Textes bibliques

« Junia, une femme apôtre ressuscitée par l’exégèse de Epp » #lupourvous

Y a-t-il une femme apôtre dans le Nouveau Testament ?

La question de Junia, mentionnée dans l’épître aux Romains 16 : 7 a déjà fait couler beaucoup d’encre et pose deux questions fondamentales :

  • Junia était-elle une femme ?
  • Junia était-elle apôtre ?

Dans toute réflexion sur la place des femmes dans l’Église la question est décisive :

Si Junia est femme et apôtre, plus rien ne s’oppose à la consécration des femmes en tant que pasteures, malgré les textes torturés d’1 Co 11, 14 et 1 Tm 2 : 12.

Variété dans les traductions

Junia, une apôtre ? Le clivage se retrouve jusque dans les traductions :

  • Pas apôtre. La version Segond21 et la NBS l’identifient comme « très estimée parmi les apôtres »
  • Apôtre. La plupart des traductions l’identifient comme telle.
    • Semeur : une « apôtre remarquable »
    • Traduction Œcuménique Biblique: « une apôtre éminente »
    • La Bible de Jérusalem traduit : « une apôtre marquante »
    • La Nouvelle Bible en Français Courant: « une apôtre remarquable »

Pour Eldon Jay Epp, un monument de la critique textuelle de l’Ancien Testament, la question ne fait pas l’ombre d’un doute : Junia était une femme et elle était apôtre. Il le démontre avec brio.

Quand Junia devient Junias

Au fil de l’histoire de l’Église, les auteurs, sûrement dérangés par cette femme, ont masculinisé son nom en Junias (ou Junianus). Cependant, tous les manuscrits d’origine sont unanimes, Junia était une femme. Ce point n’est plus remis en question par la quasi-totalité des exégètes. Seulement, était-elle apôtre ?

Eldon Jay Epp, entend bien mener l’enquête en explorant les différentes facettes de la question. Il guide les lecteurs pas après pas à travers les différents éléments de l’enquête pour en arriver à l’inéluctable : Junia était une femme apôtre. Il retrace ainsi, pas à pas :

« l’authentique imposture commise sur un texte antique au nom de calculs idéologiques plus ou moins conscients. »

Degré de difficulté du livre : experts

Table des matières

  1. La critique textuelle contemporaine
  2. La critique textuelle et l’exégèse

La critique textuelle traite des variations parmi les plus anciens manuscrits de l’épitre aux Romains accessibles, mais aussi des citations situées en-dehors, dans les écrits d’autres auteurs, dans une diversité de langues. Un vrai travail de détective ! Une fois les données rassemblées, il convient de les analyser et de tenter des explications dans le contexte socio-culturel et intellectuel : tout à la fois un art et une science.

  • Variantes dans des passages où il est question de genre

Dans le passage controversé d’1 Corinthiens 14.34-35, ces versets sont-ils de l’apôtre Paul ? Pour Epp, il s’agit là assurément d’une interpolation, c’est-à-dire un rajout ultérieur. Dans ce discours sur la prophétie, ces versets rompent le flux de l’argumentaire. De plus, ils contredisent 1 Co 11.2 en utilisant des termes habituellement pas utilisés par Paul. Epp couvre ici les enjeux liés à 1 Co 14.34-35 en commentant les positions de différents auteurs sur la base des divers manuscrits.

  • Junia/Junias en Romains 16 : 7

Si Paul n’a pas écrit les versets d’1 Co 14 : 34-35, se pourrait-il qu’il n’avait pas d’objection à une femme apôtre ? En Romains 16, Paul salue 17 hommes et 8 femmes. Parmi les plus investis : 7 femmes, mais seulement 5 hommes. Parmi eux (v. 7), deux personnages : Andronicus (un homme) et Junia (une femme).

Dans la suite du livre, Epp, traite de questions techniquement complexes, difficiles à appréhender pour le/la non-initié.e

  • Forme lexicale et questions d’introduction
  • Junia depuis les premiers auteurs chrétiens

Les auteurs de la première Église, Chrysostome, Théodoret, Damascène, étaient unanimes sur « Junia » (ou Julia) en Rm 16.7. Epp traite ici largement toutes les données en présence par les chapitres suivants:

  • La théorie du nom abrégé
  • Junia / Junias dans les éditions usuelles du Nouveau Testament en grec
  • Junia / Junias dans les anciennes éditions de Nestlé, Nestle-Aland et UBS
  • L’accentuation du grec « iounian » dans les ouvrages de référence et le biais culturel afférent
  • Junia / Junias dans les Nouveaux Testaments grecs et leur influence sur l’exégèse
  • Junia / Junias dans les traductions anglaises
  • Andronicus et Junia « éminents parmi les apôtres »

Conclusion

Les connaisseurs et connaisseuses de la critique textuelle trouveront leur bonheur dans ce développement technique.

Premièrement, il est évident que Junia est bien une femme. Pour Epp, l’affirmation de Chrysostome est déterminante. Chrysostome, un père de l’Église tenait déjà « iounian » (Junia) pour un prénom féminin. Femme oui, mais apôtre ? Là aussi Chrysostome est formel : Junia était un apôtre éminent (aux côtés d’Andronicus).

La conclusion du livre est limpide: il y avait un apôtre éminent, une femme, appelée Junia.

« Il y eut une femme apôtre, désignée comme telle de façon explicite, dans la première génération chrétienne et […] les chrétiens d’aujourd’hui – tant laïques que cléricaux – doivent l’accepter (ce qu’ils finiront par faire). »


Eldon Jay Epp, «Junia: une femme apôtre ressuscitée par l’exégèse», Genève, Labor et Fides, 2014, 168 p.


Pour aller plus loin: ne manquez pas l’article brillant de clarté de Dr. Valérie Duval-Poujol sur l’apôtre Junia et ses amies.

10 comments on “« Junia, une femme apôtre ressuscitée par l’exégèse de Epp » #lupourvous

  1. Bonjour,
    Merci pour votre article,
    Se basez sur UN verset de la Bible comme fondement (permission, etc) implique de se baser sur toute la Bible. Si un verset est vrai, juste, bon, une base à reprendre, alors les autres le sont aussi.

    Au chapitre 16 de sa lettre aux Romains, Paul soulignera le travail effectué par plusieurs. Il remerciera premièrement ceux qui lui ont sauvé la vie et sauvé la vie d’autres. Plusieurs sont des couples ou des femmes:

    – Phœbé, une soeur au service de l’église de Corinthe (Cenchrées) qui a exercé l’hospitalité, protégé, recueilli des chrétiens
    – Priscille et Aquilas, un couple de collaborateurs de Paul qui ont risqué leur vie pour lui
    – Marie, une femme qui a beaucoup travaillé pour Paul et ses collaborateurs
    – Urbain, un compagnon de travail en Christ
    – Tryphène et Thryphose, deux femmes qui travaillent en notre Seigneur.
    – Perside, la bien-aimée, qui a beaucoup travaillé en notre Seigneur.
    – Andronique et Junia, un couple qui a été prisonnier avec Paul

    Servir et exercer un ministère sont un seul et même mot en grec tout comme serviteur, diacre et ministre. Ce sont des synonymes absolus, ils sont tous la traduction d’un unique mot: « diaconos ».

    S’il salue le courage et le travail de plusieurs, pour certains, Paul utilise le terme de bien-aimé. Il parlera d’Apelles comme d’un « approuvé en Christ » et saluera encore de nombreuses autres personnes par leur nom dans ce même chapitre 16.

    Aussi, en prenant l’exemple de Junia, que faisait réellement les ministres, les serviteurs ?

    Qu’ont instauré les apôtres réellement?

    Car en partant de quelques versets, on l’a vu pour le silence des femmes de 1 Corinthiens 14…

    Il y a encore par exemple Nympha qui avait une église dans sa maison et qui est aussi soudain devenue un homme dans la KJ et d’autres Bibles anglaises et d’autres locuteurs.

    – Colossiens 4:15 Nymphas, et l’Église qui est dans sa maison
    – Colossiens 4:15 Nymphas, and the church which is in his house (traduction angalaise KJV) (dans à lui maison) (dans la maison de lui, dans la maison de Nymphas en tant qu’homme)
    – Colossiens 4:15 Nympha and the church in her house (traduction angalaise NIV) (dans à elle maison) (Dans la maison d’elle, dans la maison de Nymphas en tant que femme)

    Et Phoebé qui était une protectrice

    Romains 16:1 Je vous recommande Phœbé, notre sœur, ministre-servante-diaconesse (ce sont des synonymes absolus) de l’Église de Cenchrées (Un des deux portes d’une des plus grande ville de monde : Corinthe). Accueillez-la dans le Seigneur d’une manière digne des saints, aidez-la en toute affaire où elle aurait besoin de vous. Car elle a été une protectrice (***) pour bien des gens et pour moi-même.

    Protectrice (prostatis), en grec prostatis, signifiait dans la vie de tous les jours à ces époques : personne qui représente les étrangers privés de garanties juridiques. Dans les villes-cités-états, il fallait être citoyen pour pouvoir participer à la vie de la cité, et premièrement faire du commerce. Généralement, les étrangers à la ville, même s’ils habitaient à quelques kilomètre se faisaient représenter par un citoyen pour faire des affaires dans la ville en question. La prostatis, au masculin le prostatês, s’occupait d’un ou plusieurs individus ne jouissant pas du droit de cité, qu’il représentait dans les affaires publiques ou privées. Ils travaillaient souvent pour les marchands en provenance d’une ville voisine ou plus lointaine. Il est possible que Phoebée ait accueilli et représenté des chrétiens (persécutés?) étrangers à Corinthe. Plusieurs traductions de la Bible utilisent le terme de protectrice pour traduire prostatis. D’autres parlent d’hospitalité:

    Retourner à la Bible, oui, oui, amen. Mais alors à toute la Bible. Par pour y trouver le passage qui nous arrange. Mais pour se laisser enseigner d’elle. C’est à dire pour toutes choses.

    Si nous y revenons pour Junia, nous y revenons aussi pour Phoebe. Mais encore pour les compagnons de service (de travail) (les sun doulos et les sun ergos) et pour les prostatês – Prostatis (verbe prostemi) et l’ensemble de tous les ministères-services-diaconats. (Il n’y a en fait aucun autre prostatès dans le NT. Mais le verbe est utilisé plusieurs fois).

    Soyez bénie et encouragée dans vos recherches. Que Dieu vous conduise dans cette tâche souvent ardue mais riche en bonnes surprises, en bénédictions, je dirais même ! 😉

    • Fabrice

      Ils examinaient chaque jour les écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était vrai

  2. Dodji Éliane Florence MENONMAKOUDJI

    Merci infiniment pour ce partage. C’est là un voile levé sur une question épineuse. Ça conforte mon opinion parce que pour moi si LE SAINT ESPRIT est le don de DIEU pour ses enfants, femme et homme devraient pouvoir être éligibles à l’exercice du ministère au même titre. Toutefois le chef de la famille c’est l’homme.

    • Marie-Noëlle Yoder

      Ravie que cet article ait pu vous éclairer!

  3. Ping : Les douze apôtres : preuve d’un leadership exclusivement masculin dans l’Église ? – Servir Ensemble

  4. patient

    Merci Béréenne attitude, votre commentaire par rapport à cette épineuse question de tout le temps est considérable, j’encouragerai tout le monde et même les non initiés à plus aborder des questions dans leur globalité plutôt que dans leur singularité, je suis d’avis que LE SAINT ESPRIT nous éclairera davantage sur l’apostolat des femmes, a toutes et tous soyons bénis abondamment.

  5. Révérend Prophète Jérémie mukonkole baraka visionnaire des églises évangélique la restauration totale au Congo

    Vraiment gloire à Dieu pour ce poste qui enlève l’ignorance. Donc femme peut prêcher à l’église.

  6. Ping : Les douze apôtres : preuve d’un leadership exclusivement masculin dans l’Église ? – Servir Ensemble

  7. Ollo Da

    J’ai été enrichi avec cette question épineuse apostolat de femme merci beaucoup

  8. Ping : « Des femmes pasteures ? Ministère pastoral féminin et ordre créationnel » de Jacques Buchhold #lupourvous – Servir Ensemble

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