Comment tenir bon sur un chemin de vocation dans un domaine où les femmes sont encore minoritaires ? Comment garder le cap dans des moments de doute et de vents contraires ?
Je vous parle ici de mon gilet de sauvetage, de ce qui m’aide à persévérer dans la durée et à rester debout, non pas une semaine, un mois, une année, mais jusqu’au bout.
Avant tout : ce fameux blog !!
Le blog “Servir Ensemble” constitue une part importante de mon kit de survie. Tant de fois j’ai été encouragée à persévérer, renouvelée dans ma vision, mais aussi bousculée dans ma théologie. Pouvoir penser et repenser ma compréhension des textes bibliques grâce aux articles hebdomadaires est un immense bienfait. Être témoin du parcours de vie – parfois parcours de combattant – d’autres femmes est un grand privilège. Faire partie de cette équipe autour du blog et de l’association est un des plus grands cadeaux qui m’ont été faits. Si nous sommes isolées les unes des autres, le découragement n’est pas loin et la tentation grande de compter freins et obstacles jusqu’à ce qu’ils se transforment en montagne insurmontable.
Mais tout d’un coup nous constatons qu’il y en a d’autres, tant et tant d’autres femmes, et hommes aussi, qui partagent notre conviction et notre vécu et cela nous procure un élan incroyable pour continuer la marche !!
Le regard de Jésus
Incontournable pour ma vie est le regard que Jésus pose sur les femmes et son comportement au contact avec elles : ils sont tout simplement remarquables tant ils sont révolutionnaires et continuent à me toucher.
Jésus prend au sérieux la souffrance des femmes, leur soif spirituelle et leur capacité à devenir actrices dans son royaume. Il se laisse oindre par une femme, ce qui n’est pas moins qu’un acte de prêtrise (Jean 12 : 1-11). Il ne voit rien d’inconvenant à discuter théologie au bord d’un puits avec une femme étrangère à la vie amoureuse douloureuse, ce qui ne faisait sans doute pas partie des comportements jugés acceptables à l’époque (Jean 4 : 1-42). Dans ce même registre, une seule personne gagne un débat théologique avec Jésus et semble le faire changer d’avis, et c’est une femme, à nouveau une étrangère (Mt 15 : 21-28) ! Jésus encourage une femme à être son disciple et à faire de son écoute la part essentielle de sa vie (Luc 10 : 38-42). Beaucoup d’autres exemples époustouflants pourront être ajoutés à cette liste.
Les jeunes filles de mon Église
Penser aux filles qui grandissent dans les Églises où j’ai exercé et exerce encore un ministère pastoral est un grand encouragement pour moi. C’est extraordinaire qu’elles puissent voir une femme dans un rôle à responsabilités égales à celles d’un homme dans l’Église[1]! Contrairement aux pionnières qui ont dû se frayer un chemin sur un terrain broussailleux, elles voient que c’est possible. Oui ces filles savent qu’il est possible d’être femme et pasteure, elles voient quelque chose que je n’ai pas vu. Demain ce sera plus facile pour elles que pour ma génération, je l’espère du fond du cœur, de se lancer dans le pastorat.
Aujourd’hui nous pouvons donc changer les choses, dans le respect et l’écoute mutuels, pour que du neuf se dessine à l’horizon.
Prendre mon stylo ou mon clavier
Lire m’aide, mais écrire aussi. Les deux sont pour moi un acte militant. Lire – des récits de vie, des ouvrages sociologique, psychologique, théologique qui abordent le défi du servir ensemble – me connecte à d’autres femmes et écrire me fait devenir actrice de ma vie. Mettre sur papier ce que j’ai vécu a été et continue à être tellement libérateur. Qui serais-je sans mon cahier, mon stylo ou mon clavier 😉 et sans des livres ressourçants ?
« Et pourquoi pas les femmes ? »
Voici un livre, bien documenté et dans un style engagé, dont vous pouvez lire une recension sur notre blog : Et pourquoi pas les femmes ? de Loren Cunningham et David Hamilton[2] ! Il m’est particulièrement cher, car il m’a été conseillé à une période de ma vie où j’avais besoin d’être affermie dans ma vocation pastorale. Il fait, avec d’autres, partie de mon kit de survie. Il m’a ouvert les yeux sur la condition des femmes dans l’antiquité et sur le fait que les racines d’une certaine misogynie plongent dans ce terreau-là.
En voici un extrait : « Dans mon rêve… Cette nouvelle génération ne sera plus liée par les traditions empêchant les femmes d’obéir à l’appel de Dieu, comme cela a été le cas dans ma génération. Au lieu de cela, elle portera un regard neuf sur la Parole de Dieu, sachant que le Saint-Esprit ne fera jamais quoi que ce soit qui la contredise. Alors que cette génération montante étudie la Bible, libre de tout aveuglement culturel, ils découvriront que le Seigneur a toujours utilisé des hommes et des femmes pour proclamer la Bonne Nouvelle et pour prophétiser sa Parole à leur génération respective. »[3] Qu’il en soit ainsi !
Bien s’entourer
Dans son livre Le pouvoir de la vulnérabilité, Brené Brown écrit : « Rien n’a autant transformé ma vie que de comprendre que c’est une perte de temps d’estimer sa propre valeur à la réaction des gens. »[4] A un certain moment dans ma vie, je me suis laissée beaucoup trop atteindre par le manque de tact, parfois la violence même de certaines réactions. Il est bienfaisant de prendre conscience que cela ne nous appartient pas et de se rappeler que cela n’a rien à voir avec notre valeur[5].
J’aime beaucoup aussi sa recommandation de découper un tout petit bout de papier et d’y noter le nom des personnes que nous autorisons à nous faire des feedback, des personnes « dont l’opinion compte pour »[6] nous et qui sont aussi capables de nous exprimer leur désaccord. Quelqu’un d’autre nous critique ? Cette critique ne mérite pas que nous nous y attardions. Nous avons simplement à secouer la poussière de nos pieds et à continuer notre chemin.
Kit de vie
J’ai envie de rebaptiser ce kit de survie « kit de vie ». Tous ces éléments font que je tiens debout et que j’entre toujours plus pleinement dans ma vocation. Je ne veux pas seulement survivre en tant que pasteure, mais vivre cet appel avec joie et conviction, avec la force qui m’est donnée (Jug 6 : 14).
Et vous, quel est votre kit de (sur)vie ?
- Une chanson ?
- Un texte biblique ?
- Une rencontre ?
- Un livre ou des articles ?
- Un groupe de soutien ?
N’hésitez pas à nous le partager en commentaires !
Retrouvez plus d’éléments de mon kit de (sur)vie dans mon livre à paraître aux éditions Scriptura 🙂
Pour lire le premier article de cette petite série “Kit de survie” c’est par ici 🙂 Il a été signé par Victoria Declaudure.
Références
[1] C’était particulièrement le cas pendant plusieurs années où j’ai exercé le ministère pastoral en binôme avec mon mari, tous les deux pasteurs dans la même communauté.
[2] Loren Cunningham et David Hamilton, Et pourquoi pas les femmes ?, Jeunesse en Mission, Yverdon-les-Bains, 2007, 272 p.
[3] Loren Cunningham et David Hamilton, Et pourquoi pas les femmes ?, Jeunesse en Mission, Yverdon-les-Bains, 2007, pp. 11-12.
[4] Brené Brown, Le pouvoir de la vulnérabilité, Les éditions Trédaniel, Paris, 2014, p. 55.
[5] Pour aller plus loin sur cet aspect cf. Hélène Bonhomme, “‘Votre avis ne m’intéresse pas’ : comment gérer la critique ?”, septembre 2021, en ligne : https://fabuleusesaufoyer.com/votre-avis-ne-minteresse-pas/.
[6] Brené Brown, Le pouvoir de la vulnérabilité, Les éditions Trédaniel, Paris, 2014, p. 160.
Bonjour, merci pour votre excellent article. Je me pose une question pour l’avenir. Mon mari et moi sommes les 2 dans le ministère, en formation : est il plus simple, moins complexe on va dire, d’être le ministère avec son mari pasteur dans la paroisse ou bien vaut il mieux pour une femme pasteur de l’être sans son conjoint? Parfois les gens ont encore souvent l’habitude de s’adresser à l’homme dans le couple 😉 Merci
Merci pour votre commentaire !
C’est une très bonne question et je crois que la réponse n’est pas simple 😉
J’ai travaillé pendant plusieurs années avec mon mari (tous les deux pasteurs dans la même communauté). C’était très enrichissant, mais aussi exigeant. Donc avec des joies et des défis propres.
Voici quatre articles qui en témoignent (dont un de mon mari) :
– « Pasteur, femme de pasteur et mari de pasteure » de Léo Lehmann https://servirensemble.com/2019/09/06/pasteur-maridepasteur/
– https://servirensemble.com/2017/09/29/lydia-pasteure/
– « Ecrire une cérémonie de bénédiction de mariage à deux ! » de Lydia Lehmann https://servirensemble.com/2019/11/01/ecrire-une-ceremonie-de-benediction-de-mariage-a-deux/
-« Boîte à outils : 6 pistes pour gérer un conflit dans un couple de pasteurs » de Lydia Lehmann https://servirensemble.com/2018/09/07/6-pistes-pour-gerer-un-conflit-dans-un-couple-de-pasteurs/
Depuis quelques mois je travaille dans une autre communauté, en binôme avec une autre femme pasteure et la collaboration est là aussi très enrichissante et se passe très bien.
Pour le moment je le ressens comme plus “facile” (c’est certainement en partie lié à la situation que nous avons vécue, dont je parle un peu dans l’article https://servirensemble.com/2018/09/07/6-pistes-pour-gerer-un-conflit-dans-un-couple-de-pasteurs/)
Mais je crois aussi que chaque situation est différente et que chaque couple doit tester / discerner ce qui lui convient le mieux 🙂 Tout dépend aussi des circonstances extérieures…
Il y a aussi cet article de Marie-Noëlle Yoder qui peut être intéressant : « Un couple, deux contrats : évolution des ministères dans la FREE »
Depuis fort longtemps les officiers de l’Armée du Salut mariés exercent le ministère partagé. Il doit y avoir autant de manières de faire qu’il y a de couples. Peut-être pourraient-ils nous stimuler à entrevoir comment faire “chez nous”.
Merci pour cette réponse complète Lydia et du partage de l’expérience, cela permet d’avancer avec intelligence et connaissance de tous ces paramètres.
Merci Lydia pour ce point de vue si intéressant pour moi qui suis un homme. C’est précieux de lire ta sensibilité. Courage ! Continuons.
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