Témoignages

Florence Li : pionnière dans la prêtrise anglicane (1)

Donner la priorité à la vocation plutôt qu’au titre ? Prêtre, pasteure avec ou sans titre ? Les femmes d’hier nous inspirent et ont beaucoup à nous apprendre ! Aujourd’hui et la semaine prochaine nous vous proposons de découvrir le portrait de Florence Tim Oi Li, première femme prêtre anglicane.

Le 12 janvier 2021, la Révérende Emily Onyango a été nommée première femme évêque de l’Église anglicane du Kenya. Après avoir célébré sa nomination et sa consécration, nous nous souvenons également de celles qui l’ont précédée dans la longue lutte pour l’ordination des femmes. 

Les pionnières

La Communion anglicane compte trois ordres de clergé ordonné : les diacres, les prêtres et, au plus haut niveau, les évêques. La lutte pour l’ordination des femmes a rencontré des obstacles à chaque niveau. 

La première diaconesse, Elizabeth Katherine Ferard, a été ordonnée dans l’Église d’Angleterre en 1861. Cependant, les diacres et les diaconesses constituaient des ordres distincts, ces dernières n’étant pas considérées comme faisant partie du diaconat avant la conférence de Lambeth de 1968, une réunion décennale des évêques anglicans pour discuter des affaires courantes de l’Église et du monde. 

En 1971, Hong Kong et Macao ont été la première province à autoriser l’ordination des femmes à la prêtrise. Sept ans plus tard, en 1978, la Communion anglicane a décidé que chaque Église pouvait prendre sa propre décision concernant l’ordination des femmes à la prêtrise. Il a fallu quatorze ans à l’Église d’Angleterre pour l’autoriser (1992) et deux ans de plus pour ordonner ses premières femmes prêtres (1994). La première province à autoriser l’ordination de femmes évêques a été celle des États-Unis en 1974. Quinze ans plus tard, en 1989, l’évêque Barbara Harris – une femme noire – a été ordonnée comme la première femme évêque anglicane. 

Entre l’ordination de la première diaconesse (1861) et l’ordination de la première femme évêque (1989), il y a eu l’ordination de la première femme prêtre – une femme dont l’ordination controversée a relancé le débat sur l’ordination des femmes dans l’ensemble de la Communion anglicane. 

Cette femme était Florence Tim Oi Li, une Chinoise de Hong Kong, qui a été ordonnée prêtre en 1944 – près de 30 ans avant que cela ne soit autorisé dans sa province et 50 ans avant l’ordination des premières femmes prêtres dans l’Église d’Angleterre. 

Cette série d’articles en deux parties donne un aperçu de la vie, de la foi et du ministère de la première femme prêtre anglicane.

Le chemin vers le ministère 

Florence Tim Oi Li est née le 5 mai 1907 à Hong Kong, qui était alors une colonie britannique. Son père invitait souvent les pasteurs – hommes et femmes[1]. – à prêcher dans leur maison. C’est dans sa petite enfance que Li est tombée amoureuse du christianisme. 

En 1931, Li assiste à l’ordination de la diaconesse Lucy Vincent à la cathédrale St John, à Hong Kong. Le prédicateur déclare : « Nous avons ici aujourd’hui une dame anglaise qui est prête à se sacrifier pour l’Église chinoise. Y a-t-il une Chinoise qui serait prête à faire de même ? »[2] En entendant ces mots, Li sent que Dieu l’appelle à travers Ésaïe 6 : 8 – « Me voici, envoie-moi »

Suite à cet appel, Li poursuit des études de théologie. De 1934 à 1938, Li étudie à l’Union Theological College de Canton (une région du sud de la Chine connue aujourd’hui sous le nom de Guangzhou). La deuxième guerre sino-japonaise débute en plein milieu de ses études et les raids aériens japonais bombardent les villes chinoises[3]. Li dira de cette époque : « Ils ont largué des centaines de bombes… Les bombes sont arrivées dans notre région, et de nombreux travailleurs ont été tués. »[4].

Pourtant, les dangers de la guerre ne l’ont pas empêchée de conduire et de servir. Elle a présidé le mouvement des étudiants et a même conduit des équipes de premiers secours dans la ville, où elles ont failli être tuées par les bombes. 

Une fois ses études terminées Li retourne à Hong Kong et, pendant les deux années suivantes, elle travaille comme responsable laïque dans une paroisse locale, dirige un groupe de jeunes, prépare des couples au mariage, organise des classes de confirmation, fait des visites et accueille des réfugiés fuyant les raids japonais à Canton. 

Le chemin vers l’ordination 

À mesure que la guerre progressait, les Japonais occupaient de plus en plus de terres chinoises autour de Hong Kong et de Macao, une petite colonie portugaise située de l’autre côté de la rivière des Perles, en face de Hong Kong. Les paroisses anglicanes de Macao étaient desservies par un clergé visiteur venu du sud de la Chine. 

En 1940, lorsque les voyages à destination et en provenance de Macao deviennent trop dangereux pour les membres du clergé, Li est nommée au ministère à plein temps dans cette ville. L’année suivante, elle est ordonnée première femme chinoise diacre – dix ans après que Dieu l’a appelée lors de l’ordination de la diaconesse Lucy Vincent. 

En tant que diaconesse, son travail consiste à assister le prêtre, à lire les Écritures et les homélies, et à donner des cours de catéchisme aux jeunes. Elle peut même baptiser, prêcher et célébrer des mariages et des funérailles si un prêtre n’est pas en mesure d’être présent. 

La même année, Hong Kong tombe aux mains des Japonais et les réfugiés affluent à Macao. Lorsqu’il devient trop dangereux pour le prêtre de Hong Kong de se rendre à Macao pour célébrer l’Eucharistie, Li est autorisée à le faire en raison de « circonstances exceptionnelles en temps de guerre ». Dans sa biographie, on peut lire que « pendant deux ans, [Li] a travaillé comme prêtre, sans en avoir le nom »

L’évêque Ronald Hall, évêque de sa région, « décide que, si Li fait le travail d’un prêtre, elle doit être ordonnée prêtre »[5]..

En 1944, l’évêque Hall ordonne Li comme première femme prêtre de la Communion anglicane. Ce faisant, il souligné que la prêtrise était une vocation pour la vie. Li prendra cet engagement à cœur. 

Plus tard, l’évêque Hall écrit à William Temple, archevêque de Canterbury, pour lui annoncer l’ordination de Li. L’archevêque Temple n’approuve pas, mais l’évêque Hall refuse de demander à Li de démissionner. Temple essaye donc une autre tactique. On fit dire à Li : « Les évêques de la Conférence de Lambeth n’accepteront pas votre ordination. Soit [l’évêque Hall] démissionne, soit vous perdez le titre de prêtre. »

En 1946, deux ans après son ordination, Li écrit à Hall : « Je voudrais me taire pour aider l’Église. Vous êtes un homme important, je ne suis qu’un ver, un tout petit ver »[6]. C’est ainsi qu’elle renonça à son titre de prêtre.

Li n’a néanmoins jamais renoncé à son dévouement à sa vocation. 

Une tension qui perdure

Le reste de l’histoire de Li sera raconté dans une deuxième partie, mais pour l’instant, faisons une pause et laissons son histoire nous imprégner. Respirez profondément si vous en avez besoin. Surtout si, comme moi, vous êtes furieux et avez le cœur brisé par le renoncement forcé de Li. 

Li s’est consacrée au service de ses communautés, de ses paroisses et de centaines de réfugiés dans des circonstances extrêmement traumatisantes en temps de guerre.

Elle a fidèlement accompli le travail d’un prêtre avant, pendant et après son ordination.

En fin de compte, son dévouement à sa vocation était plus grand que son dévouement à son titre, à tel point qu’elle a humblement renoncé à son titre de « prêtre » pour préserver la position de l’évêque Hall. 

Je suis en colère et affligée que les femmes aient dû et doivent encore se minimiser pour protéger des « hommes importants ». Le choix de Li, bien qu’immensément admirable, n’est pas le choix de tout le monde. Je suis confrontée à la tension entre le fait de donner la priorité à la vocation plutôt qu’au titre et celui d’être fermement convaincue que les titres affirment et honorent l’appel de Dieu dans la vie des femmes. Surtout lorsque ces titres leur ont été historiquement refusés !

Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais été à la place de Li, mais je peux garantir que je ne l’aurais pas pris aussi bien qu’elle. 

En même temps, je suis pleine d’espoir. J’ai de l’espoir parce que le sacrifice et la souffrance des femmes comme Li ne sont pas inutiles. Li a été une pionnière de l’ordination des femmes anglicanes de sorte que la Révérende Emily Onyango et d’autres puissent suivre l’appel de Dieu plus librement. 

Je prie maintenant pour que, avec la même audace, le même dévouement et la même conviction que Li, nous continuions à éclairer le chemin pour celles qui viennent après nous. 

L’histoire de Li n’est pas encore terminée. Restez à l’écoute pour la deuxième partie qui arrive la semaine prochaine !

Christy CHIA

Traduction : Valentin DOS SANTOS

Cet article a été premièrement publié, le 03 mars 2021 en anglais sur le blog Mutuality de CBE International (www.cbeinternational.org) que nous remercions chaleureusement pour la permission de le traduire et republier.


Références

[1] Il existe un long héritage de femmes évangélistes et ministres chinoises – appelées Bible Women – qui ont jeté les bases d’une Église chinoise autonome. Christy Chia, “The Lasting Impact of Chinese Bible Women, 1860-1949,” WCIU Journal (2020), en ligne : https://wciujournal.wciu.edu/women-in-international-development/2020/12/4/the-lasting-impact-of-chinese-bible-women-18601949.  
[2] Florence Tim Oi Li and Ted Harrison, Much Beloved Daughter (London: Darton, Longman & Todd Ltd., 1985), p. 17.
[3] La seconde guerre sino-japonaise (1937-1945) fera plus tard partie de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).
[4] Florence Tim Oi Li and Ted Harrison, op. cit., p. 24.
[5] Florence Tim Oi Li and Ted Harrison, op. cit., pp. 34, 40.
[6] Florence Tim Oi Li and Ted Harrison, op. cit., pp. 51, 52.


Note de l’éditeur de la version anglaise : cet article est le quatrième de notre série 2021 sur le « Mois de l’histoire des Noirs » et le « Mois de l’histoire des femmes ». Pendant les mois de février et mars 2021, le Blog Mutuality a publié des articles sur les femmes noires et les femmes de couleur à travers l’histoire chrétienne, afin de raconter et de redire les histoires de nos ancêtres de la foi qui sont souvent négligées ou mal représentées par les livres d’histoire. Nous espérons que cette série d’articles vous donnera envie de continuer à en apprendre davantage sur les femmes égalitariennes qui ont lutté pour l’égalité ordonnée par Dieu et sur les façons dont nous pouvons poursuivre l’œuvre qu’elles ont commencée. 

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