Nous avons fêté au mois de juillet dernier notre anniversaire de mariage. Bien des années se sont écoulées depuis cette cérémonie à Londres où nous avons volontairement uni nos vies devant le regard de Dieu. Cela reste, hormis le choix de suivre Jésus Christ comme Sauveur et Seigneur, la meilleure décision de ma vie !
J’avais 22 ans, mon mari 23. Nous étions « passionnés pour Jésus ». Nous désirions vivre chaque jour consacrés à notre Maître, en nous laissant guider par Lui.
Pour moi, il était donc impératif de vivre notre mariage d’une manière biblique, selon la Parole de Dieu.
On m’avait dit que les femmes devaient être soumises à leur mari et qu’il fallait accepter cette position de subordination « par la foi ». En d’autres termes, il fallait refouler tout doute sur le sujet (même concernant la bonne compréhension du texte biblique) au fond de son cœur. Car, l’apôtre Paul le disait bien… Femmes soyez soumises …
Alors lorsque le pasteur nous a donné des photocopies des vœux de mariage traditionnels que nous allions prononcer, cela allait de soi. On n’en a pas discuté… J’ai seulement dit : je prononce ces mots par obéissance à Dieu.
Ces vœux de mariage étaient identiques pour le marié et la mariée… sauf en ce qui concerne ce seul mot :
OBÉIR
L’époux promettait à son épouse d’« aimer et chérir », et en retour, elle promettait d’« aimer, chérir et obéir ».
Ces vœux prononcés « selon le saint commandement de Dieu » datent de 1549, l’année de la publication par l’Église Anglicane de son premier Book of Common Prayer (livre de prière liturgique officiel). La formulation de ces mots était alors nécessaire pour que le mariage soit légal. Jusqu’à aujourd’hui en Angleterre, la reconnaissance civile du mariage peut avoir lieu lors de la cérémonie religieuse, quelle que soit la confession. Au vingtième siècle, alors que les femmes gagnaient le droit de vote, on laissait souvent aux épouses la liberté de laisser tomber le mot obéir, même s’il demeurait inscrit dans la liturgie officielle.
Origines historiques
Historiquement, de nombreux éléments traditionnels de la célébration du mariage trouvent leurs racines dans la culture romaine, dominante à l’époque du Nouveau Testament. Une cérémonie romaine incluait :
- les vœux prononcés devant l’autel où étaient posées des offrandes de fleurs et d’encens
- le consentement à ce mariage donné par les deux époux
- des prières pour leur bénédiction adressées aux dieux
Divers autres éléments pouvaient entrer en jeu, selon les différentes formes de mariage romain, dont certains trouvent encore un écho aujourd’hui. Mais on y reconnaît la structure de base : une cérémonie réligieuse qui confère une légalité civile de l’union des époux, incluant une bénédiction.
Si le consentement des époux semble indiquer un choix libre et volontaire de la part des deux partis, la subordination des femmes aux hommes dans la culture romaine interroge sur la liberté effective de l’épouse.
Car avant tout, cette cérémonie opérait un transfert : l’épouse passait du contrôle et de la protection de son père (ou autre parent masculin) au contrôle et à la protection de son époux.
Le mot clé ici étant « contrôle ». On considérait que l’époux devait gouverner son foyer. Cette croyance trouve son origine dans la philosophie grecque et romaine qui affirmait souvent l’infériorité et la faiblesse de la femme. Ainsi, on peut dire que la cérémonie de mariage traditionnelle décrite plus haut a plus d’affinités avec la culture religieuse romaine (païenne) qu’avec l’Évangile de Jésus-Christ !
Origines bibliques ?
À travers les siècles le christianisme s’est facilement accommodé de ces perspectives sociales, religieuses et légales et les a justifiées bibliquement, avec entre autres Ephésiens 5 : 22 :
Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur (LS).
Ainsi, la subordination de la femme a été intégrée aux vœux de mariage de différentes confessions chrétiennes. À travers les époques, par ce constant rappel, elle fut partout scellée dans les mœurs, les cœurs et les consciences. Ainsi, le mot obéir figurait sur la photocopie de mes vœux de mariage, en 1988 !
Fidèle à une perspective néo-testamentaire ?
Mais cette subordination est-elle vraiment appuyée par ce verset ? Sans faire une étude du texte (voir l’article récent de Mary Cotes), regardons le mot employé par Paul : se soumettre (grec, hupotasso).
Paul demande-t-il aux épouses chrétiennes d’obéir ?
La réponse, tout simplement, est non !
Il demande aux enfants d’obéir : autre mot grec, hupakouo.
Ce n’est pas la même chose ! Le mot grec utilisé pour l’obéissance des enfants renferme l’idée d’écouter, d’entendre un commandement, et donc de l’exécuter sans poser de questions. Une telle demande d’obéissance se justifie par le fait que les enfants n’ont pas la maturité nécessaire pour prendre leurs propres décisions, encore que l’apôtre Paul conseille aux parents d’être justes et délicats à cet égard, sans provoquer de l’irritation (Col 3 : 21) par une trop grande sévérité, ou des règles injustes.
Se soumettre ou obéir ?
Le bon mari chrétien, écrit-on dans de nombreux livres populaires, au mieux consultera sa femme sur une decision à prendre et, au minimum prendra en compte son épouse, mais c’est à lui seul que revient la décision finale, du fait de sa position hiérarchique.
Des épouses chrétiennes risquent ainsi de se voir imposer de multiples choix, petits ou grands (comme un déménagement, par exemple, qui pourrait exiger d’elles d’abandonner une carrière ou un emploi) avec lesquelles elles ne sont pas réellement d’accord. De fait, leur statut réel ne dépasse guère celui de l’enfant.

Pourtant, Paul ne demande pas aux épouses chrétiennes d’obéir mais de se soumettre ce qui implique un engagement volontaire, un consentement qui repose sur une réelle liberté.
Une soumission forcée n’est plus soumission, mais subordination et contrainte. La profondeur du deséquilibre créé dans le couple se mesurera alors au degré de rigueur dans la mise en pratique.
Certains affirment que le mot hupotasso est un terme militaire qui contient l’idée d’une hiérarchie. Ainsi, l’épouse se soumet au mari comme un soldat à son officier ! À nouveau, on introduit l’idée de commandements auxquels il faut obéir. On aboutit logiquement à une bien mauvaise application. Cependant, rien dans les écrits de Paul ne suggère que l’on puisse comparer la relation maritale aux relations hiérarchiques vécues entre militaires.
Les mots ont en effet une connotation différente selon les contextes dans lesquels ils sont employés. Tout ce passage est écrit avec l’amour sacrificiel en toile de fond. Paul, qui ne connaît que trop bien la place de chacun et chacune dans la société gréco-romaine, ne veut pas que les chrétiens vivent le mariage selon ces perspectives païennes. Il charge le mot soumission de la connotation d’amour mutuel vécu en Christ, le Seigneur et Maître de tous. Ni subordination, ni bras de fer.
Ainsi Éphésiens 5 : 21 met un cadre aux relations à vivre en pratique dans un foyer chrétien :
Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ ; ainsi les femmes à leur mari, comme au Seigneur (Ep 5 : 21-22 NBS)
Si mari et femme sont tous deux croyants, la soumission mutuelle dans la crainte du Christ sera le vrai cadre, le véritable fondement, de leur mariage.
Une femme doit devenir adulte
Ainsi Paul tente de rétablir le déséquilibre qui existait entre les époux à son époque. Il signale que la femme a un autre statut dans la famille de Dieu, celui d’adulte responsable de ses choix.
On peut avoir du mal à saisir la portée nouvelle des mots de Paul, si on ignore le contexte social dans lequel les chrétiens vivaient. Bien souvent, les femmes étaient mariées (par la décision de leur père, dans le but d’unir deux familles pour des avantages économiques voire politiques) alors qu’elles étaient encore très jeunes. Il était possible qu’un oncle prenne pour épouse sa nièce. On pouvait être fiancé(e) à l’âge de sept ans (le libre consentement n’existait pas).
Plusieurs inscriptions funéraires témoignent de l’histoire de jeunes femmes mariées à l’âge de douze ou treize ans, donnant naissance à 5 ou 6 enfants, avant de mourir en couches avant l’âge de 20 ans. Il existait des lois pour pénaliser une femme qui n’était pas mariée avant l’âge de 20 ans. Un mari avait le droit de battre sa femme, et même le devoir de le faire si elle se comportait « mal » (elle était assimilée finalement à une fille mineure).
Il n’est pas étonnant que Paul ait ainsi exhorté les maris dans Colossiens 3 : 19 (LS) :
Maris, aimez vos femmes, et ne vous aigrissez pas contre elles.
Il s’agit ici d’un comportement dur et colérique à l’égard des épouses. Cependant, il ne faut pas brosser un tableau totalement sombre de cette société. Il existait aussi la possibilité qu’au sein de son propre foyer, une femme puisse exercer une certaine autorité, sur ses enfants et sur la maisonnée élargie.
Un mariage entre égaux
Paul prône le mariage vécu selon la loi de l’amour, que Jésus décrit aussi avec cette règle d’or :
Tout ce que vous voulez que les gens fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux : c’est là la Loi et les Prophètes. (Mt 7 : 12)
De nos jours, cela implique un respect mutuel, une reciprocité, un engagement consenti entre deux adultes matures, responsables et lucides sur leurs propres limites et imperfections.
Sinon, on traite des femmes adultes comme des enfants.
Notre tentative de vivre un mariage « selon le saint commandement de Dieu » comme dans des vœux de mariage traditionnels, s’est soldé par un échec… Dieu merci !
Alors main dans la main on s’est rendu à l’évidence…
… nous sommes heureux de partager un amour mutuel qui s’appuie sur nos forces respectives, qui combine nos dons individuels et qui compense les faiblesses l’un de l’autre.
Égalitarienne, je n’obéis plus… je me soumets volontiers !
Ainsi je laisse le dernier mot à mon mari (!) :
“Victoria a évoqué notre expérience de couple complémentarien traditionnel. Nous avons réellement essayé de vivre cette assymétrie qui donne au mari le dernier mot, tout en mettant en œuvre les principes d’Éphésiens 5. L’impasse a été totale pour nous. La mise en œuvre de l’amour sacrificiel qui élève l’autre oblitère radicalement toute idée d’autorité unilatérale de l’un sur l’autre. En tant que mari traditionnel, j’ai été pris dans la nasse logique tissée par Paul pour ces maris gréco-romains, qui ne laisse qu’une issue : un amour mutuel dans une soumission mutuelle.
Toute autre voie nous éloigne de l’abaissement radical de Christ le serviteur et, malgré les protestations des complémentariens, une relation assymétrique mutuelle, dans la pratique, ça ne marche pas !”
Victoria et Marc DECLAUDURE
Bonsoir,
votre témoignage est convaincant car vous avez expérimenté et avec
un cœur sincère, dans le désir de plaire à Dieu, les deux modèles de
mariage qui aujourd’hui divisent les chrétiens.
Dans beaucoup d’assemblées, on continue d’enseigner la relation
hiérarchique, alors que depuis une ou deux générations, beaucoup de
couples appliquent intuitivement la soumission mutuelle – car il y a une
évolution de la conscience dans les rapports hommes-femmes.
Malheureusement, il y a peu d’accompagnement et d’enseignement
spirituel et les couples sont obligés de “bricoler” !
Faut-il préciser que la relation soumission -mutuelle n’est pas l’union libre
ou le concubinage, modèles aussi égalitaires ?
– l’autonomie n’est pas l’indépendance,
– la liberté n’est pas le libertinage ou la débauche
– l’accomplissement de soi, égoïsme ou individualisme
– mais ill y a engagement privé, alliance avec Dieu et engagement public
qui montre que cela a des conséquences sociales importantes.
Merci à vous.
Bravo pour cet article; il est clair que vous vivez une réelle complémentarité
Merci encore
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