament et est relativement peu connu du grand public. Rooze fait donc découvrir ce texte, tout en y apportant une analyse attentive sur cette histoire d’héritage et d’émancipation.

Il examine ensuite le récit en Jean 16 où l’image de la femme qui accouche avec difficulté est utilisée dans les propos de Jésus pour parler du temps messianique.

La troisième étude se penche sur la mère de Jésus dans l’évangile de Jean et en particulier dans l’épisode des noces de Cana, qu’il examine longuement. Dans le quatrième évangile, Jésus ne s’adresse à elle qu’en temps que ‘femme’. Rooze y lit une figure d’Israël.

Sa lecture de la femme samaritaine en Jean 4 en tant que représentante symbolique de son peuple permet une lecture de cet épisode biblique qui n’est ni individualiste ni moraliste.

C’est aussi le cas dans l’interprétation que Rooze donne du texte de la femme accusée d’adultère en Jean 7, écrit dans l’esprit de Jean. « Cette femme représente l’Israël infidèle, qui a quitté son homme » (p. 76). Le sujet dépasse donc l’adultère pour représenter ici l’idolâtrie dont Israël est coupable. Rooze montre également comment ce texte peut être perçu comme une invitation au dialogue judéo-chrétien.

Le récit suivant présente le texte charnière de Jean 11 au milieu de l’évangile. Rooze montre comment Marthe et Marie « représentent toutes les deux une facette de la pensée juive du premier siècle de notre ère » (p. 87).

Le dernier texte pris dans Jean (chapitre 20) se penche sur Marie-Madeleine, « le témoin permanent de la résurrection » (p. 103) et figure de « l’Israël mutilé » (p. 110).

Trois figures féminines dans les Synoptiques

Les trois derniers récits sont tirés des Évangiles synoptiques.

En Marc 5, il est question de la fille de Jaïre, un des chefs de la synagogue et la femme qui perd du sang depuis douze ans. L’enchevêtrement de ces deux histoires, liées par le chiffre douze et ces deux ‘filles’, la fille de la synagogue et la fille du peuple pointe vers des détresses et un dilemme : qui aider en premier ? Comment apporter une libération qui dépasse les murs de nos communautés ?


L’exégèse suivante porte sur le récit de la fille d’Abraham courbée depuis 18 ans, qui nous est rapporté en Luc 13. Seule femme appelée ainsi dans tout le corpus néotestamentaire, « elle caractérise Israël dans son état courbé » (p. 128) suite à la domination romaine. La question est donc de savoir comment être délié de ce joug.

Le dernier chapitre se penche sur la généalogie en Matthieu 1 et la présence de quatre femmes étrangères. Rooze y montre comment Matthieu produit une généalogie théologique où « le Christ ne peut pas se comprendre sans le Premier Testament » (p. 138) et en particulier la Genèse. Cette généalogie osée, avec la mise en évidence de quatre femmes, représentantes des peuples païens, est une annonce de la libération qui « poursuit son cours de façon non conventionnelle » (p. 151).

Une analyse fouillée, érudite et contextuelle

Tout au long de ces exégèses, Rooze présente à la fois une analyse fouillée, érudite et contextuelle tout en distillant des principes qui régissent ses interprétations. Par l’exemple, il montre comment son analyse se fonde sur le contexte historique du récit, mais aussi sur les contextes textuel et intertextuel. Il prête particulièrement attention à la symbolique des chiffres, mais aussi à l’étymologie et à l’occurrence des mots en langue originale faisant ainsi des liens dans tout le corpus biblique, ce qui s’avère captivant.

L’auteur considère également les implications de ces textes sur la foi du lecteur et sur les autres. Il part du principe que les textes bibliques sont construits et culturels. Ils doivent donc être appréhendés dans leur contexte littéraire, historique et symbolique. Cette lecture se veut à l’encontre des lectures littérales et dissociées du contexte. Par l’envergure de ses analyses, Rooze nous montre comment un texte biblique peut résonner en profondeur et la possibilité de découvrir toujours plus dans ce texte. Il propose ainsi une lecture exigeante mais profonde du texte biblique, dans un style accessible.

Une mine d’or à découvrir permettant d’approfondir la compréhension de ces récits bibliques et d’apporter un regard nouveau et symbolique sur ces figures féminines !

Marie HOLDSWORTH


Retrouvez Marie Holdsworth sur son blog Les pépites de Marie.


Article paru en partenariat avec la Librairie protestante.

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