Progresser en Église

L’écoute active dans tous ses états – 4/4 Philippe Schwab

Dernière étape dans cette série de 4 articles, destinés à muscler notre motivation et notre capacité à mieux écouter. Notre vision de départ – voir dans nos églises en particulier de plus en plus de personnes qui croient en la puissance de l’écoute active et qui la pratiquent – est peut-être devenue plus réelle entretemps ?

Dans l’article précédent, nous avons récapitulé les facteurs d’influence d’une qualité d’écoute et identifié 6 réactions typiques d’une écoute pas top voire carrément flop.

Pour rappel, le 1er article de la série avait situé les enjeux et perspectives, identifié les situations propres à la vie en église, proposé une rapide auto-évaluation de notre qualité d’écoute et dressé quelques bénéfices et difficultés.

Le second nous a permis de séquencer les caractéristiques ADN de l’écoute active, en zoomant en particulier sur la qualité de présence à soi et à l’autre et sur les niveaux d’écoute, et de faire un tour d’horizon biblique sur le sujet.

Ce dernier article sur le sujet de l’écoute active a un double objectif :

  • clarifier 2 clés d’une écoute active, à savoir le silence et l’empathie,
  • proposer une mise en perspectives en guise de conclusion.

Silence… j’écoute !

Les blancs vous mettent mal à l’aise ? Vous vous sentez obligé(e) de « combler » ?

« La parole est d’argent… » … et le silence est d’or. Il y a aussi le fameux : « On a une bouche et 2 oreilles pour écouter 2 fois plus qu’on ne parle »…
Si l’importance de savoir se taire semble faire consensus, dans les faits – et en particulier dans nos relations en Église ? – le silence dans un échange est gênant pour beaucoup d’entre nous.

Dans un autre domaine, la vente par exemple, cette capacité à faire silence fait l’objet d’un entraînement : on apprend que maîtriser le silence est un atout commercial crucial.

Ingrédient majeur d’une écoute dite active, le silence va plus loin que de penser à se taire pour écouter l’autre.

Laisser un blanc dans l’échange en cours, c’est-à-dire ne pas chercher à le combler soi-même, offre une véritable respiration, une occasion pour l’autre de “digérer” le moment présent, les paroles, la résonance intérieure.

Nous l’avons certainement déjà expérimenté en situation professionnelle, en famille, en église : laisser le silence s’installer – et durer !! – peut faciliter des prises de conscience, des déclics et encourage l’autre à se prendre en main. Le fait de vouloir remplir le silence et de reprendre l’initiative est souvent un symptôme d’une position de sauveur, genre parent nourricier* qui veut absolument « en rajouter une couche » pour expliquer, se justifier, convaincre, rassurer etc.
* En analyse transactionnelle, le “parent nourricier” a pour fonction de prendre soin de l’autre, de le prendre en charge et de lui communiquer de la nourriture affective.

Alors, s’il y a bien des silences gênants et qui gagnent à être brisés quand ils sont symptômes de non-dits dans une relation, se taire et oser laisser un blanc dans un échange est une clé d’écoute active.

Avec l’expérience, certains trouvent ça même particulièrement puissant.

Et puis, laisser le silence s’installer offre l’opportunité à l’autre de le rompre : la façon dont il va le faire et ce sur quoi il va embrayer peut être une précieuse source d’information sur sa façon de penser, son état émotionnel, ses priorités et même, sur l’orientation à donner à l’échange.

C’est bien, au fond, ce silence : on ne fait rien… et il se passe plein de choses !

Jusqu’où être empathique ?

Être l’oreille attentive des autres, cela peut devenir un calvaire… surtout quand on a trop d’empathie, au point de se dire : « je suis une vraie éponge ! ».
L’intention est positive : je cherche à rester présent.e et disponible… au moins sous la forme d’une oreille attentive. Celle-ci peut aussi être synonyme de frustration : « Je n’arrive pas à prendre de la distance, tout me touche ! J’ai trop d’empathie ».

  • Tout le monde semble avoir sa définition de l’empathie :
  • « C’est se mettre à la place de l’autre »
  • « C’est faire corps, comme une fusion qui m’amène à vivre les émotions de l’autre »
  • « C’est se sentir connecté.e. à l’autre »

Alors si par empathie, il faut entendre « Capacité intuitive de se mettre à la place de l’autre et de percevoir ce qu’il ressent », clarifions les degrés que peut prendre cette perception.

Premier degré

La capacité d’identifier et d’entendre la réalité émotionnelle de l’autre. Contrairement aux idées reçues, je peux être proche de l’autre jusqu’à un certain point et rester relativement extérieur.e, comme observateur.trice bienveillant.e : ma réalité émotionnelle reste distincte de celle de l’autre.

Deuxième degré

Je suis affecté.e/touché.e par l’expérience de l’autre. Je fais corps avec l’autre car je partage son état émotionnel. Je rejoins l’autre dans sa réalité, y compris dans les sensations. Je me sens « contaminé.e ».

Troisième degré

Signifierait « souffrir avec », se rapprochant en cela de la compassion. Ma sensibilité et mon partage d’expérience émotionnelle me conduisent à agir pour l’autre: non seulement je compatis, mais je suis également absorbé.e et poussé.e à m’impliquer.

Pourquoi compliquer avec ces 3 degrés ?

Justement pour répondre soi-même à la question en titre : jusqu’où être empathique ?

Si je ne crains pas d’être « une vraie éponge » et que mon empathie ne me met pas en position d’inconfort ou de danger, que cela me convient bien et que je souhaite rester dans cette disponibilité aux autres, le fait de distinguer ces 3 degrés aura peu d’importance.

Si au contraire, « Je n’arrive pas à prendre de la distance, tout me touche » est une phrase prononcée ici ou là et assortie d’un malaise, il y a comme un signal d’alarme que mon corps envoie pour m’indiquer qu’il y a peut-être des réglages à faire.

Dans ce dernier cas, être au clair sur le degré de ma distance avec l’autre est le gage du bon réglage. Un bon réglage qui m’autorise à continuer de vivre intensément mes relations tout en me préservant… surtout si mon entourage commence à reconnaître en moi une capacité particulière d’écoute !

A l’issue de cette étape 4, nous avons donc complété notre boite à outils :
• en précisant l’importance du silence, en lien avec la capacité à se taire et laisser l’autre – vraiment – parler ;
• en clarifiant les degrés d’empathie, entre lesquels chacun.e est invité.e à naviguer selon sa capacité à accueillir la réalité émotionnelle de l’autre.

(Re)mise en perspectives…

Notre qualité d’écoute, au point de pouvoir être qualifiée d’active, est évidemment un atout clé dans un métier ou un engagement associatif ou bénévole qui requiert ce type de compétence. Plus largement, savoir écouter activement est à la fois un moyen et le signe d’une maturité dans le rapport à soi et aux autres ; rien que ça !

Et, plus spécifiquement, l’écoute active est une clé pour nous aider, nous en tant qu’individu et en tant qu’église, à aborder des sujets potentiellement sensibles et pour lesquels le risque de ne pas s’écouter est accru.


Dotés de cette clé, nous pouvons désormais parler politique, religion et même… ministère féminin !

phil 2

Philippe Schwab, 49 ans, marié depuis 25 ans avec Yolande est père de 2 gaillards de 21 et 18 ans.
Diplômé de Sciences Po Strasbourg et titulaire d’un Master 2 en Finance d’entreprise, il jongle aujourd’hui entre plusieurs casquettes :
• Le cabinet PS Conseil, spécialisé dans le développement professionnel et personnel pour les particuliers et les organisations, qu’il gère depuis 16 ans avec son épouse ;
• La plate-forme de ressources « Monsieur Feedback » dédiée à la culture et à la pratique du feedback ;
• L’enseignement post-bac, orienté vente, management et communication ;
• La radio, avec l’émission bi-mensuelle Eclairages, un talk-show chrétien, pluriel et dynamique qui décrypte l’actualité.
Passionné de communication, libre et concret, Philippe aime transmettre sans tabou et avec énergie ses convictions et expériences.

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