Comment passer d’un fonctionnement complémentarien vers un fonctionnement égaliarien en Église ? Rob DIXON et April FIET nous présentent une feuille de route en cinq étapes. Cet article fait suite à celui de la semaine passée.
Dans la première partie de cet article, nous avons abordé deux des cinq étapes du processus de transition vers la pleine inclusion des femmes dans la direction de l’Église. Aujourd’hui, nous allons poursuivre avec la troisième étape, qui consiste à annoncer la décision.
Annoncer la décision
Dans Matthieu 5, Jésus a commencé le sermon sur la montagne par les Béatitudes, des paroles visionnaires qui proclamaient à quoi le royaume de Dieu devait ressembler. Ce moment charnière a invité les auditeurs à une nouvelle façon d’être, à être une communauté qui serait différente de ce qu’elle était auparavant. La troisième étape de la feuille de route – annoncer la décision sur l’inclusion des femmes à tous les niveaux de direction dans l’Église – se distingue des autres étapes du processus parce qu’elle se place à un moment donné. La déclaration est le fruit de la prière, de l’étude, de la recherche et du discernement, mais au moment où la décision est annoncée, la communauté est invitée à participer à la nouvelle vision de l’Église.
Après une année d’étude intensive, chaque responsable de Bent Tree a partagé ses convictions avec le reste de l’équipe de direction. Le mouvement du Saint-Esprit était clair lorsque l’équipe est parvenue à la décision unanime d’inclure les femmes en tant qu’anciennes dans l’Église. L’étape suivante a consisté à élargir le processus pour inclure la communauté. Il s’agit d’un moment de vérité ; annoncer la décision implique d’évaluer le coût (pouvant inclure des départs dans l’Église), de discerner la marge de manœuvre nécessaire pour répondre aux questions et aux préoccupations de la communauté, et de fournir les ressources nécessaires pour rendre le changement systémique.
Une Église peut annoncer sa décision par le biais d’une déclaration des dirigeants, d’une étude théologique minutieuse, d’une série de sermons à propos de cette décision, ou d’une combinaison de tout cela. Bent Tree a fait les trois, le plus important étant le document théologique que les dirigeants ont produit. Ce document explorait les valeurs fondamentales de l’Église – telles que l’inerrance biblique et le partage des responsabilités – et plaidait en faveur de l’inclusion des femmes comme anciennes dans l’Église.
Inviter la communauté à suivre la feuille de route peut faire remonter à la surface de nombreuses émotions ou préoccupations des membres de la communauté. Dans de nombreux cas, les équipes dirigeantes qui ont bien géré ce changement dans leur Église se sont rendues disponibles pour répondre aux questions ou aux préoccupations que la décision a soulevées chez les membres de l’Église. Selon la structure de gouvernance de l’Église, le règlement d’ordre intérieur de l’Église peut devoir être modifié pour s’aligner sur la décision prise par les responsables de l’Église.
Un thème qui est revenu à plusieurs reprises dans nos entretiens est l’importance de la transparence au moment de l’annonce de la décision, et la nécessité d’expliquer à quoi ressemblera le processus à partir de ce moment-là. Puisque le changement implique une perte (même lorsque le changement est bon), la communauté peut apprécier d’apprendre ce qui restera inchangé (par exemple, les valeurs fondamentales de l’Église, le processus de nomination et d’élection des anciens et des diacres, l’engagement envers l’évangile et l’autorité des Écritures, etc.)
Faire participer la communauté
Dans la quatrième étape de la feuille de route, l’annonce de la décision est suivie d’une période de participation de l’ensemble de la communauté. Dans le cas de la communauté de Bent Tree, cette étape a pris la forme d’une invitation faite aux fidèles de contacter les anciens et les pasteurs suite à cette prise de position officielle.
D’après nos recherches, la participation réussie d’une communauté est marquée par trois caractéristiques : l’intentionnalité, une multitude d’opportunités et une forte implication pastorale.
Premièrement, les personnes interrogées ont souligné l’importance de l’intentionnalité dans cette phase du processus. Par exemple, un dirigeant a utilisé le mot « campagne » pour décrire la façon dont sa communauté envisageait cette étape. Les processus intentionnels sont proactifs, soigneusement construits, et ils sont communiqués de manière claire et répétée.
Deuxièmement, nos entretiens ont souligné l’importance d’un large éventail de possibilités de participation. La diversité des points de contact peut rendre le processus plus accessible et permettre à chacun d’y trouver son compte. Notre recherche a permis de dégager plusieurs exemples de ce à quoi pourrait ressembler la participation des communautés :
- Des conversations individuelles avec des responsables d’Église qui ont participé au processus.
- Des rencontres au sein de la communauté où les membres se réunissent pour poser des questions et obtenir des réponses.
- Envoi de courriels contenant des ressources pour une étude plus approfondie
- Séminaires avec des experts extérieurs
- Des séries de sermons en lien avec la décision annoncée.
Troisièmement, le processus de participation de la communauté doit être fondamentalement pastoral. Les mises en œuvre réussies guident efficacement la communauté à travers le processus de changement. En repensant au processus de participation de son Église, un responsable a noté que « les gens ont été amenés à participer », en ce sens qu’ils se sont sentis considérés et entendus.
La mise en place d’un processus pastoral est d’autant plus importante qu’il peut y avoir des réactions négatives. Tous les dirigeants que nous avons interrogés dans le cadre de ce projet ont décrit une certaine forme de contrecoup de la part d’individus ou de groupes au sein de la communauté élargie. Un responsable a fait remarquer que « même après le processus, des poches de colère peuvent persister dans l’Église ». Ce potentiel élevé de désaccord devrait inciter à un processus pastoral. Les dirigeants ne seront peut-être pas en mesure de persuader tout le monde de s’aligner sur la décision de l’Église, mais il est important d’honorer toutes les personnes impliquées dans la communauté par le biais du dialogue pastoral. Comme l’a souligné un pasteur, « la façon dont nous discutons est tout aussi importante que ce que nous décidons. »
Mettre en œuvre le changement
Après s’être engagé dans les quatre autres étapes de la feuille de route, il est temps de respirer, de reconnaître les coûts encourus et d’apporter soin et soutien aux dirigeants qui ont participé au processus de changement depuis le début. Ensuite, le processus doit se poursuivre. Un changement théologique doit également entraîner des changements culturels et structurels.
En d’autres termes, la pratique doit commencer à s’aligner sur la théologie. Pour qu’un changement soit réussi et durable, il doit devenir partie intégrante de la manière dont une communauté « fait Église ».
La mise en œuvre implique une intentionnalité dans les mots et les titres. Une communauté a peut-être donné aux membres féminins de l’équipe le titre de « directrice » alors que le titre le plus approprié est « pasteur ». En faisant ce changement verbalement pour s’adresser à ces membres de l’équipe et dans des endroits comme le site web de l’Église, la valeur de l’inclusion des femmes à tous les niveaux de direction de l’Église est clairement exprimée. Ces petits changements aident la communauté à prendre conscience de la vision de ce que l’Église est en train de faire. Comme l’a fait remarquer un responsable que nous avons interrogé, il n’y aura pas d’adhésion de la congrégation si les gens ne peuvent pas voir à quoi cela consiste dans la pratique. Une autre Église a remplacé les bibles disponibles sur les bancs par des bibles de la New Revised Standard Version afin que les gens lisent la même traduction inclusive que celle utilisée par le pasteur pendant le culte.
La mise en œuvre est difficile parce qu’elle oblige l’Église à confronter des systèmes et des pratiques qui peuvent être devenus largement inconscients. Ces changements peuvent susciter des réactions fortes tant chez les responsables de l’Église que chez les fidèles, ce qui peut être difficile à gérer après un processus de changement qui peut avoir duré un certain temps. Une mise en œuvre efficace garantira que les responsables de l’Église sont soutenus tout au long du processus, et que le soutien et l’encouragement seront également apportés aux femmes qui seront les premières à être appelées à diriger. Un responsable d’Église a partagé son engagement à fournir un soutien à une jeune femme en disant : « Je ne veux pas qu’elle aille dans un contexte quelconque en se demandant si elle devrait être là. » Il est allé jusqu’à dire : « Je mettrais mon emploi en jeu » en partageant sa passion pour aider l’Église à engager pour la première fois une femme à un poste de direction. Même lorsqu’il y a une adhésion de la communauté, lorsqu’une Église accueille ses premières femmes leaders, toutes sortes de dysfonctionnements peuvent apparaître. Le soutien de ces premières dirigeantes est de la plus haute importance.
La feuille de route pour effectuer ce changement peut s’étendre sur des mois, voire des années. Même lorsqu’une Église a franchi les cinq étapes, ses dirigeants doivent rester déterminés à mettre en œuvre le changement. Au fil du temps, ceux qui s’engagent à effectuer ce changement peuvent remarquer des lieux de préjugés involontaires à l’encontre des femmes, des systèmes visant à les exclure, ou de petites habitudes qui continuent à les marginaliser. Par exemple, un responsable a raconté comment des décisions étaient prises par les hommes de l’équipe sur un terrain de golf local, une pratique qui excluait effectivement les femmes du processus décisionnel. Le fait de remarquer et d’éliminer ce circuit de prise de décision informel a créé une communauté avec un leadership plus inclusif pour son équipe. Au fur et à mesure que ce genre d’habitudes et de modèles seront mis en lumière, les Églises devront continuer à prendre des mesures pour mettre en œuvre le changement.
Un mandat biblique
Le premier chapitre de la Genèse expose la vision de Dieu pour un partenariat à part entière et égal entre les femmes et les hommes. Dans Genèse 1 : 27, Dieu dit aux premiers humains : « Soyez féconds et multipliez, remplissez la terre et soumettez-la ; dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les êtres vivants qui se meuvent sur la terre ».
Ce commandement établit fermement le principe de la direction partagée, des femmes et des hommes travaillant ensemble pour veiller sur la création de Dieu.
Dans la poursuite de cette vision de Genèse 1, le dur travail de mise en œuvre se poursuit à la Bent Tree Bible Fellowship. Cinq ans après son processus de discernement, la communauté en est à sa deuxième génération d’anciennes. Jour après jour, la direction partagée devient une réalité dans leur communauté ecclésiale.
En effet, Bent Tree et les autres responsables interrogés dans le cadre de ce projet démontrent qu’il est possible de franchir le pas vers une théologique égalitarienne. Les communautés qui aspirent à passer à la pleine inclusion des femmes dans la direction de l’Église peuvent suivre la feuille de route décrite dans cette série : identifier les déclencheurs, réunir les responsables, annoncer la décision, faire participer la communauté et mettre en œuvre le changement. Puisse l’Évangile progresser de façon plus importante alors que nos communautés discernent de nouvelles façons de travailler ensemble en tant que femmes et hommes dans le ministère.
Rob DIXON et April FIET, le 01 octobre 2021
Traduction : Dominique MONTEFIA
Note de l’éditeur de la version anglaise : En septembre dernier a eu lieu le lancement du livre de Rob Dixon, Together in Ministry (Ensemble dans le ministère), qui fait partie de la série de publications de Missio Alliance/InterVarsity Press (Missio Alliance/InterVarsity Press partnership line) et offre une feuille de route prophétique pour les individus et les communautés qui cherchent à développer des partenariats florissants pour le ministère entre femmes et hommes. Nous sommes honorés de présenter Rob et April Fiet aujourd’hui dans nos Écrits Collectifs puisqu’ils partagent un certain nombre d’idées et d’exemples repris dans le livre de Rob. La première partie de cet article original anglais se trouve ici ; la deuxième partie se trouve ici.
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