Spiritualité

« Laissez-moi être une femme » (2) : Différenciée mais pas différente !

Dans cet article Victoria Declaudure continue sa réflexion, commencée ici, autour de la vision de la place et du rôle de femmes développée par Elisabeth Elliot, écrivaine anglo-saxonne, ayant fortement influencé les milieux francophones.

Pour Elisabeth Elliot, seules les femmes qui deviennent mères et se restreignent à ce rôle, sont pleinement, vraiment, entièrement femmes. Tout le reste (sauf le ménage, bien entendu) elles peuvent le laisser entre les mains sûres de leur époux plus intelligent. Vivre autrement, avoir d’autres aspirations, c’est se contenter « d’une caricature, d’une pseudo-identité humaine » (paroles très dures !).

La différenciation sexuelle est un fait biologique, et il en découle des expériences et « rôles » physiques et psychologiques différenciés pour les parents. Selon Genèse 1 : 31 cela est « très bon » et nous pouvons, comme Elliot, le célébrer.

Mais « différencié » n’est pas synonyme de « différent ». Le mot implique qu’une attention a été portée pour faire ressortir des différences, parfois subtiles.

A titre d’exemple : en tant que prof d’anglais au lycée, puis à l’université, je m’étais donné beaucoup de peine à pratiquer la pédagogie différenciée. Je me suis vite rendu compte que mes étudiants avaient des styles d’apprentissage différents, avançaient à des rythmes différents, étaient différents de par leurs acquis, leurs personnalités, leurs intérêts … Et pourtant, ils étaient tous rassemblés dans la même classe pour apprendre la même langue, et seraient confrontés au même examen final… Mon but, c’était de les aider à atteindre ces objectifs communs en mettant en œuvre des moyens et des parcours diversifiés mais complémentaires.

Des objectifs communs

Or, bien que différenciés sexuellement, le premier couple partageait un objectif commun : la mise en œuvre du mandat créationnel (Gn 1 : 28).

Et en tant qu’hommes et femmes dans le royaume de Dieu, où, sur le plan spirituel, il n’y a « plus ni homme ni femme » (Ga 3 : 28) nous partageons un objectif commun : mettre nos dons divers au service de l’Église en se laissant transformer à l’image de Christ.

Respirer, manger, boire, dormir.

Marcher, courir, danser, sauter.

Penser, parler, communiquer, croire.

Lire, écrire, calculer, apprendre.

Chanter, dessiner, jouer de la musique, composer.

Réfléchir, imaginer, enseigner, aider.

Collaborer, diriger, coopérer, décider.

Rêver, rire, jouer.

Méditer, prier, adorer.

Confesser, se repentir.

Aimer.

Ce sont autant de fonctions et capacités propres aux humains qui ne dépendent aucunement de la différenciation sexuelle, tout comme la plupart des caractéristiques physiques tels que couleur des cheveux, yeux, grande taille (Je pense ici à mon cousin de près de 2 mètres, et à ses trois filles qui mesurent … près de 2 mètres ; encore enfant, un spécialiste proposa à la première de ses filles un médicament pour ralentir sa croissance impressionnante … Tim, qui travaille dans la recherche médicale contre le cancer, s’est fâché ! Pour lui, tel père, telle fille.)

Seule la fonction reproductive nécessite une différenciation au sein de l’humanité.

En contraste, le sens premier du mot « différent » est « qui n’est pas semblable ».

Certes, hommes et femmes ne sont pas identiques, mais ils sont certainement semblables:

Genèse 1 donne une vision globale de la création de l’humanité et insiste fortement sur la notion de ressemblance :

Dieu dit : Faisons les humains à notre image, selon notre ressemblance, pour qu’ils dominent sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur toutes les bestioles qui fourmillent sur la terre. Dieu créa les humains à son image : il les créa à l’image de Dieu ; homme et femme il les créa. (Gn 1 : 26-27 NBS)

Le récit de Genèse 2 tout en expliquant la différenciation sexuelle au sein de l’humanité insiste fortement sur la notion de ressemblance.

Comparez :

Le Seigneur Dieu se dit : Il n’est pas bon que l’être humain soit seul. Je vais lui faire un vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir. Gn 2 : 18 (NFC)

Le SEIGNEUR Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je vais lui faire une aide qui sera son vis-à-vis. Gn 2 : 18 (NBS)

L’Éternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui. Gn 2 : 18, LS)

C’est bien la leçon qu’Adam retient après avoir « cherché » un partenaire parmi les animaux :

L’homme dit : Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. Celle-ci, on l’appellera « femme », car c’est de l’homme qu’elle a été prise. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. (Gn 2 : 23, 24)

Rien ici ne suggère une « répression » des capacités et des dons spirituels des femmes, sous prétexte que la différenciation sexuelle les rend différentes des hommes. Les animaux étaient différents d’Adam ; mais la femme lui correspondait parfaitement, étant de la même nature que lui et créée en la même image divine que lui.

Découvrir ce qui est nouveau (apprendre)

Une autre définition de « différent », selon la Larousse, est :

qui est original, nouveau, inconnu, autre que ce qu’on avait l’habitude de voir ou de connaître.

Selon le récit de Genèse, Eve était différente d’Adam dans ce sens-là, car jusqu’alors dans son expérience il n’avait pas rencontré de femme (ni même un autre homme) mais pour lui, avant la chute, il a accueilli l’existence de cet être semblable mais différencié avec joie, gratitude et enthousiasme. Il avait tout à gagner en s’associant à elle !

HF 2

Après la chute, la différenciation est devenue domination, incompréhension et finalement aliénation. L’expérience masculine est devenue normative, et les hommes, même théologiens, ont considéré à travers l’histoire les femmes comme dangereuses, hystériques, sottes …

Et pourtant, la Bible elle-même ne présente jamais les femmes de cette façon.

La différenciation sexuelle était faite pour le bonheur de l’humanité, pour un enrichissement mutuel dans la rencontre de l’autre, la forme la plus « intense » étant le mariage… Mais pour le reste, nous sommes simplement frères et sœurs, membres d’une même famille spirituelle, appelés à être unis en Christ.

Pourquoi ne pas suivre les conseils de Paul à Timothée dans 1 Timothée 5 ?

Considère les jeunes gens comme des frères, les femmes âgées comme des mères, et les jeunes femmes comme des sœurs, avec une entière pureté.
1 Tim 5 : 1b, 2, 3a

Alors j’invite ceux qui n’ont jamais été attentifs aux chrétiennes de leur Église pour écouter et découvrir ce qu’elles pensent ou ce qu’elles pourraient contribuer à l’édification ou à la direction de l’Église, à oser faire un pas … elles parlent le même langage que vous !

Victoria Declaudure

Victoria Declaudure a été membre de l'équipe pastorale de l'Eglise Vie Nouvelle (Saumur) pendant 17 ans avant de rejoindre celle de l'Eglise Evangélique d'Angers. Titulaire d'un master en théologie, elle est l'auteur de plusieurs articles ainsi que du mook 'Pionnières du XXième siècle, le ministère oublié des femmes pentecôtistes françaises 1932-48'

1 comments on “« Laissez-moi être une femme » (2) : Différenciée mais pas différente !

  1. M.Rose

    Dés le début de l’histoire humaine, la différentiation a été utilisée pour spécialiser la femme :

    la femme-mère pour la reproduction, la femme sexe pour le plaisir, créant deux univers séparés
    où les humains ne se rencontrent qu ‘ à l’horizontale pour se reproduire ou pour le plaisir,
    mais très peu pour « croître », grandir, se verticaliser vers Dieu et devenir des êtres spirituels
    en développant leurs dons et capacités.

    Une loi du créateur est de séparer pour réunir : ds le couple le face à face ne peut être possible
    qu’entre deux personnes autonomes et libres de leur choix.
    Cette relation n’est ni un côte à côte, ni un compromis ou une synthèse, mais CRUCIFIXION

    Face à l’autre, cet inconnu-e-, il s’agit de se parler, s’ écouter, se découvrir, pour se comprendre,
    de s’aider, se supporter, s’ attendre, pour partager, se trouver…..et souvent se rater et pardonner.
    La dissymétrie voulue par Dieu crée un déséquilibre qu’il faut dépasser pour permettre
    à l’Amour de jaillir – et à chacun de se construire – à travers des petites morts (des croix) certes,
    mais pour ressusciter à de plus grandes joies.

    Merci pour cet article et ce site qui encourage à rêver et à se battre pour se réapproprier
    l’espace et le temps, à refuser d’être mutilé mais vouloir s’épanouir en tenant ensemble
    plusieurs aspects possibles de notre personne (un défi dans ce monde !).
    Que ce désir de VIE VÉRITABLE soit contagieux et embrase l’église et le monde !

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