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« Laissez-moi être une femme! »

Confession Inversée, une prière que nous avons publiée en décembre, nous lancait un « défi intérieur ». Prenons-la comme un guide vers une destination : une prise de conscience salutaire, une acceptation de notre propre responsabilité envers nous-même.

En réfléchissant à cette prière, je me suis souvenue de paroles prononcées par des adolescentes de mon entourage : l’une a dit « c’est nul d’être une fille », ou « les filles n’ont le droit de rien faire dans l’église » , ou celle qui a dit à son chiot « toi tu n’es qu’une fille. »

Une théologie négative ou « restrictive » de la femme peut provoquer une blessure à l’estime de soi, ou aggraver des blessures d’enfance.

Je me souviens de m’être enfermée dans ma chambre à l’âge de seize ans – quelques mois après ma conversion – pour pleurer, après avoir découvert que je ne valais que peu de chose par rapport à un homme. Douleur immense. J’ai eu l’impression d’avoir été « trompée » par ceux qui m’avaient témoigné de l’amour de Dieu. Une responsable de jeunesse m’a conseillé « d’accepter par la foi » que les choses soient ainsi… elle m’a donné l’exemple de sa sœur, une femme super intelligente qui faisait très attention à ne jamais le montrer en public, pour ne pas gêner son mari… un logique qui m’échappait. Mais par amour pour Christ, je me suis soumise à ces enseignements et conseils. Dans les années qui ont suivi, on m’a prêté des livres pour « faire passer la pilule » (par exemple, « Reine, prends ton trône ») mais je ne les trouvais pas convaincants ; j’y discernais de la « flatterie » et non une véritable exposition de l’Évangile.

Un certain livre qu’on m’avait recommandé s’attaquait de façon agressive à la question ; je l’ai tout de suite trouvé excessif, tout en étant sensible à certains de ses arguments. Ce livre a conditionné la façon de penser de nombreuses chrétiennes aux États-Unis, au risque de les empêcher de devenir responsables de leur propre destin.

Pour son auteur, il y avait une seule voie pour connaître la liberté et le bonheur.

En 1976, Elisabeth Elliot a écrit « Let me be a woman » (Laissez-moi être une femme) et elle est devenue une héroine pour ceux et celles qui pensaient que la place d’une femme était « à la maison », en tant qu’épouse et mère, soumise à l’autorité masculine. Cela allant de pair avec une limitation de ses possibilités de service dans l’église.

Elle écrivait avec une certaine poésie :

« Comme un oiseau accepte facilement la nécessité de porter des ailes lorsqu’il découvre que ce sont, en fait, ces mêmes ailes qui portent l’oiseau  en haut, loin de ce monde, jusque dans le ciel, jusque dans la liberté  ainsi la femme qui accepte les limitations de la féminité découvre dans ces mêmes limitations ses dons, son appel particulier, des ailes qui, en fait, la portent jusque dans la liberté parfaite, jusque dans la volonté de Dieu » (Toutes les traductions sont personnelles)

Elliot réagissait contre le féminisme séculier qui célébrait la “libération sexuelle” des années 60, rendue possible par la pilule contraceptive.

Ainsi, les femmes étaient encouragées à échapper aux « contraintes » de leurs corps et au contrôle d’une société patriarcale. Sa réaction est à replacer dans ce contexte culturel de permissivité, de banalisation du sexe qui avait pour corollaire l’essor de l’union libre et du divorce, un rejet de valeurs bibliques concernant le mariage (Gn 2 : 24).

Elliot refusait de voir dénigrés les rôles d’épouse et de mère, car il s’agissait là de son identité même. Elle a donc écrit ce livre pour sa fille Valerie et lui a offert le jour de son mariage, l’encourageant à s’abandonner entièrement à la volonté de Dieu, ce qui signifie pour elle, la soumission complète au mari. Elle écrit donc pour encourager les jeunes femmes à résister aux sollicitations de ces féministes trompées qui abdiquent leur vraie identité :

« Chaque femme normale est équipée pour être mère. Certes, chaque femme dans le monde n’est pas destinée à se servir de l’équipement physique mais n’est-ce pas une évidence que la maternité, dans un sens plus profond, est l’essence même de la feminité ? »

Pour elle, être femme, c’est être mère. Être mère, c’est être femme.

Et à propos des femmes qui travaillent :

« Tout en se félicitant d’avoir parcouru du chemin … elles reculent vers une humanité partielle, se refusant à reconnaître la vaste signification de la différenciation sexuelle … en refusant de remplir la vocation toute entière de la féminité elles se contentent d’une caricature, d’une pseudo-identité humaine. »

Son cri du cœur défensif, « Laissez-moi être une femme » signifie: On ne peut être véritablement femme si on n’adhère pas à ma version de la féminité, jugée biblique, et menacée.

Née au États-Unis en 1926, elle ne semble pas réaliser qu’elle défend elle-aussi une version culturelle de féminité des années 50. Elle va jusqu’à étayer son argumentation avec un « fait scientifique » : le cerveau féminin étant plus petit que celui de l’homme, la femme est moins intelligente… et donc devrait se laisser diriger, sans trop se poser des questions, car de cette manière Dieu a prévu son bien-être et son épanouissement ! On l’a vu dans sa métaphore de l’oiseau qui vole…

Donc, pour résumer, la définition de la féminité donnée par Elliot réside dans ses limitations même. Dans ce qu’elle ne doit pas faire. C’est une définition négative.

Elle ne doit faire que ce qui correspond à ce qu’elle est : une mère ! Une femme ne doit donc pas aspirer à autre chose, et dévier de cette vision entraîne une déformation de sa véritable nature.

Je suis d’accord :

Je ne suis pas d’accord :

Laissez-nous être des femmes et heureuses de l’être !

Comme Elliot, valorisons les femmes. La féminité n’est pas à rejeter ou à dénigrer. Cependant, évitons de l’exprimer en clichés qui emprisonnent et empêchent de s’envoler vers la vraie liberté en Dieu. On devrait lui laisser sa place et apprendre d’elle. Est-ce pour rien que dans les Proverbes, la Sagesse est caractérisée comme une femme : Dis à la sagesse : Tu es ma soeur ! Et appelle l’intelligence ton amie (Prov 7 v.4). Dieu n’avait-il pas crée la femme pour être l’ezer (Gen 2 v.18 ; hébreu : secours) correspondant à Adam ?

Comme Elliot, nous pouvons avoir un grand respect pour la maternité et l’accompagner positivement, avec créativité, mais sans jamais perdre de vue la personne derrière le « rôle ».

Mais n’adoptons pas une vision réductrice de la femme comme celle d’Elliot.

Ainsi nous pourrons confesser :

Je suis heureuse d’être une femme ! C’est plein de défis, mais j’aime les défis ! C’est aussi plein de joies ! Avant tout, je suis juste heureuse d’être moi-même et d’être aimée par mon Père céleste telle que je suis, et par Jésus-Christ, mon défenseur. Je peux tout par celui qui me fortifie (Phil 4 : 13)

C’est le nouveau discours qui devrait prendre place dans nos têtes.

L’erreur d’Elliot, en voulant défendre son identité et ses valeurs, c’est d’avoir fait l’amalgame entre les féministes séculiers et les femmes chrétiennes appartenant à d’autres familles d’Églises que la sienne qui depuis des décennies – et même, depuis le dix-neuvième siècle – exerçaient déjà des fonctions d’enseignantes, d’évangéliste, d’implanteurs d’Église, de pasteures. On les appelait parfois « des féministes bibliques », ce qui pouvait porter à confusion, mais indiquait leur adhérence à l’autorité des Écritures.

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