
Le titre retient le regard, bien que l’on sache que Paul n’était ni polygame ni marié à répétition. L’ouvrage Les femmes de Saint Paul de Chantal Reynier comprend 271 pages et a été publié en 2020 aux éditions du Cerf. L’auteure est connue en tant que spécialiste du christianisme du premier siècle. Elle a publié plusieurs livres et dirige la collection « Mon ABC de la Bible » aux Éditions du Cerf. Chantal Reynier va à la rencontre d’une vingtaine de femmes mentionnées par Paul dans ses épîtres ou qui, selon le livre des Actes des Apôtres, ont croisé sa route.
Une manière différente de parler des femmes
L’auteure ne traite pas des mentions du vocable « femme » dans l’Écriture, et de ce fait ne traite pas des textes comme celui interdisant à la femme de parler. Le grand intérêt de ce livre est que l’auteure parle de toutes les femmes, pas seulement des plus présentes comme Prisca, Junia ou Lydie. Il est informatif de voir que Paul donne à certaines de ces femmes des qualificatifs identiques à ceux donnés aux hommes. Une analyse fort instructive est faite des personnes figurant dans la longue salutation de Romains 16. Les femmes y sont non seulement nombreuses, mais la manière de parler d’elles est très différente de celle pratiquée par les Romains et les Juifs.
Dans une démarche pédagogique, au lieu de faire, comme dans un dictionnaire, les parcours de vie de chaque femme, Chantal Reynier les présente par trois fois, sous trois angles différents.
Leur environnement géographique et sociale
D’abord ces femmes sont décrites dans leur insertion géographique et sociale (pp. 19-74). Dans quelles régions se situent leurs ministères ? Que pouvons-nous savoir de la situation sociale de Prisca et de Lydie, de Chloé et de Phoibè ? Et de constater que la mixité des origines ethniques et religieuses des femmes est identique à celle des collaborateurs de Paul (p. 74).
Leur rôle dans la vie et la mission de l’apôtre
Dans une deuxième approche (pp. 79-168), Chantal Reynier « aborde le rôle de ces femmes dans la vie et la mission de Paul » (p. 74). L’auteure revient sur chacune de ces femmes pour analyser « leurs engagements respectifs au sein de la communauté chrétienne » et constate que ces femmes sont « d’incontournables figures de témoins, trop souvent passées sous silence » (p. 15).
Des femmes tissent des réseaux par leur hospitalité, les échanges de nouvelles et par des voyages. Et s’il est évident que quelques femmes étaient à la tête d’Eglises, cela est d’autant plus surprenant parce que ni les Juifs ni les Romains ne donnaient de place aux femmes dans leurs pratiques religieuses.
« Quadruple paradoxe : Prisca est une femme qui enseigne, qui enseigne la foi, et, qui plus est, l’enseigne à un homme, Apollos, un homme brillant. Comment est-ce possible lorsqu’on sait qu’il n’y a rien d’équivalent ni dans le judaïsme ni dans le monde romain ? » (p. 137)
Les femmes ont droit aux mêmes honneurs que les hommes puisqu’elles aussi sont « compagnes de combat » et qu’elles mettent leur vie en péril (p. 161). Reynier relève que biens des qualifiants sont identiques pour les hommes et les femmes : collaborateur (sunergos), apôtre, remarquable (episemos), celui qui combat avec (sunathleô), collaborateur (sunergos) et serveur (diakonos). Une étude détaille du mot diakonos, employé pour Phoibè, conduit l’auteure à relever que l’emploi du mot diakonos peut impliquer un service de la communauté, notamment celui de la parole » (pp. 146-156).
L’approche novatrice de Paul
Dans la troisième partie de son ouvrage (pp. 173-211), Chantal Reynier met en évidence « le point de vue singulier et novateur de Paul » dans le but pratique de « dégager quelques axes susceptibles de nourrir le débat actuel ». Ainsi Paul ne compare pas les femmes aux hommes, comme l’ont fait Tacite et d’autres, mais reconnaît leur engagement. Une analyse des femmes mentionnées dans les salutations de Paul de l’épître aux Romains chapitre 16 permet d’entrevoir qu’elles se consacraient à des activités peu communes pour l’époque (pp. 205-209).
Tout n’est pas permis, bien que le christianisme ait renversé les valeurs. Les femmes « doivent adopter un comportement qui soit sans ambiguïté possible avec des gestes et des attitudes du monde ambiant. Cependant, Paul a ouvert un réel espace aux femmes qu’elles n’ont jamais eu auparavant, que ce soit dans la société païenne ou le monde juif. » (p. 188)
Des collaboratrices énergiques et généreuses
En conclusion, Chantal Reynier indique qu’il reste des domaines historiques à étudier. Par exemple, « il conviendrait d’approfondir la manière dont, en tant que femmes, elles se sont séparées du judaïsme et du paganisme. » (p. 215) Et encore, avant de savoir ce qu’une femme peut et ne peut pas faire dans l’Église aujourd’hui, ne faudrait-il pas prendre « la mesure de ce que représentent les femmes dans les toutes premières communautés chrétiennes » ? (p. 215)
En tenant compte de tout ce que l’on peut actuellement savoir de ces femmes, l’auteure nous fait découvrir des « femmes réelles qui, aux côtés de Paul, se sont révélées ses collaboratrices énergiques et généreuses » (p. 216).
Chantal Reynier cite Anne-Marie Pelletier, pour indiquer un principe qu’elle a cherché à appliquer dans son livre.
Il s’agit de lire Paul et ceux qui parlent de lui « au sens plein, comme l’écoute de ce qu’elles [les Écritures] disent, et non de ce que l’on croit qu’elles disent, ou ce que l’on craint qu’elles disent, ou bien voudrait qu’elles disent ».
Une bibliographie de 20 pages permet d’apprécier le niveau des recherches. Un index de quatre pages des auteurs mentionnés est bien pratique.
Matthias RADLOFF
Bonjour,
recherche intéressante qui met en lumière le rôle incontestable
des femmes dans l’ annonce de l’évangile et le service de Dieu.
Cela tranche avec les généalogies de l’ AT où très peu de femmes
sont mentionnées et montre clairement le changement radical
que le Christ a opéré.
Certains pensent que c’est un des facteurs qui a permis la propagation rapide de l’ évangile ds les premiers temps de l’ église.
Pour hâter l’avènement du Christ et si nous désirons vraiment
le salut du plus grand nombre, alors libérons le ministère des femmes,
car il VIENT BIENTÔT !