Textes bibliques

« La femme dans l’Église » d’Alfred Kuen #lupourvous

La place des femmes dans l’Église est une pomme de discorde dans toutes les Églises et depuis toujours. Des historiques aux plus petites communautés évangéliques, le diable se plaît à nous voir nous diviser sur la question.

Le spectre des « largesses » accordées aux femmes va du mutisme le plus total à l’égalité la plus complète. De même, les réactions peuvent aller d’un extrême à l’autre, de Catherine Booth qui déplore le déshonneur fait à Dieu et les pertes occasionnées par l’utilisation de 1 Co 14.34, à John Rice qui évoque les millions de personnes en partance pour l’enfer suite à la prédication des femmes !!

Et pourtant… les 2 parties utilisent les mêmes textes ! Pour arriver à des conclusions diamétralement opposées… Comment est-ce possible ?

Alfred Kuen, comme à son habitude, fait intervenir de nombreux spécialistes de toutes époques et de tous lieux, et s’est entouré de plusieurs conseillers afin de donner un éclairage le plus fidèle possible.

Si les positions sont bien tranchées de part et d’autre, Kuen prévient qu’aucun des deux camps ne sera satisfait. Le livre se veut selon lui une exégèse scrupuleuse et scripturaire.

Parmi les méthodes existantes, c’est celle de Jésus que Kuen va utiliser pour une herméneutique solide. Il va donc tenir compte :

  • Du contexte culturel de l’auteur
  • Des différents contextes dans lesquels les femmes évoluaient
  • De ce que dit ou montre TOUTE la Bible sur le sujet
  • Des versets clairs qui interprètent les textes obscurs

Quid de la place des femmes à travers les époques considérées ?

Avant la chute

La femme est créée comme une aide égale à l’homme, son « ezer », terme qui sera par la suite utilisé pour Dieu lui-même ! L’homme et la femme forment une unité parfaite, complète ENSEMBLE.

Après la chute

La femme vit sous le « compromis de l’ancienne alliance » et a les mêmes privilèges au culte exceptés la prêtrise et l’enseignement. La femme est peu considérée, mais certaines d’entre elles, telles Sara, Myriam, Déborah, Houlda, et d’autres, auront un destin particulier.

Dans le monde gréco-romain

Les femmes sont peu valorisées, et sont en général la propriété de leur mari. En matière religieuse, femmes et hommes ont des cultes différents et séparés. Le culte de Dionysos, peut par exemple expliquer en partie certaines paroles de Paul sur le silence et le désordre.

Dans les Évangiles

Le contexte dans lequel les femmes évoluent est particulièrement restrictif pour elles. Considérées comme citoyenne de 2nde zone, n’ayant aucun droit, Jésus va les réhabiliter, les relever et les replacer à une place équivalente à celle des hommes. En allant vers elles, par son attitude, par ses paroles à leur égard. Chaque évangile le montre de manière différente, pour en donner une vision aussi exhaustive que possible.

Dans l’Église primitive

L’Église primitive incarne ce que Jésus a enseigné et montré. Les Actes, les épîtres de Paul (notamment Romains 16), montrent que les femmes avaient un rôle égal à celui des hommes. Phoebé, Prisca, Junia et d’autres citées par Paul avaient un rôle important.

Alors que s’est-il passé ??

Dans les chapitres 6 à 11, Kuen analyse les textes difficiles et, tout en donnant la parole aux 2 parties, tente de trouver une position biblique et sérieuse.

Ni hommes ni femmes…

Ce verset semble être une réponse à la configuration de la société empreinte de philosophie grecque et juive. Ce verset est souvent compris dans une perspective sotériologique, c’est pourquoi c’est avec minutie qu’il est étudié, pour démontrer, paire par paire (juifs/grecs, libres/esclaves, hommes/femmes), que la perspective est également sociale et ecclésiale. L’équilibre a été retrouvé au 1er siècle pour les premiers, au… 19ème siècle pour les seconds, mais toujours pas pour les femmes.

Analysons 1 Corinthiens 11

Commençant par ce qui concerne la prière et la prophétie, le doute n’est pas permis. Les Actes et Paul montrent que les femmes prient et prophétisent conformément à Joël 3.1-5. Toutes les prières leur sont ouvertes. L’analyse de 1 Co 11 démontre que ce chapitre concernait bien l’Église et non une réunion de maison.

Dans le Nouveau Testament, la prophétie est très répandue, et est un élément essentiel à l’Église, servant à encourager, fortifier, exhorter les chrétiens en vue de leur croissance. La prophétie se fait néanmoins sous le contrôle de l’Église. Accompagnée de l’enseignement, elle fait partie du ministère de la Parole. Elle peut également être une prédiction ou une exhortation personnelle.

Puis vient la sempiternelle question du voile ! En n’oubliant pas que Paul parle également de la tenue des hommes. Texte très difficile et que personne n’a encore résolu.

En résumé 1 Co 11.2-16 enseigne que:

  • La femme doit accepter son identité de femme
  • Toutes les équivoques doivent être évitées (y compris pour ces messieurs)
  • Le respect des normes culturelles de la pudeur est de mise
  • Tout scandale doit être évité et un bon témoignage doit être donné
  • La femme doit être solidaire de son mari

L’autorité qu’elle a (et non celle dont elle dépend !) ainsi que la question des anges sont également analysées. Et donc, pour aujourd’hui :

  • La femme doit le porter si c’est une conviction PERSONNELLE ou si c’est la coutume là où elle se trouve, pour ne pas être un frein à l’Évangile.
  • De même la tenue vestimentaire évoluant avec les cultures et les époques, il n’est pas question de légiférer sur les vêtements à porter ou pas. Jésus et Paul portaient-ils des pantalons ?

Mesdames, taisez-vous donc !

Kuen analyse minutieusement les différentes positions et leurs arguments, et il en ressort que :

  • Ce verset n’est pas facile, mais au vu du chapitre 11, vouloir faire taire les femmes c’est placer la volonté des hommes et leurs traditions au-dessus de la Parole.
  • Tenter d’harmoniser les positions est une preuve de tolérance
  • Paul agissait avec la volonté de toucher tout le monde, attaché au respect des usages en vigueur socialement.
  • Un consensus entre Églises évangéliques serait de bon ton, pour qu’enfin la femme retrouve la place qui est la sienne.
  • Ce passage semble concerner l’évaluation des prophéties, quasiment plus effectuée de nos jours, car cela donnerait une autorité à la femme sur l’homme.

Une conclusion bien surprenante…

Curieusement, après une logique implacable, Kuen revient sur la question de l’autorité et introduit là la notion de subordination des femmes aux hommes. Il reconnaît que:

  • le mot utilisé pour « autorité » dans 1 Timothée 2.12 est un mot à connotation négative
  • il faut prendre le contexte d’Éphèse et du culte d’Artémis en compte
  • que la gouvernance de l’Église primitive est partagée et collégiale
  • que l’autorité d’un.e enseignant.e vient de la Bible
  • que la relation de l’homme et de la femme est comparée à celle des personnes de la trinité et est donc 3 en 1.

Pourtant Kuen omet d’en tirer la conclusion qui s’impose. Il cherche à se distancer des lectures féministes. Il souligne que puisque la différenciation des sexes est clairement prouvée, il en résulte que la notion de subordination est créationnelle, et non culturelle.

Kuen conçoit que l’autorité vient tout d’abord de Jésus, puis de la Parole de Dieu, puis de l’Église dans son ensemble, hommes et femmes, puis des responsables de l’Église, hommes et femmes. Enfin, des différents ministères… Pourtant Kuen ne prévoit pas qu’une femme puisse être ancien, ni docteur de l’Église puisque aucune femme ancien n’apparaît dans le Nouveau Testament et que ces deux fonctions se heurtent à l’exercice de l’autorité.

Mon avis

Ce livre est très bien fait, les arguments des uns et des autres analysés, mais je ne peux m’empêcher de regretter le final, ces 2 interdits liés à sa compréhension de « l’ordre créationnel. »

Dieu veut un fonctionnement collégial, englobant hommes et femmes, et il n’y a aucune raison biblique pour que 2 fonctions en fassent exception. Des femmes anciens ou docteurs parmi d’autres anciens et docteurs, voilà la solution. Et cela vaut également pour les hommes ! Dieu a donné la responsabilité à Adam ET à Eve, sans préciser le champ d’action de chacun. Nous devons tenir compte de la Création, de l’attitude de Jésus envers les femmes, et méditer avec profondeur sur la relation existant au sein de la trinité. Ce sont là les 3 clés essentielles !

Dominique Montefia est responsable d'une librairie chrétienne sur Nice et travaille également dans une autre, les 2 représentant les différentes dénominations sur Nice et Cannes. Egalement engagé dans la relation d'aide, via son association GRACE, il est impliqué dans des séminaires de réconciliation et de guérison en Afrique, sur les lieux de génocides, viols et autres conflits meurtriers, ainsi que dans l'aide aux femmes victimes de traite des êtres humains. La place des femmes a pour lui une importance capitale, conscient que l'armée de Dieu est amputée depuis toujours de la moitié de ses combattants.

4 comments on “« La femme dans l’Église » d’Alfred Kuen #lupourvous

  1. Letare Ruth

    Quelle tristesse la conclusion de son livre… en 2020, justifier la subordination, et en plus bibliquement…à l’heure où tant de femmes dans notre société ont des postes d’influence, dans nos Eglises on continue à avoir cette limitation de pensée…

    • Olivia

      Merci pour le résumé et l’analyse de ce livre. Ah oui, dommage pour la fin, je suis convaincue que Jésus n’aurait pas dit cela. Aujourd’hui encore il reste cohérent et si respectueux de la femme et de l’homme pour les encourager à prendre leur place ensemble avec chacun ses dons et ses appels.

  2. Claire Poujol

    Il suffit d’une dose infinitésimale de poison dans une boisson pour tuer la personne qui boit…

  3. William BOUHO

    Merci Frère Dominique, ton résumé m’est d’une grande utilité

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