Spiritualité

John Mc Arthur vs Beth Moore : Offensé par la grâce ?

Dernièrement, des propos tenus à l’égard d’une enseignante de la Bible, Beth Moore, ont suscité des réactions dans la blogosphère américaine.

Lors d’une conférence biblique, on invite les pasteurs réunis sur l’estrade à participer à un petit jeu d’association : qu’est-ce qui vous vient à l’esprit en entendant tel mot ? Le nom de cette enseignante pour femmes est prononcé, provoquant chez le dit pasteur, John Mc Arthur, (dont le nom « décore » une Bible d’étude, rien de moins) une réaction spontanée :

« Rentre chez toi ! »

Rires et applaudissements… Rires et applaudissements.

Rentre chez toi!

Cette petite phrase est reconnue aux Etats-Unis comme insulte raciste. (Le président américain l’a employé l’été dernier à l’encontre de quatre élues démocrates, s’attirant une désapprobation générale.)

Mais Beth Moore est, selon l’expression, une « belle du sud » complémentarienne. Elle s’est comportée d’une manière exemplaire selon les mœurs culturelles d’un certain segment démographique du sud des Etats-Unis, pendant presque trois décennies. Elle est, semble-t-il, tombée en disgrâce. Son « péché » ? Avoir osé dénoncer le comportement grossier et rustre du président américain, Donald Trump, vis-à-vis des femmes… Avoir défendu la dignité des victimes des abus sexuels

Elle a osé s’exprimer ouvertement et cela est jugé comme une offense par les dirigeants de cette conférence.

J’ai du mal à imaginer Jésus agir de la sorte : insulter puis se moquer d’une femme. Jamais on ne discerne dans les propos de Jésus le moindre mépris misogyne.

Bien au contraire !

Jésus ne dit pas aux femmes « Rentrez chez vous » mais plutôt « Approchez-vous ».

C’est ce qui se passe dans Luc 13, quand Jésus enseigne dans une synagogue un jour de sabbat. Du coin de l’œil, parmi la foule qui le suit partout, il voit une femme courbée, incapable de se redresser.

Offensé, Jésus détourne vite le regard et poursuit son enseignement …

Mais non… offensé par la souffrance qu’elle endure, il interrompt son enseignement. « Il l’appela » (v.12). « Approche-toi » lui crie-t-il. Alors commence sa lente et pénible avancée vers le devant de la synagogue. Elle ne voit pas l’expression offusquée des visages tournés vers elle, seulement le bas des robes. A peine arrivée devant le maître, elle ressent des mains fermes lui toucher le dos, et, instantanément redressée, son regard plonge dans les yeux compatissants de Jésus. La douleur s’est enfuie. Elle éclate en louange à Dieu !

Et la congrégation lance des cris de joie…

Mais non… le chef de la synagogue est offensé. C’est à lui de diriger le déroulement du culte. C’est lui qui désigne les diverses personnes pour lire les prières, la Loi, les Prophètes, ainsi que l’interprète. C’est lui qui désigne le prédicateur du jour. Tout doit suivre un ordre précis … « Rentrez chez vous » dit-il, ou presque. Voulant mettre fin à ce remue-ménage, il lance à la foule : « Il y a six jours pendant lesquels il faut travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat ! » (v.14) Soudain la femme redressée a de nouveau honte. Tout naturellement, ses yeux cherchent le sol, tracent les marques de poussière et de fumier. Qu’y lira-t-elle ? « Après tout, tu ne vaux pas grand-chose ; il vaut mieux que tu t’éloignes. » Peut-être se sentira-t-elle coupable d’être (apparemment) à l’origine de ce désordre.

Mais Jésus reprend ces dirigeants fiers et privilégiés et offensés  et il prend la défense de la femme. Ses paroles dûres produisent de nouveau un choc chez la femme guérie, les membres de la synagogue offensés, et la foule qui dérangeait la marche normale d’un jour de sabbat :

Hypocrites, chacun de vous, pendant le sabbat, ne détache-t-il pas son bœuf ou son âne de la mangeoire pour le mener boire ?
Et cette femme, qui est une fille d’Abraham et que le Satan tenait liée depuis dix-huit ans, il n’aurait pas fallu la détacher de ce lien le jour du sabbat ?
(v.15, 16)

Cependant, Jésus ne les rejette pas. Il est venu annoncer la bonne nouvelle et révéler l’amour du Père. Alors, il offre à ses « adversaires » une porte de sortie, un nouveau paradigme pour les aider à dépasser leur attachement à la tradition qui favorise le rituel à la place de la personne.

Sa réprimande prend la forme de deux questions qui permettront à ces hommes offensés de se réformer. C’est une pédagogie que Jésus emploie souvent.
Dans la première question, il fait appel à leur jugement concernant un fait de leur expérience personnelle : l’observation du sabbat ne les empêche pas de s’occuper correctement de leur animal.
Dans la deuxième question, il s’appuie sur cette expérience pour montrer que le même jugement est applicable dans le cas de la femme.

Ce n’est pas que le sabbat est sans valeur : c’est que la personne humaine a plus de valeur aux yeux de Dieu.

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Mais la question de Jésus ne se limite pas à une discussion minutieuse de la loi entre rabbins. En bon pédagogue, il introduit un nouvel élément: Il la qualifie de fille d’Abraham (tout comme il avait qualifié le petit et peu honorable Zachée de fils d’Abraham en Luc 19). On ne parlait pas, semble-t-il, de filles d’Abraham, seulement de fils (l’Écriture n’enregistre aucune fille pour le patriarche.) Mais devant tout le monde, aux yeux de tous, Jésus l’honore publiquement en « redressant » son statut.

Et maintenant la joie éclate :

Tandis qu’il disait cela, tous ses adversaires étaient pris de honte, et toute la foule se réjouissait de toutes les choses glorieuses qu’il faisait. (v.17)

Ils sont forcés de reconnaître leur indifférence et leur mépris. Leur sentiment d’être offensé s’est transformé en honte. Car les offensés étaient en réalité les offenseurs ; et ce sont les paroles de Jésus qui ont opéré ce renversement (Luc 1)

Insister sur l’idée que la place d’une femme serait « chez elle » ne tient guère compte des Évangiles. Jésus invite cette femme à occuper un espace et un temps où les dirigeants hommes exerçaient l’autorité sur le peuple. En tant que « fille d’Abraham » c’est sa place légitime. Luc reconnaît dans cette scène une parabole vivante de ce que Jésus avait annoncé dans une autre synagogue au début de son ministère (Luc 4) :

L’Esprit du Seigneur est sur moi,
parce qu’il m’a conféré l’onction
pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ;
il m’a envoyé
pour proclamer aux captifs la délivrance,
et aux aveugles le retour à la vue,
pour renvoyer libres les opprimés,
pour proclamer une année d’accueil de la part du Seigneur.

Serions-nous offensés par cela?

Victoria Declaudure a été membre de l'équipe pastorale de l'Eglise Vie Nouvelle (Saumur) pendant 17 ans avant de rejoindre celle de l'Eglise Evangélique d'Angers. Titulaire d'un master en théologie, elle est l'auteur de plusieurs articles ainsi que du mook 'Pionnières du XXième siècle, le ministère oublié des femmes pentecôtistes françaises 1932-48'

6 comments on “John Mc Arthur vs Beth Moore : Offensé par la grâce ?

  1. Claire Poujol

    Quelle méditation magnifique ! Merci !

  2. Anne Clark

    Merci Victoria, C’est un tres fort message a nous tous de voir chaque personne a travers les yeux de Jesus. Quel compassion il avait.

  3. Ping : Revirement ! Beth Moore et le complémentarisme… – Servir Ensemble

  4. Matthias Radloff

    Il y a deux ans, notre frère John MacArthur a publiquement manifesté son mépris de notre soeur Beth Moore. Parce que nul n’est parfait, la possibilité de reconnaître nos erreurs est une grâce qui nous est offerte, aussi à John MacArthur. Quand la saisira-t-il?

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