Progresser en Église

Les ministères féminins dans la FEEBF

Texte adopté par le Congrès de Joinville-le-Pont en mai 2005

Quelle place pour les femmes dans les Églises de la Fédération des Églises Evangéliques Baptistes de France ?

Cette interrogation – et tout particulièrement la question des ministères de direction et d’enseignement – avait fait l’objet de débats et de réflexions, au sein de notre Fédération, au cours des décennies soixante-dix et quatre-vingt, mais sans déboucher sur une prise de position. Ces dernières années plusieurs unions d’Églises de tendance évangélique ont abordé la question et ont pris position. Ce faisant, elles reflètent les interrogations de nombreux chrétiens et le désir de mener une réflexion sérieuse sur cette importante problématique.

Notre Fédération elle-même, suite à un vœu adopté lors du Congrès de Lognes en 1997 et au travail préparatoire d’un groupe de réflexion, s’est engagée officiellement, depuis le Congrès de Jouy-le-Moutier (mai 2001), dans un temps de réflexion et de débat sur ce sujet.

1. Affirmations communes

 Hommes et femmes, nés à la vie de l’Esprit, confessant Jésus-Christ comme leur Sauveur et Maître ainsi que Dieu comme Père, sont appelés à servir le Seigneur dans le cadre de l’Église et de la société. Ce service, qui prend des formes variées selon les personnes, est fonction de la vocation reçue, des dons accordés et des circonstances de vie.

Le Nouveau Testament enseigne de manière tout à fait claire que les femmes chrétiennes, comme les hommes chrétiens, jouissent de la même grâce (celle de Jésus-Christ) et d’un même statut : celui d’enfant de Dieu (Ga 3.26-28). Elles sont au bénéfice de l’œuvre de l’Esprit (Ac 2.17-18) qui les équipe pour le service de l’Évangile.

Prenant le contre-pied de l’attitude dominante de son temps, Jésus a fait preuve de beaucoup de considération envers les femmes (Mt 26.6-13 ; Lc 7.36-50). Il les a enseignées (Lc 10.38-42 ; Jn 4), a été accompagné par un certain nombre d’entre elles durant son ministère itinérant (Lc 8.2-3), en a compté parmi ses disciples (Mc 15.40-41). C’est à elles que, ressuscité, il s’est révélé en premier et a confié le message de sa résurrection (Mt 28.1-9 ; Lc 24.1-12 ; Jn 20.1-18).

De nombreux textes du Nouveau Testament attestent l’engagement actif de chrétiennes : les quatre filles célibataires de l’évangéliste Philippe qui prophétisaient (Ac 21.9) ; les nombreuses collaboratrices de l’apôtre Paul, qui ont combattu à ses côtés pour l’Évangile et ont exercé des responsabilités au sein de jeunes communautés chrétiennes (Ac 18.2, 18-19, 26 ; Rm 16.1-7 ; Ph 4.2-3) ; on peut également mentionner Dorcas (Ac 9.36) et les ” veuves ” (1 Tm 5.3-10) qui furent très impliquées dans l’entraide et le secours apporté aux plus démunis. Il est intéressant de relever que Paul utilise le terme grec sunergos (collaborateur, compagnon d’œuvre) pour désigner aussi bien des femmes que des hommes, engagés à ses côtés.

Tout au long des siècles qui ont suivi l’époque de l’Église primitive, de nombreuses chrétiennes ont servi la cause de l’Évangile, de multiples façons et de manière fructueuse. Aujourd’hui encore leur implication est importante. Nous nous en réjouissons et rendons grâce au Seigneur pour l’œuvre qu’il a effectuée et continue d’effectuer par elles.

Nous nous accordons sur ces importantes affirmations concernant les femmes chrétiennes et leurs ministères, reconnaissant qu’elles sont conformes à l’enseignement biblique.

2. Interrogations et divergences concernant les ministères de direction et d’enseignemen

Les femmes chrétiennes sont aujourd’hui nombreuses à être impliquées dans le service du Seigneur ; c’est le cas dans notre Fédération. Elles y exercent des ministères, c’est-à-dire des services, variés comme l’enseignement des enfants, les visites, l’évangélisation, l’entraide ou encore l’animation d’un groupe de jeunes. Par contre, on constate que très peu d’entre elles exercent certains autres ministères tels que la présidence d’un Conseil d’Église, celle du culte, la fonction d’ancien ou de pasteur, ou encore l’enseignement de la foi chrétienne aux adultes. Il s’agit en fait des ministères de direction et d’enseignement qui impliquent l’exercice d’une autorité sur l’ensemble de l’Eglise.

Cette constatation nous conduit à nous interroger : une telle situation est-elle juste, conforme à la volonté du Seigneur ? Est-elle souhaitable ou au contraire préjudiciable pour nos communautés ? De telles questions relatives à ces ” ministères féminins ” sont, aujourd’hui, d’une grande actualité. Le contexte social qui est le nôtre, même s’il ne doit pas constituer pour les chrétiens une norme, invite cependant à la réflexion : le décalage existant entre la place des femmes dans notre société (où elles exercent de nombreuses, et souvent importantes, fonctions) et celle qu’elles occupent dans nos communautés est-il juste ? Est-il sain et souhaitable ?

Une telle réflexion n’est pas aisée, pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’étude des textes bibliques qui la concernent comporte d’importantes difficultés d’interprétation bien mises en évidence par les biblistes et théologiens : articulation de l’enseignement de l’Ancien et du Nouveau Testament ; implication théologique de l’attitude de Jésus envers les femmes et du choix de douze apôtres hommes ; harmonisation des différents textes du Nouveau Testament (notamment des différents textes de Paul) ; compréhension de l’attitude et de l’enseignement de Paul dans leur contexte. Les divergences d’interprétation qui existent entre commentateurs et théologiens (tout particulièrement évangéliques), soucieux de l’autorité des Écritures, soulignent la difficulté de la tâche.

La complexité de la question est due également au fait que d’autres disciplines que l’interprétation de la Bible et la théologie doivent être prises en compte, tout spécialement  l’histoire, la sociologie et la psychologie.

Enfin, la difficulté de la question est liée à ce que nous sommes : à notre subjectivité et à notre histoire personnelle. Bien d’autres sources d’influence que la Bible interviennent (souvent sans que nous en soyons conscients) : notre tempérament (de type ” conservateur ” ou ” progressiste “), notre tradition ecclésiale (enseignement reçu et expériences vécues), notre milieu familial et l’éducation que nous avons reçue (rôles respectifs du père et de la mère), et bien sûr le contexte social dans lequel nous vivons.

Tout ceci permet de comprendre que les chrétiens que nous sommes, désireux de faire la volonté du Seigneur et de mettre en pratique l’enseignement de l’Ecriture (qui constitue pour nous l’autorité normative), puissions avoir, sur cette question, des avis divergents, et parfois diamétralement opposés. La plupart du temps, ces divergences se rencontrent au sein de chacune de nos communautés.

On peut estimer qu’il existe parmi nous, sur cette question des ministères féminins, trois grandes positions qui, chacune, font valoir des arguments qui ne manquent pas de poids :

·         la ” position contre “ : sans remettre en cause l’égale dignité dont jouissent les femmes (Gn 1.26s), certains sont convaincus que les femmes ne sont pas appelées (quelles que soient les circonstances) à exercer les ministères d’enseignement et de direction, lesquels sont dévolus aux hommes. Ce point de vue repose essentiellement sur la conviction de la distinction des rôles respectifs de l’homme et de la femme enseignée par la Bible, le principe d’autorité ayant été confié aux hommes par Dieu ; il convient de l’appliquer dans le domaine des ministères.

·         la ” position pour “ : d’autres, au contraire, plaident pour l’accès des femmes à ces ministères au même titre que les hommes. Leur interprétation des textes bibliques les amène à conclure que rien ne s’y oppose. Au bénéfice de la même grâce que les hommes et de la même effusion de l’Esprit, les femmes peuvent être appelées par le Seigneur à exercer les ministères de la Parole et de direction.

·         la ” position pour conditionnelle “ : enfin, d’autres encore optent pour une voie intermédiaire : ils pensent légitime l’exercice de ces ministères par des femmes, mais soit sous certaines conditions (la plus fréquente étant l’exercice de ces ministères sous l’autorité d’un Conseil présidé par un homme), soit à titre extraordinaire (Dieu étant libre de susciter de telles vocations féminines à certains moments de l’histoire).

 

3. Engagements

Nous ne pouvons que constater ces divergences qui existent entre nous, et qui perdurent même après une étude et un dialogue honnêtes et approfondis. Nous pouvons, certes, le regretter, prier et poursuivre nos efforts afin de tendre davantage vers des compréhensions plus proches, mais il nous appartient d’accepter cette situation et de la vivre, au sein de notre Fédération, de la manière la plus constructive possible.

C’est pourquoi, même si ces divergences peuvent être importantes et concernent un point non négligeable de la foi et de la pratique chrétiennes, nous affirmons qu’elles ne sont pas séparatrices et ne sauraient remettre en question notre service commun du Seigneur au sein de la Fédération baptiste. Nous nous engageons donc à veiller à ce qu’elles ne deviennent pas un facteur de division entre nous.

 Ainsi, tout en préservant notre liberté d’exprimer et de mettre en pratique nos convictions respectives, nous nous attacherons à respecter les convictions et pratiques différentes des autres chrétiens et Églises de la Fédération. Ce faisant, nous agirons selon un principe de tout temps cher aux baptistes : celui de la liberté de conscience.

Cela signifie concrètement que :

1. Au niveau local, nous respecterons la décision que prendra chaque Eglise locale dans ce domaine : accepter ou non de confier l’exercice des ministères d’enseignement et de direction (ancien, pasteur…) à des femmes.

2. Au niveau fédératif, concernant le ministère pastoral et parce que ce service ” représente de fait, au-delà de la communauté qui l’a choisi, toutes nos Eglises “[2], nous acceptons les points suivants :

·         la Commission des ministères et le Conseil de la Fédération examineront les candidatures au ministère pastoral selon la procédure et les critères définis par notre texte sur la reconnaissance du ministère pastoral. Ils le feront sans tenir compte du sexe du candidat et pourront ainsi proposer des candidates aux Eglises qui leur auront fait part de leur besoin d’un pasteur.

·         toute femme qui aura été appelée à exercer ce ministère par une Eglise de la Fédération et dont le proposanat aura été validé selon les modalités habituelles sera reconnue, au même titre que les pasteurs hommes, ” pasteur de la Fédération “.

·         les Eglises locales seront bien entendu toujours libres de faire appel ou non à une femme pour exercer en leur sein le ministère pastoral.

 3. Les trois points ci-dessus concernant le niveau fédératif s’appliquent aussi aux Eglises de la M.I.B.

Ainsi, la conviction de chaque Eglise sera respectée et la communion entre les Eglises de la Fédération maintenue. Animés par l’amour fraternel et le souci de l’unité de l’Église de Jésus-Christ, nous manifestons notre résolution, malgré nos divergences, à servir ensemble le Seigneur.


[1] Voir le numéro spécial des Cahiers de l’école pastorale, ” Les ministères féminins “, Hors-série n°3, septembre 2001, 74 p. Il rend compte de cette réflexion.

[2] Le ministère pastoral, texte adopté par le Congrès réuni à Nîmes le 2 juin 2000.

Pour aller plus loin, http://www.eglises-baptistes.fr

 

 

Joëlle Sutter-Razanajohary est pasteure de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France dont elle a été Secrétaire Général de 2020 à 2023. Elle est la fondatrice du blog 'Servir Ensemble'. Elle est également autrice de livres ("Qui nous roulera la pierre?", Empreinte, 2018; "Une invitation à la danse. La métaphore conjugale dans la Bible" Olivetan, Mai 2021) et de nombreux articles.

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