Progresser en Église

Que chacun prenne ses responsabilités pour ses propres tentations

Je consultais récemment un groupe Facebook sur la pudeur dans l’habillement géré par des chrétiens adventistes. Une chose frappante avec ce groupe est qu’il est organisé et alimenté principalement par des hommes, alors qu’il ne concerne presque que les femmes. Il n’est pas rare d’y lire un homme prétendant : « Les femmes en robes ou pantalons courts nous font pécher, nous les hommes ». L’un d’entre eux — et c’est alarmant — allait jusqu’à affirmer : « Il n’y a aucun moyen pour les hommes de résister aux femmes qui manquent de pudeur. »

Certaines des femmes de ce groupe adhèrent à cela. Elles ne se contentent pas de critiquer d’autres femmes, mais sont aussi obsédées par la confection de tenues dissimulant les formes naturelles de leur corps.

La responsabilité des hommes est rarement mentionnée dans ce groupe. En matière de sexe, l’hypothèse semble être que nous, les hommes, sommes comme le plus stupide des chiens de Pavlov. Nous voyons des seins, ou même leur contour, et nous voulons faire l’amour avec celle à qui ils appartiennent. Nous voyons des jambes, et nous ne pouvons pas contrôler notre désir pour la femme qui est au-dessus. Un thème récurrent dans ce groupe est « les hommes sont simplement différents des femmes » : ils ont une maîtrise de soi diminuée.

Je trouve cela insultant. Je suis autant attiré par la beauté des femmes que tout autre homme hétérosexuel, mais il ne me semble pas que ce soit la faute des femmes si je ressens cela. Pourtant cette idée semble courante chez certains hommes chrétiens : s’ils se sentent tentés, c’est à l’objet de leur attirance d’en porter la responsabilité.

Lorsque je l’ai fait remarquer dans le groupe, certains en ont été très offusqués. Un homme a écrit que ce sont les femmes qui sont son problème : « la robe peut assurément être un révélateur du cœur » — et il pouvait dire ce qu’il y avait dans leur cœur. (Psychologiquement, cela s’appelle une « projection ». Pensez-y.) Une femme a répondu que, selon Ézéchiel 3 : 18-21, les hommes devraient l’avertir lorsqu’ils sont excités par elle — ce qui signifie qu’elle donne du crédit aux opinions érotiques de tous les hommes excités. (C’est aussi une invitation à des discussions sexuelles inappropriées comme j’en ai rarement entendu).

Un autre homme s’est rabattu sur un argument économique : « il ne s’agit pas seulement de provoquer les hommes, mais aussi de s’habiller sans vêtements et accessoires coûteux ». Merci les gars d’être là au cas où ces nanas cinglées pèteraient un câble avec leurs cartes de crédit ! Bien sûr, nous, les hommes, ne gaspillons jamais, jamais, d’argent pour des choses superflues, n’est-ce pas ? Chaque gadget électronique, chaque ticket d’entrée pour un événement sportif et chaque moto que j’achète est absolument essentiel, contrairement aux rouges à lèvres pour lesquels les femmes gaspillent leur argent !

Les pierres d’achoppement

Mais en fin de compte, les conversations sur la tenue vestimentaire des femmes semblent toujours revenir au fait que leur apparence est une pierre d’achoppement. « Quel malheur pour le monde qu’il y ait tant d’occasions de chute ! Il est inévitable qu’il y en ait, mais malheur à celui qui crée de telles occasions. » (Matthieu 18 : 7)

Bien sûr, Dieu ne veut pas que je sois une pierre d’achoppement pour les autres. Mais la théologie de la pierre d’achoppement que je vois ici est différente de celle que nous présente l’Écriture. On passe de « ne sois pas une pierre d’achoppement pour les autres » — un excellent conseil — à « je te tiens responsable si tu es une pierre d’achoppement pour moi. Je ne peux éviter de pécher que si tu ne me tentes pas. Alors cesse d’être une tentation ! »

Jolie esquive ! « Je ne suis pas responsable de mon péché. Tu l’es. »

Cette idée n’est pas nouvelle dans le domaine de la tentation sexuelle. Elle a été mise sur le tapis pendant des années devant les tribunaux, et c’est la raison pour laquelle tant de femmes refusent de signaler les viols. « Mlle Smith, que portiez-vous la nuit où vous prétendez que M. Jones vous a violée ? » Malheureusement, je crains que certains de mes lecteurs ne voient pas ce qui cloche dans cette question. Alors juste pour être sûr, je vais vous le dire. Cette question implique que c’est la façon dont Mlle Smith était habillée qui a poussé M. Jones à sortir des buissons et à introduire de force son pénis en elle. Et puis il y a, « Mlle Smith, êtes-vous vierge ? Avec combien d’hommes avez-vous eu des rapports sexuels ? » Est-ce à suggérer que si elle a déjà eu des rapports sexuels de son plein gré, elle a donné la permission à n’importe quel homme d’avoir des rapports sexuels avec elle, même contre sa volonté ?

Tout cela au service de l’idée selon laquelle les pensées et les actes sexuels d’un homme ne sont pas de son ressort, mais sont la faute des femmes.

Ne me tentez pas

Cette façon de penser, si elle est poussée jusqu’à sa conclusion évidente, pourrait rejeter la responsabilité de tous les péchés sur les autres. Votre BMW suscite de l’envie en moi, vous ne devriez donc pas être autorisé à en avoir une. Je suis jaloux de ne pas pouvoir jouer du piano comme toi, alors tu ne devrais pas être autorisé à en jouer. Pourquoi suis-je si gros ? C’est à cause de toutes les pubs alimentaires à la télé qui me tentent. En fait, c’est peut-être de la faute de ma femme si je n’arrive pas à contrôler mon appétit, elle est si bonne cuisinière !

« Alors pourquoi ne pas se promener tout nu ? » a demandé un homme. Parce que ce ne serait pas légal. Vous auriez froid. Vous auriez des échardes dans le derrière en vous asseyant sur un banc public. Ce ne serait pas sûr. Les moustiques auraient plus d’endroits où vous piquer. En d’autres termes, les gens portent des vêtements pour d’autres raisons que de calmer votre désir !

D’ailleurs, comment quelqu’un pourrait-il savoir ce qui attise votre désir ?

Lorsque vous dites à une femme comment s’habiller pour ne pas vous tenter, vous faites dépendre sa responsabilité de votre sensibilité.

Comment les gens qui vous entourent vont-ils s’adapter à toutes vos éventuelles pierres d’achoppement ? Si ce sont les cheveux qui vous excitent, toutes les femmes doivent-elles porter un bonnet de bain ? Ou les pieds : toutes les femmes doivent-elles porter des bottes en caoutchouc ? Et malheur à la femme aux formes plus généreuses : existe-t-il un vêtement qu’elle puisse porter sans susciter votre convoitise ? Cette pauvre femme va devoir être mise au secret. À Kaboul, les femmes qui portent des burkas — le vêtement le plus déshumanisant jamais conçu — se font tout de même violer. Manifestement, même une pudeur totale ne suffit pas à arrêter les pensées sexuelles des hommes.

Tout homme qui croit sérieusement que l’apparence des femmes est responsable de ses péchés aura des ennuis s’il va un jour à la plage, s’il regarde un panneau publicitaire ou s’il va sur Internet.

Prendre ses responsabilités

Je suggère donc que nous inversions les choses. Messieurs, nous devrions avoir une force spirituelle telle que même si toutes les femmes du monde se promenaient nues, nous pourrions détourner les yeux et contrôler nos pensées. Quand Adam a dit : « La femme m’a tenté, et j’ai péché », Dieu ne lui a pas donné un passe-droit. Jésus n’a pas non plus dit que si tu es tenté, tu devrais habiller les femmes qui t’entourent. Non, il a dit que si tu es tenté, tu dois t’arracher les yeux !

Les chrétiens adorent refiler aux autres les recommandations bibliques, alors qu’il est clair que leur but premier est que chacun les suive pour soi-même. Les dix commandements ne disent pas : « Ta responsabilité est de t’assurer que les autres se comportent selon ces règles. » Le septième commandement dit : « Tu ne commettras pas d’adultère. » Dans le midrash de Jésus sur ce commandement, dans le Sermon sur la montagne, il dit : « Si tu fantasmes sur une femme, tu as commis l’adultère ». Ce n’est pas la faute de celle qui est regardée, mais celle de celui qui regarde !

Quant à l’argument de la pierre d’achoppement, qu’est-ce qui, selon Paul, constitue la véritable pierre d’achoppement ? Les jugements que vous portez sur les autres ! « Cessons donc de nous condamner les uns les autres. Prenez plutôt la décision de ne rien mettre en travers du chemin d’un frère [ou d’une sœur] qui puisse le faire trébucher ou tomber. » (Rm 14 : 13)

Dans l’Église adventiste du septième jour, nous nous sommes spécialisés pendant des décennies dans l’apparence féminine. Nous avons jugé les femmes pour leurs bijoux, leur maquillage et même la couleur de leurs cheveux. Nos jugements ont été de plus grandes pierres d’achoppement que tout ce que les femmes portaient.

Le frère faible

La Bible évoque bien le frère plus faible que nous devons veiller à ne pas faire trébucher. Cependant, il paraîtrait difficile de défendre que tout homme lascif puisse se considérer comme un frère plus faible pour le reste de sa vie — surtout s’il a les moyens de s’engager sur le terrain de la spiritualité pour dire aux femmes qu’elles ne devraient pas le tenter. Dieu n’attend-il pas que vous grandissiez, messieurs ? Ne s’attend-il pas à ce que vous appreniez à contrôler vos propres pensées, plutôt que de rendre quelqu’un d’autre responsable de celles-ci ? Pendant des années, les adventistes du septième jour ont laissé le frère ou la sœur le plus faible de l’Église dicter le comportement de tous les autres. Ce n’est pas biblique, sinon ni Jésus ni Paul n’auraient été aussi sévères à l’égard du jugement.

Il s’avère, messieurs, que vos yeux ont une caractéristique intéressante qui peut vous éviter bien des soucis : vous pouvez les faire pivoter pour regarder dans une autre direction !

En bref, vous n’avez pas à rejeter sur les autres la raison de votre péché. C’est vous, et vous seul, même si toutes les femmes de la terre se promenaient nues.

Corriger l’erreur

Bien que les Écritures évoquent la correction de ceux qui s’égarent, la correction des autres est un thème mineur comparé au nombre de fois où la Bible nous appelle à nous corriger nous-même.

« Faites vous-mêmes votre propre critique, voyez si vous êtes dans la foi, éprouvez-vous » (2 Co 13 : 5). « Que chacun s’éprouve soi-même » (1 Co 11 : 28). « Examinons nos chemins et explorons ; revenons au Seigneur. » (Lam 3.40). « Combien ai-je de crimes et de fautes ? Ma révolte et ma faute, fais-les-moi connaître. » (Job 13.3). « Confessez vos péchés » (1 Jn 1.9) — et non pas « corrigez ceux d’autrui ».

Si vous décidez que c’est à vous de dire aux autres comment se comporter, comprenez quelle prétention vous avez à votre propre sujet : « que celui qui est sans péché jette la première pierre », a dit Jésus. Êtes-vous assez pur pour dire cela ? J’en doute fort.

Je dirai ici que ce qui est pour moi la chose la plus accablante à propos de ceux qui aiment critiquer les autres : ils sont, d’après mon expérience, fréquemment ceux qui ont le plus de problèmes personnels. C’est particulièrement vrai pour ceux qui critiquent les femmes. Les hommes qui jugent le plus la pudeur d’une femme sont aussi ceux qui sont le plus susceptibles de toucher les fesses d’une femme, ou pire (voyez Samuel Koranteng-Pipim). Essaient-ils de contrôler l’apparence des femmes parce qu’ils ne veulent pas contrôler leur propre comportement ? Cela leur permet-il de se sentir moins coupables, d’une certaine manière ? Je ne peux pas dire que je comprends bien le phénomène. Je ne fais que le signaler.

Clarifications

Premièrement, je parle ici de péché, pas de gestion de sa propre sécurité. Ceux qui blâment les femmes s’embrouillent constamment sur ce point. Il serait stupide de ma part de me promener dans un quartier dangereux en brandissant des liasses de billets. Pourtant, si quelqu’un me vole, bien que cela puisse être le résultat de ma stupidité, ce n’est pas mon péché. Sachant que certains hommes veulent rejeter la faute sur les femmes lorsqu’ils sont tentés, il peut être plus prudent pour les femmes de réduire leurs risques en présence de tels hommes — mais cela ne transfère pas sur la femme la responsabilité des paroles ou des actions inappropriées d’un tel homme.

Deuxièmement, le bon sens quant à la façon de s’habiller est une question distincte. Si j’avais une fille, je suis certain que ma femme lui parlerait de s’habiller pour réussir, de choisir des vêtements appropriés pour le travail qui lui est confié. Elle lui dirait que les tenues qu’elle aime pourraient la faire paraître moins professionnelle et qu’elle pourrait être prise moins au sérieux — et que, qu’elle puisse ou non s’habiller d’une certaine façon, il serait peut-être préférable qu’elle ne le fasse pas. Peut-être cela relève-t-il de la catégorie « Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile » (1 Co 10 : 23). Les entreprises ont des codes vestimentaires, tout comme bien des écoles, et c’est bien ainsi tant que cela s’applique à tout le monde. (La plupart des codes vestimentaires adventistes ont été entièrement centrés sur les femmes, véhiculant sans ambiguïté l’idée ridicule que nous, les hommes, ne pouvons nous contrôler qu’en contrôlant les femmes).

Enfin, un commentateur de cette page de promotion de la pudeur dans l’habillement, tentant de donner le coup de grâce, m’a déclaré : « Ne savez-vous pas qu’il y a des femmes qui utilisent leur attrait sexuel pour tenter les hommes ? »

Bien sûr qu’il y en a. Dans un contexte sain, cela s’appelle « faire la cour ».

S’il veut dire qu’il existe des femmes maléfiques qui veulent séduire des hommes à des fins égoïstes, alors oui, cela arrive aussi. Mais bien sûr, des hommes mauvais piègent, séduisent et forcent aussi les femmes. Les tentatrices ne représentent pas toutes les femmes, pas plus que les violeurs ne représentent tous les hommes. En fait, il est courant que les hommes attribuent des intentions séductrices aux femmes parce qu’ils ressentent des pulsions sexuelles en les regardant, et prennent leur désir pour la femme pour une invitation, alors qu’il n’y a aucun intérêt sexuel de la part de celle-ci. Vous avez peut-être même déjà entendu un homme dire avec un regard mauvais : « Elle ne demande que ça ».

Nous devons déterminer les causes et les effets de cette situation et cesser de nous perdre dans des arguments insensés et glissants. Messieurs, nous vivons dans un monde où certaines personnes s’habillent de manière plus ou moins évocatrice en public. Il y aura toujours des femmes ou des images de femmes qui vous tenteront. Vous allez donc devoir faire preuve par vous-même de diligence raisonnable. Les femmes sont responsables de la façon dont elles s’habillent, mais pas de vos pensées, de vos tentations ou des péchés que vous choisissez de commettre. Vous ne pouvez pas attendre des femmes qu’elles s’adaptent à vos tentations car premièrement, cela n’arrivera pas, et deuxièmement, le « la femme m’a tenté » qui n’a pas fonctionné pour Adam ne fonctionnera pas pour vous lors du jugement final.

Personne ne peut vous faire pécher. Cela dépend de vous. Alors courage, messieurs, et prenez la responsabilité de vos propres tentations !

Loren SEIBOLD
Mai 2019, publié premièrement sur le blog Adventist Today, www.atoday.org, que nous remercions chaleureusement pour la permission de traduire cet article.

Traduction : Valentin DOS SANTOS
Relecture : Léo LEHMANN

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5 comments on “Que chacun prenne ses responsabilités pour ses propres tentations

  1. M.Rose

    Bonjour,
    Oh là là ! que cela fait du bien de lire cette mise au point claire, nette
    concrète et surtout venant d’un frère !
    Si on pousse les raisonnements plus loin , à la limite il faudrait aussi cacher les enfants car ils seraient responsables des pulsions de certains !

    Nous sommes tellement intoxiqués par tous ces faux raisonnements ou
    prétextes (qui cachent le vrai problème !)que cela me remet aussi en question.
    Par exemple, pourquoi suis-je mal à l’aise devant une sœur qui a une tenue
    dite “impudique” ? J’ ai réalisé que je me projetais et je souffrais à sa place, ,
    de l’image qu’elle renvoyait. C’est moi qui ai un problème car elle, elle est à l’aise et elle sait ce qu’elle fait, je n’ai donc pas à la juger.

    Matthieu 15.19 résume bien la cause de toutes les tentations : ”les mauvaises pensées viennent du cœur, les adultères, l’impudicité, calomnies…”
    et donne la seule solution vraiment efficace : changer l’intérieur, notre cœur car l’extérieur on ne peut pas souvent le changer, et permet seulement la manifestation de tous nos mauvais désirs.
    MERCI pour ce discours percutant et convaincant !

  2. Très bon article ! On entend encore trop souvent ce genre de propos.

  3. Voilà, un excellent texte sur la responsabilité de chacun. Sinon, le “plus faible” s’impose aux autres et pourquoi pas, jusqu’au port de la Burka…
    Elsa

  4. Marie Christine Lamure

    Magnifique ! Merci

  5. Ping : La vraie beauté n’a pas de sexe – Servir Ensemble

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