Témoignages

Madeleine Blocher-Saillens, pasteure

Le nom de Madeleine Blocher-Saillens est déjà apparu plusieurs fois sur notre blog, et à raison. Mais nous n’avions jusqu’à présent jamais dédié un article à sa vie ; c’est maintenant chose faite. 

Elle naît à Marseille, le 27 avril 1881. Elle est la petite-fille de deux grands-pères pasteurs, et fille du pasteur Ruben Saillens, figure emblématique du baptisme français. À deux ans, elle déménage à Paris avec sa famille. Petite, dans son école, elle était victime de préjugés, car les baptistes, étant issus principalement des classes populaires, étaient considérés comme des cancres. Son père est très reconnu, même au-delà des frontières françaises. Elle sera d’ailleurs particulièrement marquée par son ministère dans sa manière de vivre le sien.

Dès 16 ans, elle est très engagée dans l’Église où elle prend de nombreuses responsabilités. Elle se destine à la mission en Chine, mais, alors qu’elle s’apprêtait pour cela à partir en Angleterre pour faire une école biblique, la demande en mariage d’un des collaborateurs de son père, Arthur Blocher, change ses plans initiaux. Elle accepte, et 5 enfants naîtront de leur union.

En 1929, son mari, pasteur du Tabernacle, décède subitement. Elle reprend les rênes de l’Église quelques jours seulement après son décès et est nommée officiellement pasteure quelques mois plus tard. Elle devient la première femme pasteure protestante en France. Dès le départ, son pastorat ne rencontre pas beaucoup de résistance, et elle est élue à l’unanimité par son conseil d’Église. Son Église voit la croissance de la communauté comme une confirmation de la volonté de Dieu quant au ministère pastoral de Madeleine.

Sa formation théologique s’est faite en autodidacte. Mais si son entrée dans le pastorat a été abrupte, son appel s’était fait ressentir plusieurs années auparavant. Madeleine Blocher-Saillens écrivit de nombreux ouvrages, dont un livre sur le ministère féminin : Libérées par Christ pour son service, en 1961. Témoin des années noires – Journal d’une femme pasteur – 1939-1945, sortira à titre posthume ; ce sont les recueils de son journal, pensé pour la postérité. Très tôt, elle sut voir avec une grande perspicacité les monstruosités à venir. Son Église, le Tabernacle, vécut tant bien que mal la seconde guerre mondiale jusqu’au lendemain de la libération de Paris, le 26 août 1944, où l’ultime bombe allemande visant la capitale détruisit les bâtiments de la communauté à 85%. Ce ne sera qu’en 1950 que l’Église sera pleinement reconstruite. C’est uniquement à ce moment-là que Madeleine accepte de prendre sa retraite, souhaitant laisser une œuvre complète à son successeur.

Elle resta pasteure 23 ans à l’Église du Tabernacle, et écrivit encore bien après sa retraite, et ce jusqu’à sa mort, en 1971. Si, comme nous l’avons vu, son conseil l’a encouragée dans sa voie, c’est son père, qu’elle admirait beaucoup, alors directeur de l’Institut biblique de Nogent, qui faisait part de doutes quant à son appel en tant que femme. Même s’il n’exprimait son scepticisme qu’en privé, c’était véritablement douloureux pour Madeleine. C’était apparemment la pire déchirure pour elle, bien que d’autres étaient présentes. Elle parle notamment de l’injustice généralisée qu’elle vit en tant que femme, et à quel point elle aurait été largement plus encouragée dans son ministère si elle avait été un homme, et ce même si elle avait été moins douée dans son appel. Madeleine Blocher-Saillens, figure de proue en faveur du ministère féminin, a montré la voie, sans jamais se démonter. Elle a su reprendre le flambeau familial, en apprenant là où elle pouvait avec une sagacité exemplaire, et a su le transmettre à ses enfants et à ses petits-enfants, certains devenus pasteurs. Nous pouvons notamment citer Jacques Blocher, son fils, et Henri Blocher, son petit-fils. 

Madeleine Blocher-Saillens laisse tout un héritage derrière elle. C’est notre pionnière française, qui a frayé le chemin. Pour cela, Madame la Pasteure, merci !

À propos Lula Derœux

Lula Derœux est pasteure dans une église de la FEEBF en région parisienne. Elle est également en train d'étudier pour son master de théologie pratique à la FLTE. Elle est mariée avec Benjamin, lui aussi pasteur.

2 comments on “Madeleine Blocher-Saillens, pasteure

  1. Formidable pasteure Madeleine Blocher-Saillens !
    Si toutes les femmes du globe avaient eu sa liberté de partager l’évangile de la grâce de Dieu en Jésus-Christ, il serait peut-être déjà de retour… (Marc 13,10; Mt. 4,14 etc.).
    Il est logique que sans la participation des femmes on double le temps de préparation de son retour.
    RME

  2. Monika Kern

    J’ai lu son livre « une femme pendant la grande guerre, journal de Madeleine Blocher-Saillens » Editeur Ampelos. On peut l’acheter à la Fnac. cela vaut le coup !

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