Spiritualité

L’harmonie, à quel prix ?

Se taire pour garder « la paix », aussi en ce qui concerne la place des hommes et des femmes dans l’Église et dans la société ? Mais de quelle paix s’agit-il ? Et à qui demande-t-on de rester tranquille ? Merci à Alain Schwaar pour cette méditation sage et pertinente.

On m’accuse de créer le conflit, mais je ne le crée pas : je le révèle, disait Martin Luther King (cité de mémoire)

Finalement, tout est une question de point de vue.

Créer du désordre ou mettre en cause l’ordre établi ?

Ordre pour les uns, garant de la stabilité, du progrès, de la tranquillité.

Ordre étouffant pour les autres, gage d’oppression, qui stérilise tout espoir de changement.

Appel des uns à la tranquillité, l’harmonie, la paix.

Appel des autres pour la vie, le changement, la dignité.

On peut comprendre les deux parties.

Mais il faut bien constater que cet appel au calme, à la tranquillité, à l’harmonie vient le plus souvent de ceux qui sont avantagés, qui ont quelque chose à « perdre ».

Pourtant l’harmonie n’est pas un état stable, mais plutôt un moment calme et heureux entre deux tourbillons.

J’ai fait l’expérience musicale de me concentrer sur les mesures finales, harmonieuses, merveilleuses. Et puis j’ai étendu la plage de mon écoute. Avant ce moment, il y avait tensions, dissonances. 

Et j’ai bien dû constater que les dernières mesures étaient encore plus belles après les dissonances.

Harmonie, équilibre, à regarder de plus près.

La marche n’est-elle pas une suite de déséquilibres ? On peut dire de quelqu’un qu’il marche ou court de manière harmonieuse. Ce n’est quand même qu’une suite de déséquilibre !

Et si l’harmonie était un moment de tranquillité, de sérénité ? Mais un moment seulement, quand ça se maintient, ça peut même devenir oppressant. Et tranquillité ne signifie pas qu’il y a sérénité pour tout le monde !

Et si on remplaçait sérénité par la notion de besoins essentiels couverts. La sécurité par exemple ?

Et si dès lors on se demandait si ce serait possible que ce soit valable pour tout le monde. Sécurité, un toit, à manger, de l’eau qu’on peut boire.

Ceux qui ont déjà tout ça vont penser que c’est un état d’harmonie. Pas ceux qui en sont privés. Et qui en sont privés pourquoi et par qui ?

Remettre en cause cet équilibre, c’est briser l’harmonie pour ceux qui en bénéficient. Mais c’est un espoir d’atteindre enfin l’harmonie, la paix, la tranquillité pour ceux qui en sont privés.

Question de point de vue !

Alors méfions-nous des appels à l’harmonie, tant qu’il n’y a pas justice et un minimum d’équité.

Alain SCHWAAR

servirensemble.com est le fruit de différents auteurs et c'est la richesse de ce blog. Vous trouverez le nom de cet auteur à la fin de l'article. Vos contributions sont les bienvenues, contactez-nous!

5 comments on “L’harmonie, à quel prix ?

  1. BURNOD Marc

    Je partage absolument cette sage réflexion, dont je fais d’ailleurs régulièrement l’expérience au niveau personnel.

    Car un constat s’impose avec une constance saisissante au fil du temps et des siècles : un certain nombre d’hommes et de femmes prennent périodiquement le risque – il y faut du courage ! – de remettre en question le sacro-saint « ordre établi », exprimant bien souvent cette « pensée unique » qui favorise toujours les dominants et les institutions créées ou utilisées par ceux-ci pour leur permettre d’établir ou de maintenir leur pouvoir.

    Et à chaque fois, la première réaction est systématiquement le mépris, le refus, le rejet de ces sensibilités trop nouvelles, et bien souvent la persécution de ces « perturbateurs d’harmonie » dont la pensée divergente est beaucoup trop dérangeante. Et pas seulement pour les puissants, mais aussi pour la société de façon beaucoup plus large, et même chez les « perdants » de ces états de faits souvent injustes. Parce que les « ruptures d’harmonie », qui sont en fait perçues comme des mises en danger des schémas de pensée acquis (donc rassurants), suscitent d’abord une forte inquiétude par les pertes de repères qu’elles entraînent.

    Tous les novateurs, les pionniers, ceux qui remettent en question et qui cherchent ou annoncent d’autres voies et d’autres visions, ont vécu cela. Comme chrétiens, nous avons notamment les exemples des prophètes de l’Ancien Testament, bien évidemment de Jésus, et aussi des apôtres et des disciples des débuts de l’Eglise. Dans la suite de l’Histoire, les réformateurs et les acteurs des différents réveils ont eux aussi connu les gros tracas liés au rappel de l’autorité de la Parole de Dieu. Et sur le plan scientifique également, les Copernic, Kepler, Galilée et leurs successeurs, qui tentaient de faire avancer les connaissances et la compréhension du monde, n’ont pas souvent été accueillis avec enthousiasme… jusqu’à ce qu’on découvre plus tard qu’ils avaient finalement eu raison, contre les « spécialistes » qui exerçaient un pouvoir dangereusement remis en question, et même contre les peuples dans leur ensemble, trop habitués à suivre aveuglément les « maîtres à penser »…

    Dans notre époque troublée, comme le souligne très justement Alain Schwaar, la nécessité de repenser en profondeur l’équilibre hommes-femmes dans l’ensemble de la société – et principalement dans l’Eglise – entraîne les habituels remous liés à la remise en cause des vieux statu-quo. Et les « pionnières » sont particulièrement exposées !

    Car les choses progressent, mais fort lentement, et non sans des débats parfois plus qu’animés… Et on observe déjà que les voix qui tentent de s’élever pour suggérer d’autres remises en question fondamentales, concernant les structures, les traditions, l’organisation et la vie pratique de l’Eglise, dans une nouvelle démarche de renouveau en profondeur et peut-être d’achèvement de ce que la Réforme n’avait pas totalement restauré en son temps, se heurtent elles aussi à des réactions du même ordre. Celles-ci sont actuellement plutôt de l’ordre du silence, gêné peut-être, condescendant parfois, ces voix dérangeantes étant encore très peu nombreuses. Mais ce mouvement fondamental est en route, et il suscitera nécessairement, comme à chaque « perturbation de l’harmonie officielle », de violentes réactions, les enjeux étant particulièrement importants: car il s’agit de la restauration de l’Eglise sur les bases scripturaires posées par Jésus et ses apôtres, pourtant fort claires – mais qui ont malheureusement été largement oubliées et contaminées par bien d’autres influences au fil du temps – et la réactivation d’un puissant témoignage de l’Eglise et de ses communautés locales sous l’action du Saint Esprit retrouvée, le Christ ressuscité étant à nouveau reconnu dans sa royauté et sa centralité au coeur de son Eglise !

    L' »harmonie officielle » en sera nécessairement perturbée, comme cela s’est bien souvent produit dans l’histoire d’Israël et de l’Eglise, mais pour un nouvel équilibre qui sera réellement lié au mouvement puissant d’une Eglise à nouveau « en marche » à la suite de son Sauveur et Seigneur, et qui retrouvera le sens de sa mission initiale: être réellement, par le moyen de tous et de toutes, saveur de la terre et lumière du monde, une fois dégagée des « seaux » qui occultent depuis trop longtemps la pleine clarté qui lui a été confiée pour qu’elle la diffuse largement !

  2. Caroline Delon

    L’harmonie n’est pas définie dans la Bible, du coup chacun peut estimer qu’il y a ou pas « harmonie » et, si chacun la joue avec sa propre partition, ne risquons-nous pas la cacophonie ?

    Autrefois, sûrement que des hommes auraient voulu être serviteurs du tabernacle, mais seuls les lévites en avaient le droit. Ces hommes ont-il réclamé plus d’harmonie au sein du peuple d’Israël ?
    Idem pour ceux qui avaient les capacités et la volonté d’être sacrificateurs, mais hors de la famille d’Aaron.
    Pourquoi ? Parce que Dieu l’a voulu ainsi.

    Cherchez l’harmonie et vous aurez la cacophonie.
    Cherchez ce que dit la Bible et vous aurez l’harmonie.

    Fraternellement, Caroline

    • Victoria Declaudure

      Bonjour Caroline

      Merci de participer à la réflexion.

      Il me semble que dans un orchestre symphonique, chaque instrument a justement sa propre partition, et c’est le fait de jouer ensemble sous la conduite du chef d’orchestre qui produit l’harmonie …

      Il ne s’agit donc pas de dire que chacun, chacune, invente sa partition pour se faire plaisir, mais qu’on s’écoute les uns les autres

      L’exemple du mécontentement des Hellénistes dans Actes 6 illustre bien l’idée … leurs plaintes, qui étaient justifiées, ont pu troubler l’atmosphère jusqu’alors paisible pendant quelques temps, mais elles ont été écoutées … et la solution trouvée a permis à l’église d’avancer … à jouer une harmonie plus complexe et riche qu’avant …

      (Nous ne sommes plus dans le contexte de l’Ancien Testament, mais dans le Nouveau, où selon 1 Pierre 2 nous sommes tous des pierres vivantes, et tous membres du « saint sacerdoce », du « sacerdoce royal ».)

      « Cherchez ce que dit la Bible et vous aurez l’harmonie » on est bien d’accord sur ce point !

      • Caroline Delon

        Merci pour cette réponse mais on ne s’est pas bien comprises :

        – l’harmonie n’est pas définie dans la Bible, donc si chacun écrit sa propre définition, cela revient à l’idée que chacun écrit sa propre partition. Je sais bien que chacun joue sa partition dans un orchestre, mais il n’y a qu’un seul compositeur.

        – En Actes 6, le trouble était causé par l’augmentation des disciples et donc des besoins (veuves, distributions, …). Alors que dans l’article, le trouble évoqué viendrait d’une « mise en cause de l’ordre établi ».

        – Oui nous sommes dans le Nouveau Testament, mais je citais ces exemples pour illustrer un principe : comme Dieu n’accordait pas à tous de tout faire dans l’AT, il n’accorde pas aujourd’hui à tous de tout faire non plus. Ce qui n’étonnait personne avant ne devrait pas nous surprendre aujourd’hui. Ce n’est pas qu’une partie est « avantagée » sur l’autre, c’est que Dieu l’a décidé ainsi, point.

        Bien fraternellement, Caroline
        PS : Je regrette que mon commentaire précédent ait dû attendre une « réponse » (?) pour être publié. J’ai remarqué cela pour certains autres commentaires, les commentaires « critiques » en particulier.

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