« Après mon premier sermon, un membre de l’Église a demandé à mon mari si c’était lui qui avait écrit mon sermon. »
« Même si j’avais plus d’éducation, de diplômes et d’expérience que tous les autres hommes au service de l’Église, j’étais la moins bien payée et je bénéficiais de moins d’avantages sociaux. »
« [Mon co-pasteur] ne reçoit pas de carte-cadeau pour aller chez le coiffeur : moi, si. Les gens ne lui font pas de commentaires sur ce qu’il porte sous sa tunique ; à moi, si. On ne l’encourage pas à être plus doux ; moi, si. »
Ces témoignages, ainsi que beaucoup d’autres, viennent d’une enquête menée à l’automne 2021, sous la direction de Laura Ellis, dans le milieu baptiste aux États-Unis sur la situation des femmes dans le ministère. 555 personnes ont répondu, dont 82 % de femmes engagées dans le ministère. Les femmes qui ont répondu à l’enquête sont des pasteures, diacres, responsables, aumônières, accompagnatrices, professeures ou étudiantes. Elles travaillent ou ont travaillé dans des Églises, des aumôneries, des universités, des écoles bibliques, des unions d’Églises, et des organisations à but non lucratif. Ensemble, les personnes qui ont répondu à l’enquête représentent plus de 10 dénominations baptistes différentes.

Ce rapport montre que les baptistes font plus de place aux femmes dans le ministère. De plus en plus de femmes sont ordonnées et entrent dans des rôles pastoraux. La proportion de femmes parmi les étudiants en théologie à des niveaux de master ou plus augmente également : elle est passée de 47 % en 2015 à 51 % en 2021. Pourtant, ces augmentations sont souvent minimes statistiquement. Les auteures de l’enquête constatent que peu de choses ont changé pour ces femmes depuis le rapport de 2015. Elles continuent à rencontrer de nombreux obstacles dans leur ministère.
Vécu des femmes dans le ministère
L’étude montre que 86 % des femmes dans le ministère rencontrent des obstacles liés à leur genre.
Certains de ces obstacles sont majeurs, et le rapport les compare à des rochers : discrimination au travail, harcèlement ou agression sexuelle, sont des expériences communes à de nombreuses femmes. D’autres obstacles semblent plus petits et le rapport les compare à des petits cailloux : microagressions, commentaires désagréables ou questions inappropriées. Cependant, même ces petits cailloux, s’ils s’entassent, peuvent finir par avoir la taille d’un rocher.
Parmi les obstacles-rochers, certaines femmes s’entendent dire qu’elles ne peuvent pas exercer un ministère en raison de leur genre. D’autres fois, elles sont encouragées théoriquement dans leur appel au ministère et soutenues pour servir dans une autre Église, mais pas ici. D’autres fois encore, les femmes sont engagées dans le ministère mais continuent à se heurter à des obstacles importants dans des milieux qui n’acceptent autant les femmes dans la pratique du ministère comme ils prétendent l’accepter en théorie.
59 % des femmes dans le ministère disent qu’elles sont ignorées ou mises de côté dans leur contexte de ministère.
63 % des femmes dans le ministère doivent se battre pour avoir voix au chapitre.
Discrimination au travail
On parle beaucoup de discrimination au travail dans le milieu de l’entreprise, et l’enquête révèle que cette discrimination se retrouve aussi dans l’Église. D’un côté, les femmes reçoivent plus de questions inappropriées sur leur vie amoureuse et leurs projets familiaux. D’un autre, la différence est marquée par le salaire et le titre qui leur est accordé.
49 % ne sont pas rémunérées de la même manière que leurs homologues masculins.
La distinction entre ce que les hommes et les femmes peuvent faire dans le milieu baptiste est souvent marquée par un titre ministériel. Par exemple, alors que tous les hommes employés par une Église locale peuvent porter le titre de “pasteur”, les femmes au service de l’Église ne pourront qu’être “diacre” ou “responsable”.
42 % des femmes exerçant un ministère ont déclaré qu’elles n’étaient pas autorisées à accomplir certaines tâches ministérielles en raison de leur genre.
30 % ont un titre différent de celui de leurs homologues masculins.
Luttes quotidiennes
Parmi les obstacles-cailloux, on retrouve des formes de discrimination sexuelle qui se présentent souvent sous la forme de commentaires et de microagressions. Par exemple :
59% des femmes exerçant un ministère ont déclaré que leur jugement était remis en question dans leur domaine d’expertise.
72% des femmes exerçant un ministère ont déclaré qu’elles devaient fournir plus de preuves de leurs compétences que leurs homologues masculins.
En ce qui concerne les luttes quotidiennes, de nombreuses femmes ont indiqué qu’elles devaient attendre de mériter leur place et qu’elles avaient constamment l’impression de devoir “faire leurs preuves” auprès des personnes qui les entourent. L’enquête a montré que le besoin de fournir plus de preuves de sa compétence était l’obstacle que les femmes dans le ministère rencontraient le plus. En plus des questions posées dans l’étude, plusieurs femmes ont noté dans les commentaires qu’elles recevaient des remarques déplacées sur leur apparence.
Harcèlement et agressions sexuelles
L’étude révèle ensuite des statistiques affligeantes : une femme sur quatre a été victime de harcèlement, d’inconduite ou d’agression sexuelle dans le cadre de son ministère. Les auteures remarquent que ces chiffres ne sont pas beaucoup plus bas que les statistiques nationales sur le harcèlement et les agressions sexuelles au travail.
Ce que peuvent faire les congrégations
À la lumière des statistiques sur les obstacles que les femmes continuent à rencontrer dans le ministère, il semble qu’il y ait un décalage entre la façon dont les baptistes pensent soutenir les femmes dans le ministère et la réalité des expériences des femmes dans leur milieu.
Pour les femmes travaillant dans les Églises ou dans d’autres contextes ministériels, les congrégations locales ont un impact considérable sur les expériences positives et négatives des femmes dans le ministère. 87 % des femmes exerçant un ministère ont déclaré que le soutien de leur congrégation avait un impact direct sur leur capacité à s’épanouir.
Des femmes dans tous les services
Les congrégations peuvent être de puissants agents de changement positif. L’une des façons de faire évoluer une congrégation vers la pleine affirmation des femmes dans le ministère est d’inclure les femmes dans tous les types de ministère au sein de l’Église. Cette visibilité crée une culture d’acceptation des femmes dans les rôles ministériels et réfute l’idée que les femmes dans le ministère sont une étrangeté.

Plusieurs femmes ont indiqué dans les commentaires se sentir isolées dans leur ministère, sans pouvoir prendre d’autres femmes comme modèles.
“L’union à laquelle appartient ma congrégation n’a ordonné qu’une seule femme au cours de ses 100 ans d’existence. Pour autant que je sache, je suis actuellement l’une des deux seules femmes autorisées à prêcher dans une Église membre de cette association.”
Une théologie qui relève les femmes
Un des moyens de créer une culture de soutien aux femmes dans le ministère est d’adopter une théologie qui valorise les femmes et les jeunes filles. Le tableau suivant donne des exemples de la manière dont les Églises peuvent prêcher un message d’empowerment pour les femmes de tous âges. Ces messages sont importants pour toute l’Église, car ils contribuent à créer une culture qui valorise et soutient les femmes.

Thématiser le harcèlement et les agressions sexuelles
Bien qu’une femme sur quatre exerçant un ministère ait été victime de harcèlement ou d’agression sexuelle dans le cadre de son travail, ce sujet n’est pas abordé dans la majorité des congrégations baptistes.
51 % des personnes interrogées ont déclaré que le harcèlement et les agressions sexuelles n’étaient jamais ou rarement abordés dans leurs congrégations.
Toutes les victimes et survivantes, y compris les femmes exerçant un ministère, souffrent du silence et de l’inaction de l’Église lorsqu’elle est confrontée à sa propre complicité en matière de harcèlement et d’agression sexuels. À la lumière des statistiques sur les femmes exerçant un ministère qui ont été agressées et harcelées, les auteures de l’étude urgent les baptistes à mieux former toutes les personnes exerçant un ministère, afin de garantir des limites professionnelles sûres et d’établir des protocoles de signalement clairs. La première étape pour assurer la sécurité des femmes exerçant un ministère, ainsi que des fidèles et de toutes les personnes exerçant un ministère, est la volonté de discuter du harcèlement et des agressions dans les congrégations, même lorsque les conversations sont difficiles et inconfortables.
Conclusion
Les auteures concluent : « Les résultats révélés par l’enquête BWIM (Baptist Women in Ministry) montrent qu’il est nécessaire de poursuivre les efforts en faveur de l’équité et de l’inclusion afin que toutes les femmes soient pleinement reconnues et célébrées en tant que membres à part entière du corps du Christ. Les femmes continuent à rencontrer des obstacles importants qui compliquent leur capacité à servir dans le ministère […] Les baptistes ont fait des progrès incroyables pour faire de leurs congrégations et de leurs lieux de ministère des endroits où les femmes peuvent être accueillies et affirmées. Les obstacles mis en lumière par cette enquête n’annulent pas ces progrès. Parallèlement aux luttes, les femmes portent en elles les joies de la raison d’être, du soutien, de l’affirmation et de l’amour de la part des espaces et des personnes qu’elles servent. Cependant, il reste encore du travail à faire. La bonne nouvelle, c’est que les congrégations et [les œuvres] ont le pouvoir de faire la différence. »
Le rapport complet (en anglais) peut être consulté ici.
Photo de Melyna Valle sur Unsplash
Bonjour,
pour la première fois dans mon église baptiste, en France,
une pasteure va pouvoir exercer son ministère parmi nous
et il s’agit de son premier poste !
Combien votre étude tombe à propos pour aider notre sœur
à faire face à tous les situations qu’elle peut rencontrer au sein
de notre église locale à cause de son genre.
Je vais faire connaitre ce texte autour de moi.
Mais on se réjouit aussi car les choses avancent !
Je ne suis pas francophone. Alors, en anglais…
When we moved home to help take care of my ageing father we found ourselves in Baptist circles rather than the church planting, affirming of women, atmosphere we had been in for 20 years.
One of my first brushes with our new reality was near the end of a service blessing the opening of a new Christian school. We were asked to form a small prayer circle with the people sitting near us. The retired male pastor next to me stood up and pushed past me saying, “I’m going to pray with the men.”
I was very shocked. I know he shouldn’t have had the power to hurt me but he did. If I tried to explain it he would probably have “doubled down” and said I ought to understand how much more appropriate it would be for him to pray with his brothers? equals?
In Baptist circles it’s not just women in ministry who are demeaned – it’s offered freely to all women!
Merci pour cette enquête qui révèle la situation actuelle des femmes dans le ministère des églises baptistes aux USA et qui montre le chemin encore à parcourir pour une pleine et juste reconnaissance des femmes dans nos communautés ainsi que le travail de lutte contre tous les abus qui leur sont infligés au sein même de nos églises évangéliques. Une enquête similaire serait intéressante à réaliser en Europe.
Est ce qu’une même étude existe t elle en France?
Pas à ma connaissance, mais c’est vrai que ce serait très intéressant.