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Anne Meynier-Schweitzer, le ministère au service de l’œcuménisme

L’œcuménisme est une vocation pour Anne Meynier-Schweitzer. Une femme pleine de vie, un parcours passionnant, et un Dieu fidèle; voici la rencontre que l’on vous propose aujourd’hui; un beau témoignage.

Qui es-tu ? Quel est ton parcours ? Quel est ton service ?

Je m’appelle Anne Meynier-Schweitzer, j’ai 56 ans. Je vais commencer par le début. Ma famille était catholique très pratiquante. J’avais par exemple deux oncles prêtres. Mon éducation par un père très sévère a sans doute joué un rôle pour me donner une image stricte d’un Dieu un peu père fouettard. Cette vision m’a amenée petite à avoir une certaine foi mais sans véritable relation vivante avec Dieu. Vers 15 ans environ, mes parents ne m’ont plus obligée à pratiquer. En rébellion contre tout ce qui était religieux, j’ai donc laissé Église et Dieu. Nous vivions à l’époque dans le Jura. C’est à peu près à ce moment-là que ma maman a commencé à fréquenter un groupe de prière œcuménique charismatique. J’y allais de temps en temps, par curiosité, interpelée par le coté spontané et vivant et charismatique justement de la prière, mais hors de question de m’y associer personnellement. C’est dans ce groupe que j’ai rencontré un pasteur des Assemblées de Dieu et sa femme qui m’ont invitée à leur groupe de jeunes. Je le fréquentais régulièrement, libre de toutes contraintes ou obligations d’y aller par qui que ce soit, mais leur bonheur qui contrastait avec mes angoisses m’attirait, derrière ma contestation systématique. Pendant un an, ça a été une grosse, grosse bataille intérieure.

Je désirais ce bonheur mais je n’en voulais pas la cause, une vie confiée à Jésus.

Puis, lors d’un grand rassemblement axé sur l’évangélisation réunissant plus de 4000 jeunes de toute la France, j’ai enfin donné ma vie à Dieu.

Une fois ma décision prise, j’ai eu à cœur d’entrer au service du Seigneur. Attention, j’aimerais préciser que, de mon point de vue, tout le monde est appelé à servir le Seigneur « à plein temps ». Il n’y a pas de meilleure ou de plus sainte profession qu’une autre. Un de mes pasteurs bien plus tard à Rennes m’a dit en souriant un jour que son appel était  sans doute la seule manière pour Dieu de l’avoir à l’église tous les dimanches. Malgré tout, dans mon contexte, je pensais que la place d’une femme « à plein temps » était soit de devenir l’épouse d’un pasteur, soit de devenir missionnaire en Afrique et la deuxième option ne me tentait pas. Pour la première, il m’aurait fallu attendre longtemps. J’étais depuis 23 ans dans le ministère quand c’est arrivé (rire).

J’ai donc fréquenté cette Église où j’étais impliquée pour l’évangélisation, la musique. J’y ai beaucoup grandi. Je me sentais entendue et écoutée. Les femmes y avaient leur place y compris dans l’équipe de direction de l’église. La femme de mon pasteur, par ailleurs médecin, a été un vrai mentor pour moi. Durant ces premières années de vie chrétienne, la dimension œcuménique a également pris une grande place pour moi. Nous avions des liens avec des catholiques, des réformés et j’ai assisté à de très grands et beaux rassemblements œcuméniques notamment dans le cadre du Renouveau. La prière de Jésus (Jean 17.20-23) pour ceux qui croiraient dans les générations après les disciples, pour nous donc, pour qu’ils soient un afin que le monde croie, est un passage cher à mon cœur, une clé pour la pertinence de notre témoignage. C’est à nous, avec l’aide de l’Esprit, de répondre à cette prière de Jésus.

Je suis ensuite partie sur Lyon pour les études. J’ai obtenu une maîtrise en LEA (Langues Étrangères Appliquées). J’y ai trouvé une nouvelle Église, bien différente de la première, bien plus grande mais aussi bien plus stricte en ce qui concerne la place des femmes par exemple. Je me suis également de plus en plus impliquée avec le ministère Campus pour Christ d’Agapé. Avant même la fin de mes études, il était clair que les équipiers me voulaient dans l’équipe. Après mon diplôme en poche, j’ai prié, tout en travaillant pendant quelques mois et c’est vite devenu évident que ma place était d’entrer dans ce mouvement. J’y suis à plein temps depuis 33 ans. J’étais d’abord avec les étudiants, à Lyon puis à Rennes.

Puis, un burn out mêlé à une grosse dépression m’ont ramenée à Lyon. J’ai dû lâcher le ministère sur le campus tout en restant à Agapé. Je rends grâce à Dieu pour les psys qui m’ont aidée. Le chemin de guérison intérieure a été long et des fragilités restent comme une écharde dans la chair. Quand j’ai commencé à aller un peu mieux, j’ai été amenée à reprendre des études en théologie. Avec un peu d’appréhension, après quelques années baignant surtout dans des milieux évangéliques « classiques », je me suis tournée vers la faculté de théologie de la Catho de Lyon, à mi-temps. J’ai été poussée par ma thérapeute à persévérer jusqu’à la maîtrise, que j’ai obtenue, avec un cursus un peu plus long que d’autres, mais avec gratitude. En rétrospective, je vois que le Seigneur m’a ramenée à ce premier amour pour l’unité des Églises et cela m’a ouvert des portes pour un nouveau ministère.

J’ai fait partie de l’équipe de rédaction du journal de théologie Unité Chrétienne pendant des années. Une collègue m’a invitée à aider à l’organisation d’un congrès œcuménique charismatique. On m’a ensuite appelée à faire partie de l’équipe de coordination des groupes de prières catholiques charismatiques du diocèse de Lyon. J’y étais la seule évangélique et y suis restée 12 ans. Dans ce cadre j’ai donné des formations à l’évangélisation dans divers lieux en France y compris Lourdes ! L’accueil reçu des catholiques a souvent été magnifique.

Sinon, dans le monde évangélique, j’ai été impliquée avec le mouvement Femmes 2000. Je fais aussi partie d’ELAN une petite association évangélique qui cherche à aider les missionnaires étrangers à s’adapter à la culture française.

Une des expériences les plus fortes malgré tout reste celle de la mise en place du premier Forum Chrétien Francophone qui s’est tenu en octobre 2018 à Lyon. Le but était de réunir des responsables chrétiens de toutes Églises pour apprendre à se connaître, à partager leur expérience de rencontre et cheminement avec Jésus-Christ, dans un cadre sécurisant pour aider à faire tomber nos caricatures sur les uns et les autres. Ils étaient 220 pasteurs, prêtres, évêques, responsables de missions ou autres, hommes et femmes, représentant 22 dénominations venus de la France, de la Suisse, de la Belgique. Le thème était celui de l’appel des disciples en Marc 3 : 13-15 : Jésus a appelé ceux qu’Il a voulu pour les avoir avec Lui d’abord avant de les envoyer. Ce n’est pas notre choix, mais bien celui de Dieu. Une grâce d’émerveillement que ces 4 jours… et on continue de travailler pour la suite.

Pour moi, l’unité pour laquelle Jésus a prié ne veut pas dire uniformité ni être d’accord avec tout. Mais l’unité comme l’amour entre les disciples « différents » du Christ sont les clefs qu’Il nous a données pour le succès de notre témoignage.

Dieu m’a souvent appelée là où et quand je ne l’avais pas prévu ni imaginé.

Je dois dire que j’ai été surprise de vivre un changement de statut il y a 10 ans. Le célibat a été loin d’être toujours facile. Je n’imaginais plus me marier. Mais j’ai fait ce grand saut avec Louis Schweitzer, un homme veuf et pasteur professeur de théologie que j’avais d’ailleurs rencontré pour la 1ère fois des années avant dans une rencontre à la Catho de Paris. Nous y avions été autant surpris l’un que l’autre d’y rencontrer un autre évangélique ! Plus tard, il m’avait invitée à rejoindre un groupe de théologiens évangéliques qui se réunissaient deux fois par an pour parler de leurs engagements interconfessionnels.

Tous deux nous sommes impliqués dans la formation à l’accompagnement spirituel et l’animation de retraites en France et en Suisse.

Comment vis-tu ton ministère et ta mission ?

Je n’ai jamais vraiment souffert du fait d’être une femme dans mon ministère. Le moment le plus difficile a peut-être été dans ma 1ère Église à Lyon, lorsque j’étais étudiante et surtout jeune équipière. Mon pasteur que je respectais beaucoup m’avait partagé sa difficulté avec mon statut de permanente d’une mission de surcroît non affiliée à notre Église. Mais je n’ai pas été déstabilisée plus que ça. J’ai souvent eu l’impression d’être un peu décalée par rapport aux « moules » bien établis. Peut-être aussi que, d’une certaine manière, le fait d’être « missionnaire célibataire » pendant longtemps facilitait les choses. Déjà il y a 30 ans, dans mon Église évangélique traditionnelle en Bretagne, le pasteur m’avait invitée à présider le culte. J’ai prêché dans d’autres Églises par la suite et je continue dans notre Église.

Mes périodes dépressives, mes « nuits de l’âme », m’ont aidée et m’aident encore à grandir même si c’est douloureusement par moments. Dieu choisit des vases d’argiles. Peut-être que mes propres fractures internes m’ont aussi aidée à entendre cet appel à aider à faire des ponts entre les chrétiens.

Quels sont tes rêves ? Que souhaites-tu pour les relations hommes-femmes au sein de l’Église ?

Pour moi, tout le monde a un appel, quel qu’il soit, de la part du Seigneur.

Chacun se doit de mettre au service du Seigneur et des autres les dons qu’il a reçu.

Je ne suis pas pour ce qui ressemblerait à des quotas où il faudrait qu’il y ait un nombre équivalent d’hommes et de femmes pour les services dans l’Église ni pour le fait de faire les choses afin de se plier à des raisons seulement humaines. Dieu ne se trompe jamais dans les capacités qu’Il donne ; les dons que nous recevons viennent de Lui.

Si Dieu a créé à son image, l’être humain mâle et femelle littéralement selon la Genèse, autrement dit homme et femme, c’est donc qu’il faut les deux réunis pour accomplir la mission qu’Il veut. Si l’un ou l’autre manque, l’image est incomplète.

Le défi est de discerner ses dons et son appel propres mais aussi d’être capable de reconnaître les dons et les appels de l’autre pour avancer ensemble. Il ne s’agit pas de savoir si on a le droit de servir ou non mais d’être attentifs au et au comment suivant sa direction. Une aventure à vivre…

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