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Ordre créationnel et autorité

L’argument de l’ordre dans la création est appelé « primogéniture » en théologie. Le pasteur Matthieu Gangloff a réfléchi à la question. Comme vous pouvez l’imaginer, la réflexion mérite un peu d’espace. Pour reformuler l’enjeu: Adam-masculin a-t-il vraiment été créé le premier selon la Genèse? Si oui, y a-t-il des implications en matière d’autorité?

Primogéniture en Genèse 1?

Le premier récit de la création (Genèse 1) affirme-t-il que l’homme-masculin a été créé le premier ?

Ce récit de la création affirme que Dieu fait l’homme à son image. L’hébreu, en réfléchissant aux premiers instants de l’humanité, présente spontanément un seul être humain, en relation avec Dieu, avec qui Dieu peut parler. S’agit-il ici de la création d’un individu masculin ? Non, car quelques versets plus loin, le texte précise :

Et Dieu créa l’homme a son image ; il le créa a l’image de Dieu ; il les créa mâle et femelle (Gn1 : 27).

Selon ce récit, le premier homme est en effet un collectif : la création de Dieu se préoccupe de l’humanité entière. (Voir Gn 5 : 1). La création de l’homme, telle qu’elle est racontée en Genèse 1, exclut donc toute forme de primogéniture de l’homme sur la femme et ne permet pas d’établir l’existence d’une hiérarchie dans le couple. Créés tous les deux a l’image de Dieu, l’homme et la femme ont la même valeur aux yeux de Dieu.

Primogéniture en Genèse 2 et 3 ?

L’idée de primogéniture est présente dans le deuxième récit de la création (Genèse 2 et 3) où il s’agit d’abord de la création de l’homme-masculin en tant qu’individu. Pour Dieu, l’œuvre n’est pas complète. L’homme est tout seul. En créant la femme, Dieu offre à l’homme la relation qui fonde la réciprocité dont il a besoin. L’homme a maintenant un vis-à-vis, à la fois semblable et différent. Le texte présente donc une chronologie qui précise la création de l’homme en tant qu’homme masculin avant la création de la femme. Cette primogéniture est attestée dans le Nouveau Testament non seulement par Jésus, mais aussi par l’apôtre Paul.

Est-ce que la primogéniture confère une autorité à l’homme ?

Genèse est loin d’affirmer que la primogéniture nécessite l’autorité de l’homme sur la femme. Au contraire : l’enseignement théologique fondamental de Genèse 2 concerne l’altérité de l’homme et la femme. Le texte  du récit affirme que l’homme a besoin de quelqu’un qui lui fasse front et qui lui corresponde : une aide semblable à lui (Gn 2 : 18).

Quelle sorte d’aide ?

A partir de ce verset, certains ont cru voir dans la notion de « l’aide » l’évidence d’une certaine hiérarchie. Pourtant, le mot utilisé ici est le mot hébreu « ezer » qui se trouve très souvent dans l’Ancien Testament pour parler de l’action de Dieu. Lorsque Dieu « aide » son peuple, ce n’est pas pour devenir un assistant subalterne !  Le texte présente alors plutôt l’idée de la collaboration ou d’un projet commun, que doivent mener ensemble deux personnes qui sont des alliés.

Nommée, donc soumise?

Pour certains également, le texte de Genèse laisse comprendre l’existence d’une hiérarchie au moment où l’homme nomme la femme. Et pourtant la première parole prononcée par l’homme et rapportée dans le texte est son cri de joie et de surprise lorsqu’il découvre la femme (Gn 2 : 23). Cette parole loin d’être une marque de domination ou une prise d’autorité, ne ressemble pas à la façon dont l’homme nomme les animaux.

Aucun signe de hiérarchie ne parait non plus lorsque le texte explique pourquoi l’homme quitte ses parents pour s’attacher à la femme. Le texte affirme la qualité et la valeur de l’aide qui attire l’homme assez fortement pour justifier l’abandon de ses parents et lui faire quitter père et mère. Ce qui ressort du texte, c’est l’égalité qui existe entre l’homme et la femme.

Le texte de Genèse loin d’établir une hiérarchie, insiste donc davantage sur le fait qu’hommes et femmes sont humains-images de Dieu. Ils sont créés ensemble et égaux, placés ontologiquement par la Bible  sur le même pied d’égalité.

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Plus loin dans son article, Matthieu Gangloff considère la façon dont la primogéniture est présentée dans certains textes du Nouveau Testament, notamment en 1 Corinthiens 11 et 2 Timothée 2.

Il voit une différence entre l’égalité ontologique de l’homme et la femme, exprimée par le texte de Genèse,  et l’autorité de l’homme, déléguée par Dieu pour des raisons d’ordre, dans le cadre du couple marié. En présentant ce point de vue, l’auteur s’éloigne d’une façon importante de certains autres biblistes du blog « Servir Ensemble » (voir par ex. les articles de Joëlle Sutter-Razanajohary, NT Wright, Matthias Radloff, Mary Cotes…).

Matthieu Gangloff conclut son article avec force:

Le glissement de l’autorité de l’homme dans le couple vers l’ensemble des hommes à l’égard des femmes est un raccourci que le texte biblique ne permet pas. Ainsi, affirmer l’autorité de tous les hommes sur toutes les femmes, sur la base de la primogéniture n’est pas conforme au texte biblique.


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Bonne lecture !

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