Christine Kling est aumônier. C’est le genre de femmes à vous communiquer sa bonne humeur. Grande sportive devant l’Éternel, elle vous embarque dans son monde, et souhaite recevoir ce que vous avez à partager. Dans la simplicité de sa bienveillance, Christine nous partage un petit bout de son vécu.
Une carrière dans l’informatique
Je suis aumônier à plein temps au sein de la Fondation des Diaconesses de Reuilly depuis juillet 2021. Rien, à priori, ne semblait me prédisposer à un tel parcours.
J’ai grandi dans les années 60, dans le bassin minier de Saint-Étienne, un pays de poussière, de labeur mais aussi d’entraide. C’était une région plutôt communiste, et nous nous retrouvions dans les histoires de Don Camillo, avec d’un côté les fidèles des matchs de foot et de l’autre les fidèles de la messe du dimanche. Ma famille préférait de loin le stade de football (le Chaudron) à la paroisse catholique locale, alors, à l’adolescence, j’avais déjà prise ma décision : pour moi ce serait : ni Dieu, ni maître.
Bonne élève en classe, je fus encouragée par mes enseignants à suivre la « voie royale » des classes préparatoires. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait, ce fut un rude apprentissage fort heureusement éclairé par la rencontre de celui qui allait devenir mon époux.
Ingénieur de formation, je suis un pur produit de la méritocratie à la française, reconnaissante à l’école publique de m’avoir ainsi ouvert les portes de la connaissance et de la culture.
Je fis ma carrière essentiellement dans des entreprises américaines, plus ouvertes à la diversité et surtout avec des méthodes de management et de ressources humaines plus motivantes. On parlait de talents et de potentiel et non pas d’échelons ou de classification. Tout un chacun avait ainsi sa chance.
Travailler dans le monde de l’informatique d’entreprise et des télécommunications, c’était évidemment travailler dans un monde essentiellement masculin. J’ai eu la chance de rencontrer des collègues masculins qui furent de bons supporteurs de la cause féminine, me permettant ainsi d’accéder à des postes à responsabilité. De la technique j’ai peu à peu évolué vers les ressources humaines, où j’ai fini ma carrière en 2015.
Ma rencontre avec le Christ
C’est assez tard et à la suite de circonstances de vie douloureuses que j’ai trouvé la foi et le Christ. Cette rencontre, elle s’est faite en Écosse et cela a influencé et continue d’influencer ma spiritualité. C’est en Écosse que j’ai fait mes études de théologie à l’université baptiste. L’Église baptiste s’était imposé tout naturellement à moi : ma défiance vis-à-vis de toute forme d’autorité ou de hiérarchie religieuse, une Église de professants, l’engagement social et bien sûr l’exemple de Martin Luther King furent autant de facteurs pour ce choix. Et puis les Églises baptistes m’apparurent comme des Églises soucieuses d’une approche théologique équilibrée et pertinente au sein de la culture environnante.
Au Royaume-Uni le pastorat féminin a été adopté en 1922– ce fut un peu plus long pour l’Écosse –et la question, je dirais ne se pose plus vraiment. De plus, venant du monde de l’entreprise où l’égalité hommes-femmes est prônée, même si elle n’est pas toujours appliquée, il allait pour moi de soi que Dieu avait créé l’homme et la femme pour qu’ils servent ensemble dans sa mission.
J’ai évidemment fait mon travail d’analyse des textes bibliques, tentant de comprendre les arguments contraires, mais peut-être faut-il être une femme pour saisir la relation si particulière de Jésus avec les femmes : son accueil, sa disponibilité, sa présence auprès d’elles souvent scandaleuse pour le contexte, son désir qu’elles soient enseignées, et soient les premières à proclamer la Bonne Nouvelle de sa résurrection.
Pasteure et aumônier
Après mes études de théologie, je suis rentrée en France et j’ai servi la FEEBF en tant que missionnaire de la BMS World Mission. Ces quatre dernières années, j’étais à Gif-sur-Yvette, en tant que pasteure à mi-temps pour redynamiser l’Église locale et aumônier à temps partiel au sein d’une EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de la Fondation des Diaconesses.
J’ai déménagé dans la région du Gard en juillet 2021 et je suis actuellement aumônier à temps plein auprès de quatre établissements : deux EHPAD, une près d’Anduze et une près d’Uzès, un centre Alzheimer près d’Anduze et un centre de rééducation gériatrique près d’Alès. La diversité de ces établissements est tout à la fois un défi et une richesse : un défi car il faut sans cesse se réinventer, et une richesse de rencontres et de projets.
C’est avec la crise du Covid que mon intérêt pour l’aumônerie a grandi. Dans ces lieux, qui sont souvent le dernier avant la mort, il y a un immense besoin d’écoute et de réconfort. Si en tant qu’aumônier, je suis évidemment là pour répondre aux attentes « religieuses » (cultes dans chaque établissement, bien souvent prières œcuméniques, onction des malades etc.) la fonction va bien au-delà et s’intéresse au « spiritual care », à la dimension spirituelle de chacun, ignorée ou en souffrance. Comme on prend soin du corps et de l’esprit, il est important de prendre soin de l’âme, de comprendre les sentiments de culpabilité, de colère, ou autres, vis-à-vis de Dieu ou de la religion en général.
L’aumônier est également là pour le personnel et la direction, tentant d’être une présence de paix, porteur de paroles d’espoir et de réconciliation, voix alternative lors des réunions. Nul besoin de « prêcher », l’humour, et Jésus en était rempli, permet bien souvent de dédramatiser les situations. L’aumônier peut aussi être appelé à d’autres tâches – ces établissements manquent cruellement de personnel et une paire de mains supplémentaires est bien apprécié : conduire un résident à un rendez-vous médical, recruter des bénévoles, pousser un fauteuil pour une promenade etc. et enfin être présent pour les familles, surtout en cette période bien difficile.
Pour moi l’aumônerie c’est l’Église hors les murs, partant à la rencontre de tout un chacun sur son lieu de vie ou de travail afin de témoigner de l’amour du Christ, le tout premier aumônier 🙂
Mon rêve pour l’Église
Si j’avais un rêve pour l’Église ce serait qu’elle soit un vrai lieu multigénérationnel, un lieu sans clivage, où tout un chacun se sentirait reconnu et encouragé à servir.
J’ai parlé en préambule de la chance que j’avais eu dans ma carrière d’avoir été soutenue et parrainée par des collègues masculins. Je pense qu’en Église, il doit en être de même : nous devons soutenir et encourager ceux qui sont actuellement en minorité dans les postes de responsabilité, cela concerne les femmes encore bien minoritaires alors qu’elles sont largement majoritaires dans nos assemblées, mais aussi les personnes vivant avec un handicap, les jeunes et les moins jeunes, … Jésus est parti à la rencontre de personnes bien diverses et s’est laissé interpeller par elles : de l’aveugle à la femme de Samarie, du jeune Marc à la vieille prophétesse Anne qui a attendu l’âge de 84 ans pour voir son Sauveur, et je pourrais ainsi continuer. Dans chacune de ces rencontres, c’est un autre « accent » de l’Évangile qui s’est révélé, comme j’aime les appeler, une autre perspective qui vient nous éclairer. Nous avons besoin d’entendre ces « accents », ces différentes perspectives, nous avons besoin d’être le corps du Christ dans son pluralisme et sa diversité, uni dans un seul et même Esprit.
Très intéressant même si je ne m’attendais pas à ça
j’ai eu le plaisir de rencontrer Christine, elle m’a raconté son témoignage de comment elle a rencontré le Christ. Formidable.