Textes bibliques

Ordre créationnel et autorité

  • Le livre de Genèse affirme que l’homme a été créé avant la femme. Quelles implications pour les relations entre l’homme et la femme ?
  • Est-ce que l’ordre dans lequel l’homme et la femme ont été créés, fonde une autorité de fait de l’un sur l’autre ?

L’argument de l’ordre dans la création est appelé « primogéniture » en théologie. Le pasteur Matthieu Gangloff a réfléchi à la question. Comme vous pouvez l’imaginer, la réflexion mérite un peu d’espace. Pour reformuler l’enjeu: Adam-masculin a-t-il vraiment été créé le premier selon la Genèse? Si oui, y a-t-il des implications en matière d’autorité?

  • Vous pouvez écouter le texte intégral dans sa version audio (38’27) – lecture par Valentin Dos Santos ci-dessus.
  • Ou lire le texte intégral ici et explorer ses nombreuses notes de bas de page.
  • Ou encore lire le résumé de son argumentaire principal ci-dessous.

Primogéniture en Genèse 1?

Le premier récit de la création (Genèse 1) affirme-t-il que l’homme-masculin a été créé le premier ?

Ce récit de la création affirme que Dieu fait l’homme à son image. L’hébreu, en réfléchissant aux premiers instants de l’humanité, présente spontanément un seul être humain, en relation avec Dieu, avec qui Dieu peut parler. S’agit-il ici de la création d’un individu masculin ? Non, car quelques versets plus loin, le texte précise :

Et Dieu créa l’homme a son image ; il le créa a l’image de Dieu ; il les créa mâle et femelle (Gn1 : 27).

Selon ce récit, le premier homme est en effet un collectif : la création de Dieu se préoccupe de l’humanité entière. (Voir Gn 5 : 1). La création de l’homme, telle qu’elle est racontée en Genèse 1, exclut donc toute forme de primogéniture de l’homme sur la femme et ne permet pas d’établir l’existence d’une hiérarchie dans le couple. Créés tous les deux a l’image de Dieu, l’homme et la femme ont la même valeur aux yeux de Dieu.

Primogéniture en Genèse 2 et 3 ?

L’idée de primogéniture est présente dans le deuxième récit de la création (Genèse 2 et 3) où il s’agit d’abord de la création de l’homme-masculin en tant qu’individu. Pour Dieu, l’œuvre n’est pas complète. L’homme est tout seul. En créant la femme, Dieu offre à l’homme la relation qui fonde la réciprocité dont il a besoin. L’homme a maintenant un vis-à-vis, à la fois semblable et différent. Le texte présente donc une chronologie qui précise la création de l’homme en tant qu’homme masculin avant la création de la femme. Cette primogéniture est attestée dans le Nouveau Testament non seulement par Jésus, mais aussi par l’apôtre Paul.

Est-ce que la primogéniture confère une autorité à l’homme ?

Genèse est loin d’affirmer que la primogéniture nécessite l’autorité de l’homme sur la femme. Au contraire : l’enseignement théologique fondamental de Genèse 2 concerne l’altérité de l’homme et la femme. Le texte  du récit affirme que l’homme a besoin de quelqu’un qui lui fasse front et qui lui corresponde : une aide semblable à lui (Gn 2 : 18).

Quelle sorte d’aide ?

A partir de ce verset, certains ont cru voir dans la notion de « l’aide » l’évidence d’une certaine hiérarchie. Pourtant, le mot utilisé ici est le mot hébreu « ezer » qui se trouve très souvent dans l’Ancien Testament pour parler de l’action de Dieu. Lorsque Dieu « aide » son peuple, ce n’est pas pour devenir un assistant subalterne !  Le texte présente alors plutôt l’idée de la collaboration ou d’un projet commun, que doivent mener ensemble deux personnes qui sont des alliés.

Nommée, donc soumise?

Pour certains également, le texte de Genèse laisse comprendre l’existence d’une hiérarchie au moment où l’homme nomme la femme. Et pourtant la première parole prononcée par l’homme et rapportée dans le texte est son cri de joie et de surprise lorsqu’il découvre la femme (Gn 2 : 23). Cette parole loin d’être une marque de domination ou une prise d’autorité, ne ressemble pas à la façon dont l’homme nomme les animaux.

Aucun signe de hiérarchie ne parait non plus lorsque le texte explique pourquoi l’homme quitte ses parents pour s’attacher à la femme. Le texte affirme la qualité et la valeur de l’aide qui attire l’homme assez fortement pour justifier l’abandon de ses parents et lui faire quitter père et mère. Ce qui ressort du texte, c’est l’égalité qui existe entre l’homme et la femme.

Le texte de Genèse loin d’établir une hiérarchie, insiste donc davantage sur le fait qu’hommes et femmes sont humains-images de Dieu. Ils sont créés ensemble et égaux, placés ontologiquement par la Bible  sur le même pied d’égalité.

***

Plus loin dans son article, Matthieu Gangloff considère la façon dont la primogéniture est présentée dans certains textes du Nouveau Testament, notamment en 1 Corinthiens 11 et 2 Timothée 2.

Il voit une différence entre l’égalité ontologique de l’homme et la femme, exprimée par le texte de Genèse,  et l’autorité de l’homme, déléguée par Dieu pour des raisons d’ordre, dans le cadre du couple marié. En présentant ce point de vue, l’auteur s’éloigne d’une façon importante de certains autres biblistes du blog « Servir Ensemble » (voir par ex. les articles de Joëlle Sutter-Razanajohary, NT Wright, Matthias Radloff, Mary Cotes…).

Matthieu Gangloff conclut son article avec force:

Le glissement de l’autorité de l’homme dans le couple vers l’ensemble des hommes à l’égard des femmes est un raccourci que le texte biblique ne permet pas. Ainsi, affirmer l’autorité de tous les hommes sur toutes les femmes, sur la base de la primogéniture n’est pas conforme au texte biblique.


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Bonne lecture !

À propos revdmcotes

Mary Cotes est pasteure baptiste anglaise. Ayant fait ses études doctorales de théologie, elle a exercé un ministère dans de nombreux contextes, y compris l’aumônerie d’un hôpital psychiatrique. Autrice de Women Without Walls et Quand les femmes se mettent à l’œuvre, elle exerce un ministere itinérant. . Musicienne diplômée, elle donne également des cours de piano.

12 comments on “Ordre créationnel et autorité

  1. Burnod Marc

    Bonjour à toutes et tous !

    Etude intéressante, qui complète ce qui a déjà été dit très justement au sujet de ce thème sur Servir Ensemble, sans pourtant apporter d’éléments vraiment nouveaux.

    L’essentiel, à mon avis, c’est que ce nouveau regard sur les relations à vivre dans le couple d’une part, et dans l’ensemble de la société d’autre part, doit surtout se traduire maintenant concrètement dans les réalités quotidiennes. Et notamment dans l’Eglise, où le Saint Esprit suscite actuellement un retour aux vérités essentielles contenues dans la Parole de Dieu. Ce changement de paradigme au sujet des relations homme-femme semble commencer à se réaliser dans certaines églises, mais encore de façon très minoritaire (on revient de loin !), et essentiellement au niveau – très limitatif ! – des responsabilités pastorales.

    C’est un beau début, certes ! Mais c’est encore une évolution très incomplète, me semble-t-il, en ce qui concerne la vie et les responsabilités qui sont à partager réellement, à tous les niveaux de l’Eglise, comme la Parole nous l’enseignne. La phase suivante sera à mon avis très importante également, et complémentaire à celle-ci. Elle constituera une « révolution » bien plus complète encore: celle de la (re)découverte du sacerdoce universel des croyants, évoqué par Luther lors de la Réforme, mais qui n’a guère été traduit dans les faits concrets depuis lors, sauf situations très exceptionnelles. Et cela entraînera une transformation structurelle et relationnelle fondamentale au sein de l’Eglise; elle se manifestera premièrement, en toute logique, dans les cellules de base de l’Eglise que sont les groupes de proximité et autres églises de maison, où hommes, femmes, enfants, anciens, patrons et ouvriers exprimeront, chacun selon ses dons et ses compétences, la volonté de Dieu révélée par l’Esprit. Rien de bien neuf, en fait ! Simplement ce que vivait l’Eglise à ses débuts, quand la qualité de vie partagée et,la liberté de l’Esprit qui s’y exprimaient avaient un rayonnement formidable ! Qui s’est hélas perdu quand la structuration et la hiérarchisation de type clérical ont commencé à éteindre sa Vie interne, en rendant la majorité passive alors qu’une minorité de « clerc » s’épuisait au travail…

    Mais je me réjouis profondément de tous ces progrès en cours – et des profonds changements qui vont en résulter – par lesquels l’Eglise va pouvoir redevenir « sel de la terre et lumière du monde », un monde déboussolé qui en a tellement et urgemment besoin !

    • revdmcotes

      Merci beaucoup pour votre réflexion profonde et intéressante qui nous encourage à devenir « ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique (Luc 8 : 21).

  2. M.Rose

    Bonsoir,
    J’ai beaucoup apprécié la synthèse de M. Gangloff, riche et très claire.

    Dans l’ AT, il est intéressant de voir que la primogéniture de l’homme (comprise comme telle !))
    va s’exprimer par deux courants, avec deux promesses différentes :

    – l’héritage : le premier- né des frères reçoit une double portion des biens C’est le droit d’aînesse qui
    sera donné à Joseph ,fils de Jacob (1 chron 5)

    – le sceptre : donné au fils à la succession au trône, et représenté par le roi David
    de la tribu de Juda ( très important : la royauté n’était pas ds la volonté de Dieu !)

    Les juifs attendaient le ROI Messie, fils de David, mais c’est le Messie, fils de Joseph qui est venu.
    Par son sacrifice, il a reçu tout l’héritage du Père et désire le partager avec nous
    Dans l’évangile, le mari est l’image de ce Messie.
    Ce n’est qu’au dernier jour, que le Messie, fils de David reviendra en roi de gloire régner sur son royaume

    Beaucoup veulent régner, commander, AVANT L’HEURE, dans le foyer, l’église, ou la société
    plutôt que de SERVIR (se sacrifier, se soumettre) !

    • Marc Burnod

      Tout à fait d’accord avec vous, M.Rose ! Un élément fondamental de l’enseignement de Jésus, c’est cette transformation, et même ce renversement complet, des relations humaines ! Commander, dominer, c’est l’attitude « naturelle » de « l’humain mâle », depuis la chute (Genèse 3.16), une « primauté » bien mal comprise et bien mal vécue ! Mais on constate également que « l’humain femelle », quand elle en a la possibilité, en est très capable aussi, en suivant ce triste modèle qu’elle a si longtemps subi…

      C’est pourquoi Jésus a pris un si grand soin d’attirer l’attention de ses disciples sur ce problème… et sa solution (qui passe nécessairement par la croix !). Matthieu 20.25 à 28: « Dans la société humaine: pouvoir = domination, oppression… Mais PAS PARMI VOUS ! Dans la communauté humaine différente que j’instaure parmi vous, être grand = SERVIR !  » et il se donne en exemple ! Et il complète en Mt 23. 10 à 12: « Dans vos relations réciproques, PAS DE TITRES DE SUPERIORITE: ni « maître », ni « père », ni « chef »… » Et à nouveau: « le plus grand parmi vous sera votre serviteur », (serviteur: un statut réel, authentique et permanent, pas un tremplin pour « devenir plus grand que les autres » ensuite !).

      Et quel est le « garde-fou » relationnel génial que notre Seigneur a pris soin d’établir, pour parer à ce risque de « prendre la grosse tête » et éviter le danger du pouvoir hiérarchique, qui étouffe les compétences et l’activité positive de chacune et chacun ? L’église locale de petite taille, le groupe où on est proches les uns des autres, où on se connaît, et où les relations sont vécues dans l’égalité-diversité-complémentarité imprégnées de ce principe fondamental: « soumettez-vous les uns aux autres » ! Et vivez, dans tous les domaines, ces relations de réciprocité active positive où « les uns les autres » (une centaine de fois dans le Nouveau Testament !) peut être vécu harmonieusement pour le bien de tous, hommes et femmes, jeunes et anciens, aisés et défavorisés, français et étrangers,…

      Le Seul qui puisse prétendre légitimement à un statut de supériorité, c’est le Seigneur Jésus, qui a « reçu tout pouvoir dans le ciel et sur la terre »; Mais justement, son pouvoir, qu’il nous délègue à nous ses disciples, son Règne absolument nouveau et différent, c’est celui de L’AMOUR et du SERVICE ! Dans le couple, dans la famille, dans l’église, dans la société ! Programme à vivre concrètement, en nous y encourageant « les uns les autres » !

      • Bonjour chers frères en Christ,
        En 1Co 11.2-16, il me semble que Paul fait quand même un parallèle entre la soumission créationnelle de la première femme au premier homme avec la soumission de Christ au Père.
        Comment interprétez-vous notamment le verset 3 qui dit : « Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ » ?

      • Marie-Noëlle Yoder

        Bonjour Louna, je vous répond en laissant le soin à Matthieu Gangloff et à Marc Burnod de compléter ma réponse s’ils jugent qu’un complément d’explication s’impose. Vous voyez une hiérarchie dans le verset que vous citez (1 Co 11.3) or cela n’est pas évident. Il y a un ordre illogique dans ce verset qui laisse penser que ce n’était pas une hiérarchie que Paul visait. Ailleurs (par ex: 1 Co 12.28), il sait expliciter très clairement l’ordre hiérarchique. Si Paul avait voulu signifier la hiérarchie, il aurait écrit: « la tête de la femme c’est l’homme, de l’homme c’est le Christ et de Christ c’est Dieu » or ce n’est pas ce qu’il dit. Ici, l’argumentaire suit un ordre chronologique enraciné dans la création: Christ-homme (Gn 1.26-27; 2.7), puis la relation homme-femme (Gn 2.21-25), puis Dieu-Christ (Jn 1.1-3, 14). Le mot « chef » que vous reprenez ici est le grec képhalé, littéralement « tête », qui peut être traduit par chef ou par source. Étant donné l’ordre chronologique de l’argumentaire, il est, à mon sens, préférable d’y voir le sens de « source » que de « chef ».

  3. M.Rose

    Merci Marc Burnod, pour votre commentaire
    C’est réjouissant et en même temps mystérieux que masculin ou féminin, si différents,
    on arrive aux mêmes conclusions !
    Ce que vous dites si justement je l’avais compris INTUITIVEMENT dés le début de ma conversion
    au Seigneur Jésus. Mais il faut le temps pour que cela arrive à l’intelligence pour le mettre en concepts
    en mots. Cela prouve la nécessité incontournable des ministères de la Parole (enseignants,
    pasteurs, docteurs….) dans l’église pour éclairer notre conscience et la mettre en pratique.

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