Spiritualité

Jésus, féministe avant l’heure ?

Alors que je ne suis pas particulièrement positionnée comme spécialiste du sujet, on me propose parfois d’intervenir sur le sujet du regard et de la place de la femme dans nos représentations et nos organisations chrétiennes. Lors d’une intervention pour un café théologique autour du sujet : « Jésus, était-il féministe avant l’heure ? » nous avons eu de riches échanges avec les personnes présentes. Je vous partage ici la conclusion que j’ai souhaité donner à ma présentation sur ce thème.

Une intentionnalité choisie et incarnée

Dans la prière sacerdotale que nous pouvons lire en Jean 17, nous voyons toute l’ampleur des intentions de Jésus, tout ce pourquoi il était venu.

« Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité. » (Jn 17 : 19) Dans ce verset, Jésus rappelle à son Père en présence de ses disciples que chaque instant de sa vie était consacré à la mission que son Père lui avait confiée. En choisissant résolument de se l’approprier, elle a guidé chacune de ses actions, chacune de ses pensées.

Cette intentionnalité lui faisait bousculer les traditions, remettre en question la Loi, ou plus précisément l’interprétation courante de celle-ci, et à s’interroger sur l’ordre établi et le statut des uns et des autres dans la société. Cette approche s’est manifestée tôt dans la vie de Jésus, comme l’incident décrite dans Luc 2 : 41-51 le démontre.

Pour spécifier encore la teneur de sa mission, Jésus dira : « Moi qui suis la lumière, je suis venu dans le monde pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. » (Jean 12 : 46)

Une mission qui dépasse les traditions 

Jésus parlait dans ce contexte à des gens doublement enfermés : prisonniers de leurs traditions et du regard des autres (Jn 3 : 2). Ces normes culturelles faisaient-elles partie des ténèbres évoquées par Jésus et empêchant les gens de voir le Royaume de Dieu dont il est si lumineusement question en Jean 12 : 46 ?

Ces traditions leurs pesaient tellement qu’ils interpellaient souvent Jésus avec des questions du même type : peut-on faire, ne peut-on pas faire ceci ou cela…, pendant que Jésus leur annonçait le Royaume de Dieu, la réconciliation même avec le Père, faveur qu’ils cherchaient justement à atteindre par tous leurs préceptes de vie. 

Cette lumière du Royaume de Dieu était donc difficilement perceptible tant elle était recouverte de couches de moralités, d’obligations et de sanctions. Mais Jésus est-il venu pour bousculer les traditions, révolutionner les rapports entre humains ? Dans un certain sens oui, mais ce n’est pas sa finalité.

Oui il révolutionne les rapports parents-enfants, la place des hommes (rappelons-nous l’honneur bafoué de Joseph) et la place des femmes. Par lui elles deviennent disciples (Marie, la sœur de Marthe), apôtres (Marie de Magdala), prêtresses (la femme qui oint Jésus), évangéliste (la femme samaritaine)…

Mais ce n’était pas sa mission première. Sa vie était toute dédiée au but ultime de son sacrifice d’amour pour rétablir ce qui avait été prévu à l’origine, l’homme et la femme vivant pour Dieu et avec Dieu.  

Libéré « de » ou libéré « pour » ?

Certes, Jésus est venu pour libérer comme il le dit lui-même en Jean 8 : 36 : « Si donc le fils vous affranchit vous serez réellement libre… », mais on ne peut pas réduire Jésus à un révolutionnaire rétablissant la justice et l’égalité. Il a bien dit à ses contemporains qu’ils seraient réellement libres en lui, mais il ne les a pour autant pas libérés de l’oppression des Romains. 

Jésus n’a pas seulement libéré « de », mais il a aussi libéré « pour » !

La vraie liberté n’est pas seulement d’être libéré « de », mais réellement d’être libéré « pour » : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jn 17 : 18) Jésus nous a libérés de la condamnation et par là même il nous a libérés du joug humain, du regard des autres, des codes et des normes, du pouvoir que les biens de ce monde avaient sur nous. Ainsi nous sommes libérés pour être envoyés.

Libérés pour être envoyés

Jésus venait libérer les êtres humains du joug de leurs semblables, mais eux revenaient sans cesse avec leurs questions sur la tradition, sur ce qu’il fallait faire ou pas faire.

Cela me fait me poser les questions suivantes : 

  • Comment peut-on être envoyé si on est enfermé ?
  • Quels sont les sujets de discussions, de préoccupations, d’étude biblique entre chrétiens ? Nos sujets de rencontres ne devraient-ils pas tous concerner l’envoi, plutôt que nos échanges autour de : peut-on, ne peut-on pas, doit-on, ne doit-on pas faire ceci ou cela ? 
  • Doit-on rappeler encore et encore que le sabbat est fait pour les êtres humains et non les êtres humains pour le sabbat ? (Mc 2 : 27)
  • Sommes-nous vraiment différents des Juifs de l’époque de Jésus ? Ne sommes-nous pas dans le même mouvement quand nous disons : faut-il, ne faut-il pas ? Est-ce chercher d’abord le Royaume de Dieu ? N’est-ce pas plutôt réduire Jésus à ce qu’il n’est pas venu faire premièrement ?
  • Ces discussions et recherches de pureté ne voilent-elles pas justement ce que Jésus est venu faire pour nous ?

Nous sommes parfois tellement remplis de nous-mêmes pour essayer d’obtenir l’approbation de Dieu, que nous oublions ce qu’il est venu faire pour nous.

Alors Jésus féministe avant l’heure ?

Le but de Jésus était-il de libérer les femmes du carcan de la tradition juive de l’époque ?

Cette œuvre de libération fait partie d’une mission beaucoup plus grande. Il est venu accomplir tellement plus que de combattre la question des codes de conduites à respecter ou non. Son ministère sur cette terre s’inscrit dans une intentionnalité tellement plus grande que la révolution des mœurs en vigueur.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique » (Jn 3 : 16). Se séparer de son Fils lui a coûté, et si c’était juste pour avoir un gentil justicier qui remet les points sur les i à certains moments ou un libérateur de contexte à l’instant T, cela n’aurait pas valu toute cette peine-là. Ne minimisons pas cette œuvre de libération qui nous arrache à la mort éternelle et qui est le fondement sur lequel tous nos engagements se construisent. 

Ensuite, souvenons-nous qu’être envoyé par Christ implique d’être engagé dans des questions de justice sociale, d’égalité, etc. Il serait même difficile d’annoncer la Bonne Nouvelle sans parler de ces sujets importants, car Christ lui-même s’est soucié de ceux et celles que l’on néglige facilement. La libération des femmes fait partie de ce grand projet. Elle est un morceau du grand puzzle, mais pas la pièce centrale autour duquel tout s’agence. 

Le royaume de Dieu a besoin de chaque homme et chaque femme appelés à la liberté et libres en Christ, pour être sel et lumière dans un monde en souffrance.

Marie-Christine CARAYOL

Cet article a été publié premièrement sur le blog de l’auteure, AltHérité. Il a été adapté par Servir Ensemble avec son autorisation.

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