Témoignages

« Histoire des chrétiennes : l’autre moitié de l’Évangile » par Elisabeth Dufourcq #lupourvous

Elisabeth Dufourcq est docteur en science politique, ancien membre du comité national et ancien secrétaire d’Etat à la recherche. Elle n’a cessé depuis quarante ans de décrypter l’histoire comparée des femmes. Ce livre est une somme. Mais ces 1259 pages n’ont rien d’ assommant, bien au contraire. Régalez-vous plutôt…

la 4ème de couverture:

“Que s’est-il passé entre le Christ et les femmes depuis deux mille ans ? Le Jésus des Évangiles dialogue avec elles. Il reconnaît et fait reconnaître le génie avec lequel elles abordent la vie et le surnaturel. Il les choisit comme premiers témoins de l’événement central de l’histoire chrétienne : la Résurrection. Dès les Actes des Apôtres, pourtant, avant même la conversion de Paul, les amies du Christ s’effacent ou se taisent.

À partir de cette lecture des textes, Élisabeth Dufourcq explore l’histoire des chrétiennes avec un regard neuf. De siècle en siècle, à chaque fois que la hiérarchie masculine se laissa dominer par les soucis du pouvoir, elle étouffa le génie et la voix des chrétiennes, limita l’accès aux Écritures et fit de La Femme idéalisée un symbole. Malgré cela, le dialogue du Christ et des femmes s’est toujours poursuivi, avec ses fulgurances. Mais, comme dans d’autres religions, la prise en mains du pouvoir par des hommes eut des conséquences en termes d’enfermement dans les cultures dominantes, de faux-semblants, de contre-sens sur la vie et l’amour, voire de luttes entre clergés, frères et ennemis.

À l’heure où la science contredit les préjugés millénaires sur la nature de la femme mais où les fondamentalismes se durcissent, Élisabeth Dufourcq montre que seule la manière du Christ résiste à l’épreuve de l’histoire. La redécouverte de son universalité concerne les deux moitiés de l’humanité.”

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Et voici un court extrait:

Chap.3. L’Évangile du Christ déborde les Évangiles, les apôtres et les Églises.

‘Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée ; c’est là qu’ils me verront. » Mt 28,10.

Avant que Paul ne soit apôtre, des femmes avaient déjà propagé l’Évangile du Christ. A Damas, c’étaient, disent les Actes, des femmes ‘adeptes de la voie de Jésus’ contre lesquelles Saül ‘toujours animé d’une rage meurtrière’ avait demandé au grand prêtre des lettres pour les ramener à Jérusalem (Actes 9,1-2). Avant elles, c’était, en Samarie, une porteuse d’eau, partie en ville chercher les habitants de Sichar pour prier Jésus de rester parmi eux (Jn 4). Depuis les origines, des femmes avaient quitté leur famille et leur maison pour suivre et assister Jésus de la Galilée au Calvaire. Parmi elles ‘Marie Madeleine, Jeanne, Marie, mère de Jacques, et les autres femmes’ (Lc 24,10 ; Mt 14,13-21 ; Mc 6, 30-44) celles qui, après le drame de la croix, mirent le Christ au tombeau. Unanimes, les quatre Évangiles qui furent écrits entre les années 60 et 100, soit après la mort de Pierre et Paul, rappellent qu’au lendemain de la Pâques juive, ce sont ces amies du Christ qui virent le tombeau vide (Mc16,1-8 ; Mt28,1-10 ; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1-10). Ce sont elles qui, fidèles jusqu’au désastre, comprirent que le Christ de Pâques était la manifestation de l’identité invincible de Dieu dont procède toute identité humaine.

Selon l’Évangile de Luc, les apôtres jugèrent les propos des femmes ‘délirants et ils ne les crurent pas’ (Lc24,11). Lorsque Pierre courut au tombeau et ne vit que le linceul, ‘il s’en retourna chez lui, tout étonné’ (Lc 24,12). Tout étonné, réfugié chez lui, mais sans comprendre.

Selon l’Évangile de Matthieu, le Christ vainqueur de la mort confia une mission précise aux femmes qui l’avaient reconnu. La phrase est d’une impressionnante concision. Pour les siècles à venir, le Christ commandait aux femmes de ne pas avoir peur. Il les envoyait en ‘apôtre des apôtres’ (L’expression est d’Hyppolyte de Rome, mort vers 236, cité dans Dictionnaire de spiritualité, Tome 10 ; article ‘Marie madeleine’). Il leur demandait d’indiquer aux hommes le lieu de la vision par le cœur. ‘Soyez sans crainte, allez plutôt annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée. C’est là qu’ils me verront.’ Mt28,10.

Voir ? Par la vision des Béatitudes : ‘Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu’ (Mt 5,8)
Où ? La compréhension masculine de la Résurrection passait par le retour en Galilée.

Pourquoi la rencontre du ressuscité exigeait-elle un retour à la simplicité des origines ? Ce message confié aux femmes et destiné aux apôtres fût-il entendu ?

Dans les Actes des apôtres, tout se passe comme si le message de la résurrection était pris en main par les apôtres seuls. Les amies de Jésus disparaissent. Où sont passées Marie Madeleine et la mystérieuse Jeanne, femme de l’intendant d’Hérode, et marie, mère de Jacques, qui trouvèrent le tombeau vide et portèrent la nouvelle aux apôtres ? Leurs voix se taisent. Elles ne témoignent plus. Leurs noms et leurs visages sont absents.

Le christianisme des apôtres inaugure une ère de silence féminin.

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Traduction “Bon mesdames, merci d’avoir été les premières à témoigner de la résurrection mais nous allons prendre les choses en main à partir de maintenant.”

Les Actes ne parlent plus de Marthe de Béthanie chez qui Jésus dînait (Lc10,38-42), ni de la Cananéenne (Mt15,21-28 ;Mc7,24-30), ni de la Samaritaine (Jn4,39), ces femmes compromettantes avec lesquelles le Christ n’avait pas jugé indigne de converser ni de débattre.

Ni dans les Actes des apôtres, ni dans les épîtres des apôtres, ni, du reste, dans les Évangiles eux-mêmes, les apôtres ne dialoguent avec une femme. La seule fois où dans les Évangiles, un apôtre répond à des femmes, c’est pour leur mentir sous le sceau du serment.

Les réponses de Pierre à la première et à la seconde servante qui le reconnaissent dans la nuit du Jeudi Saint ne sont pas des dialogues mais des mensonges assénés d’autorité : ‘Je ne sais pas ce que tu veux dire… Je jure que je ne connais pas cet homme’ (Mt 26,70-72).

Dans le Nouveau Testament, seul le Seigneur Jésus-Christ juge digne d’écouter les femmes, de leur répondre en toute justice et de faire passer par elles son message.
Dès l’époque apostolique où, pourtant, les assemblées clandestines se tenaient chez les femmes (Ac 12,12), la transmission institutionnelle par les femmes est rompue.

Depuis que les chrétiennes de tous les jours ont eu accès aux Écritures en langues nationales, pas avant le XVIe siècle, dans la tradition réformée et guère avant le XXe, dans les autres confessions, des femmes de bonne volonté se posent la question : le caractère exclusivement masculin de la transmission évangélique, si héroïque et si inspiré fût-il, n’a-t-il pas limité la compréhension de la révélation ? Les apôtres et leurs successeurs ont-ils toujours compris ce que le Christ a révélé aux femmes et leur a demandé à elles, de transmettre ? »

Ce livre vaut le détour! Faites-vous le offrir pour votre anniversaire puisque Noël vient de passer. La foule des témoins qui nous entoure est composée d’hommes et de femmes: Hébreux 11 ne cite que Sarah et Rahab comme femmes modèles de foi, l’histoire du christianisme en a également retenu bien peu… Avec son immense galerie de portraits féminins qui traverse les siècles et ressuscite pour nous des femmes admirables dans leur discipulat et leurs actions, ce livre-ci saura vous redonner du courage si vous êtes fatigué-ées. De la hardiesse, si vous êtes apeuré-ées.

Elles sont nombreuses et courageuses les femmes de foi qui nous ont précédées…

Joëlle Sutter-Razanajohary

Joëlle Sutter-Razanajohary est pasteure de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France dont elle est Secrétaire Général depuis septembre 2020. Elle est la fondatrice du blog 'Servir Ensemble'. Elle est également autrice de livres ("Qui nous roulera la pierre?", Empreinte, 2018; "Une invitation à la danse. La métaphore conjugale dans la Bible" Olivetan, Mai 2021) et de nombreux articles.

2 comments on “« Histoire des chrétiennes : l’autre moitié de l’Évangile » par Elisabeth Dufourcq #lupourvous

  1. Claire Poujol

    Bonjour ! Ma fille Valérie m’avait offert ce livre il y a déjà longtemps, et je me suis régalée de le lire et de le relire, et puis un jour elle m’a dit : “Me le prêterais- tu, car j’en ai souvent besoin pour mes cours ou conférences ?”
    Eh bien je ne l’ai plus jamais revu ! Elle fait souvent ça :-))

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