Textes bibliques

La Bible, « Nouvelle Français courant », moins sexiste ?

En Septembre dernier est sortie la révision d’une traduction de la Bible connue et appréciée de beaucoup dans toute la francophonie, la Français courant. Cette version de la Bible existe depuis 1971 pour le Nouveau Testament et 1982 pour la Bible entière ; c’est aussi cette version qui est utilisée dans le grand succès jeunesse ZeBible ainsi que dans les éditions interlinéaires grec et hébreu. La Bible en français courant fut la première traduction à mettre en œuvre la méthode de traduction à équivalence dynamique pour la langue française.

Deux types de traductions:

Pour rappel, le lecteur des Écritures fait face à deux types de traductions:

Les traductions littérales ou formelles : ce sont la plupart des versions françaises (Darby, Colombe, Jérusalem, Segond, Synodale et TOB). Il s’agit d’une équivalence formelle, le texte français est calqué sur la langue source, le grec ou l’hébreu. Le but est de reprendre si possible la même traduction pour le même terme grec ou hébreu à chaque occurrence. Le risque est de ne pas être compris dans la langue réceptrice.

Les traductions à équivalence dynamique : l’objectif est de rendre le sens du texte original dans la langue réceptrice : Bible du Semeur, Français courant, Parole de Vie (avec un vocabulaire limité). Il s’agit de communiquer l’information que l’auteur original communiquait mais en utilisant les structures de langage de la langue d’arrivée.

Ainsi, le passage de Jérémie 17 : 10 est lu « Moi, le Seigneur, j’éprouve le cœur, je sonde les reins » dans une traduction littérale, alors qu’une traduction dynamique explicitera le sens du « rein » dans la terminologie biblique et traduit : « je perce le secret des consciences ».

La révision de la Bible en français courant, ou « Nouvelle Français courant » (NFC) est un projet qui a été mené sur trois ans, regroupant une soixantaine de collaborateurs de toutes les dénominations (avec une participation accrue de spécialistes évangéliques) et pays francophones. Notons en particulier la présence d’un certain nombre de femmes dans cette équipe de réviseurs, bien plus que dans la plupart des projets de traduction ou de révision biblique :

  • Corina Combet-Galland
  • Marie-France Dion
  • Chantal Martrenchar
  • Valérie Nicolet
  • Sophie Ramond
  • Catherine Vialle
  • Laurence Vianès
  • Francoise Vinel
  • Marlies Voorwinden

ainsi que 3 femmes dans le comité de pilotage :

  • Roselyne Dupont-Roc
  • Katie Bady
  • et moi-même comme chef de projet (Thierry Legrand étant le 4° « mousquetaire » de l’équipe).

1. La NFC en 3 mots

Intégrale : il s’agit de toute la Bible, avec une édition contenant les deutérocanoniques/apocryphes (bénéficiant de l’imprimatur) et une sans, pour les protestants

Authentique : elle restitue le sens du texte biblique avec fiabilité, tout a été révisé à partir du grec et de l’hébreu

Accessible : le langage est clair, accessible, une langue actuelle

2. Deux caractéristiques fondamentales de la BFC ont été gardées

Aspect interconfessionnel : les choix des traductions mais aussi les notes et les introductions à chaque livre doivent être recevables tant par des catholiques, que des orthodoxes ou des protestants dans toute leur diversité.

Aspect international : le vocabulaire choisi doit être compris dans toute la francophonie, sans connotation ou ambiguïté dans telle ou telle culture.

Quelles sont les principales caractéristiques de cette révision ?

  1. L’adaptation du vocabulaire : la langue française évolue, certains termes ne sont plus compris de la même manière, voire sont tombés en désuétude. Il ne faut pas que le mot choisi en français oriente le lecteur moderne vers un sens que le mot hébreu ou grec n’avait pas du tout.
  2. Tenir compte des dernières découvertes exégétiques
  3. Favoriser une lecture orale
  4. Favoriser une traduction moins sexiste 

Moins sexiste ?

Pour les lecteurs/lectrices du blog « Servir Ensemble », je  m’arrêterai plus particulièrement sur cet aspect. Pour certaines expressions désignant en grec ou en hébreu à la fois les hommes et les femmes, la plupart des traductions françaises traduisent « homme », qui se veut générique. Avec l’évolution de la langue, nous avons tenté de trouver des expressions plus fidèles au grec ou à l’hébreu afin que la traduction soit moins sexiste. Le terme technique est d’avoir une traduction plus « épicène ». Il faut dire que dans ce domaine, les traductions en langue française sont bien en retard par rapport aux anglais ou allemand qui ont la chance d’avoir des possibilités plus inclusives. Il ne s’agit pas d’une traduction « féministe » mais d’une traduction qui rende justice au grec et à l’hébreu, afin que lorsque les textes originaux incluent les femmes, la version française l’inclut aussi.

Deux exemples

2 Timothée 2 : 2

« Et l’enseignement que tu as reçu de moi en présence de nombreux témoins, transmets-le à des hommes dignes de confiance qui seront capables à leur tour d’en instruire d’autres. » (Darby, Semeur, TOB, Bible de Jérusalem)

En grec, nous trouvons une expression avec le mot anthropos, désignant à la fois des hommes et des femmes.

NFC : « des personnes dignes de confiance »

Proverbes 11 : 9 

« L’homme de mauvaise foi détruit les autres par ses paroles, mais les justes sont préservés par leur expérience. »

Malheureusement il y a aussi des femmes de mauvaise foi…

NFC : « La personne de mauvaise foi… »

Actes 9 : 36

« Il y avait à Jaffa une femme croyante appelée Tabitha ».

Or le grec emploie le féminin du mot grec pour « disciple ».

NFC: « une disciple appelée Tabitha »

De nouvelles ouvertures et une fidélité renouvelée au texte

Les frères désignent les membres de la communauté

Cette réflexion sur le langage « épicène » incite également à repenser la traduction du mot grec adelphoi dans les épîtres, quand Paul salue les membres des Églises auxquelles il écrit. Ce terme est pour l’heure traduit « frères » dans l’immense majorité des versions françaises (sauf Semeur et Segond 21), alors qu’il s’adresse le plus souvent à tous les membres de la communauté, pas qu’aux hommes. Ainsi en Philipiens 4 : 1 on lit « frères » puis aux versets suivants il s’adresse à deux femmes. De même en 1 Corinthiens 7 : 15 et Jacques 2 : 15.

Paul, un langage inclusif

Ce qui est intéressant, c’est que Paul lui-même, souvent accusé, à tort, d’être misogyne, se permet d’adopter un langage plus inclusif dans une de ses traductions/citations des Écritures. Le texte qu’il cite n’évoque que « le fils » (2 S 7 : 14) : « Je serai un père pour lui et il sera un fils pour moi. S’il agit mal, je le punirai comme un père punit son fils. » Or Paul en 2 Co 6 : 18 propose : « Je serai un père pour vous et vous serez des fils et des filles pour moi, dit le Seigneur tout-puissant.» Paul semble avoir opéré sa propre traduction avec une optique délibérément inclusive. Cet effort d’intégration des filles, des femmes doit être poursuivi dans nos traductions. Non par un simple effet de mode mais pour être fidèle au texte grec.

Les titres des péricopes

Nous avons également veillé aux titres donnés aux péricopes. Ces titres ne proviennent pas des manuscrits les plus anciens, ils sont le fruit d’une décision éditoriale. Tout en prétendant être factuel, refléter le contenu du chapitre, ils sont en fait eux aussi souvent le véhicule de présupposés, faisant souvent disparaître le nom des femmes dont il est question dans le récit.

Ainsi en Exode 15, le titre « Le cantique de Moïse et des Israélites » deviendra « Le cantique de Moïse, Miriam et des Israélites ». En Josué 2, le titre « Les espions à Jéricho » devient « Rahab aide les deux espions envoyés par Josué » et en 2 Rois 22 « Le rouleau de la loi est découvert » devient « Josias fait consulter la prophétesse Houlda ».

Pour conclure, citons ces paroles du philosophe Lévinas à propos du texte biblique :

« Dans chaque mot, il y a un oiseau aux ailes repliées qui attend le souffle du lecteur ».

Lecteur et lectrice, la NFC vous attend !

Théologienne baptiste, spécialiste des traductions de la Bible, Valérie est enseignante dans plusieurs facultés de théologie. Elle est également présidente de l'Association "Une place pour elles" contre les violences conjugales et vice-présidente de la fédération protestante de France.

3 comments on “La Bible, « Nouvelle Français courant », moins sexiste ?

  1. Selon moi il n’y a aucune Bible avec des traductions littérales s’il n’y en avait une je l’achèterai!
    Par contre j’aime beaucoup les traduction dans la langue courante puisque le but des écritures est que nous comprenions le sens.
    Sinon c’est une lecture de mots vide de sens!
    J’aimerais bien en avoir une copie!

  2. Marie-.Rose

    Il y a de la violence et du sexisme dans toute la bible !
    (plusieurs explications sont possibles…… mais une bible féministe n’a aucun sens !)
    Le but de la traduction n’est pas de l’ effacer, mais il ne faut pas non plus
    en rajouter ( les corrections apportées ci-dessus sont
    un juste retour au sens du texte, faciles à vérifier et c’est très bien)
    Bravo à toute l’équipe !

  3. Ping : En ces temps difficiles - Témoins

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