La notion d’identité est au cœur des préoccupations personnelles de notre société depuis quelques décennies. Durant les siècles précédents, nos familles et lieux de naissance dessinaient les contours de nos identités, mais il n’en va plus de même aujourd’hui. Chacun se construit à partir d’un ‘bris-collage’ de différentes réalités, tentant de s’adapter ainsi à un monde dont les mutations sont de plus en plus rapides. A partir de quoi, et de quelles paroles, de quelles images se définissent les femmes chrétiennes?
Extraits choisis du livre de Joëlle Razanajohary “Qui nous roulera la pierre. La place des femmes dans l’Église” –Sortie en Librairie prévue mi-mai 2018, aux Éditions Empreinte du temps présent.
“Lorsque les milieux fondamentalistes (qu’ils soient évangéliques, catholiques, juifs, voire musulmans) se tournent vers les Écritures pour définir ‘la femme’, son être, son agir, son devenir, c’est immanquablement vers Genèse 2: 18 (ou son corollaire dans le Coran) qu’ils se tournent pour affirmer que ‘la femme’ a été créée ‘pour l’homme’. (Genèse 2: 18 «L’Éternel Dieu dit: «Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je lui ferai une aide qui soit son vis-à-vis.»); ils définissent ensuite très rapidement son rôle principal dans l’aide et la soumission à celui à qui elle doit la vie.
Cette affirmation se situant avant l’épisode de la chute en Genèse 3, il est considéré comme non atteint par le péché et reflétant de ce fait la volonté initiale et parfaite de Dieu pour le couple et par extension pour la femme, l’état de perfection.
Lorsque l’apôtre Paul reprend cette affirmation dans le Nouveau Testament, il semble faire de cette proposition le centre, le point de départ de toute la réflexion concernant les rapports homme-femme dans le christianisme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme; et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme. 1 Corinthiens 11:8-9. (…)
Lorsque ces textes (Genèse 2:18 et 1Cor 11: 9) sont utilisés comme seul fondement des relations homme-femme, la structure construite à partir de là s’avère particulièrement destructrice. En effet, cette façon de procéder réduit ces relations et l’ensemble de tout ce qui concerne les femmes à la relation de subordination aux hommes: ‘Femmes fidèles et fécondes’, ou ‘épouses et mères’, ‘femmes-filles de’, si elles ne sont pas mariées. Femmes qui n’existent que parce que reliées à un homme. (…)
Mais des voix nouvelles se font entendre, comme celle de Marie Françoise Hanquez-Maincent , qui cherche à rétablir l’histoire réelle du christianisme primitif en déconstruisant l’interprétation masculine traditionnelle que nous avons héritée du passé. Elle souhaite changer le paradigme interprétatif jusqu’alors essentiellement masculin au profit d’un modèle non sélectif qui englobe autant l’homme que la femme tout en reconnaissant que le défi est ‘de taille’.
C’est à cela que je vous invite également, à un ‘changement de paradigme interprétatif’: En effet, l’une des pistes à partir de laquelle je propose d’explorer les notions d’identités féminines et masculines, serait de ne pas partir d’une seule donnée, mais d’un centre pluriel. Bien avant Genèse 2 et 3, la Bible parle de l’homme et de la femme, de leurs rapports et ce qu’elle en dit doit certainement être essentiel, puisque le texte de Genèse 1 n’est rien d’autre que le texte d’ouverture de la Bible, un texte exceptionnel et pourtant si peu pris en compte dans la problématique qui nous occupe. (…)
Face à la multiplicité des termes du texte hébreu, la pauvreté des termes utilisés dans les traductions, mais aussi l’absence quasi-totale de signalement que des termes différents ont été utilisés me rend perplexe. Cela a-t-il un sens? Si oui, comment en tenir compte dans notre lecture? Il me semble que chacun des trois premiers chapitres, montre l’homme et la femme selon un angle différent: Genèse 1 nous parle de l’homme et de la femme comme étant les deux composantes de l’humanité et façonne un cadre général, un ‘script’ pour leur évolution. Genèse 2 nous les présente dans le cadre du couple (Ich et Icha). Genèse 3 développe leur place et fonctionnement dans le contexte de la chute. La plus importante de ces dimensions pour moi aujourd’hui, étant celle qui est la plus occultée parce qu’engloutie par la femme épouse de Genèse 2 puis pécheresse de Genèse 3; à savoir la femme, composante de l’humanité dont nous parle Genèse 1:27.”
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Dans le cadre d’un rassemblement des femmes baptistes du grand nord à Arras, les 23 et 24 mars 2018, je présenterai ma lecture de ces textes fondateurs en 3 temps, autour du texte de Genèse 1 :27, de morceaux choisis de Genèse 2 et de Genèse 3, en prenant le temps de poser à chacun de ces passages des questions à la fois simples mais tellement essentielles du type :
- Que dit le texte réellement ? Nous partirons du texte hébraïque et écouterons également les interprétations juives (anciennes et actuelles) de ces passages fondateurs. Et surtout, qu’est-ce qu’il ne dit pas ? Cette question parait anodine, voire incongrue, mais il est essentiel d’apprendre à faire la différence entre le texte et ce que nous projetons sur lui.
- Qu’est-ce qui est de l’ordre de la particularité historique et de l’ordre de l’actualité éternelle dans ces textes ; autrement dit, quel est le projet de Dieu pour moi en tant que femme du XXIe siècle?
- Qu’est-ce que cela signifie aussi concrètement pour nous, hommes et femmes en alliance dans des couples ou des Églises?
La dernière question qu’il nous faudra poser est celle des conséquences de l’œuvre rédemptrice du Christ dans ce domaine ultra sensible. Différentes positions existent quant aux relations hommes-femmes dans la vie conjugale comme dans les Églises, qui toutes s’appuient sur des textes mis en avant au détriment d’autres. Comment réconcilier des positions souvent opposées et virulentes entre-elles ? Comment vivre en harmonie avec quelqu’un qui choisit une autre lecture que la mienne ?
Inscriptions ouvertes jusqu’au 5 mars. Pour s’inscrire, contacter Sabine Tilliette au 06.25.73.29.09
Bonjour Pasteure Joëlle,
Dieu créa la femme dans Gen 1
Mais dans Gen 2, elle est faite à partir d’une côte
(aucune traduction ne parle de coté !)
Impossible à résoudre ce problème de vocabulaire, qui n’est pas anodin ?
Je relis régulièrement votre livre qui est précieux pour réfléchir, car il ouvre
des pistes intéressantes pour ce débat sur la place de la femme.
Que Dieu vous inspire ,et vous aide à approfondir la question. MERCI
Bonjour Marie Rose.
Effectivement, aucune traduction actuelle ne choisit de traduire le terme hébreu ‘tsela’ par côté. Et pourtant il a les deux sens. Il signifie aussi bien côte que côté. Si les interprétations traditionnelles choisissent de traduire par côte, l’autre traduction est tout à fait possible et ouvre des possibilités nouvelles. C’est celle que je choisis dans le livre comme vous l’indiquez. La traduction n’est pas une science exacte et des sens multiples sont chose courante en hébreu. Pourquoi pas ici ?