Spiritualité

Jésus et la samaritaine : la libération d’une femme

La rencontre entre Jésus et la samaritaine (Jean 4.4-26) est mythique. La voici revisitée  par l’approche très personnelle de Raymonde Blondeau.

Ce passage est le récit d’une rencontre entre 2 personnes, le récit d’une libération; libération d’une femme qui avait de gros problèmes, de gros « problèmes de vie » comme aurait dit Paul Tournier.

J’aime beaucoup ce récit parce qu’il me parle à bien des niveaux.

Jésus est fatigué

Tout d’abord on peut noter que ce passage débute par une parole surprenante : « Jésus, fatigué du voyage…, fatigué de la route » traduit Chouraqui… de la route qu’il avait fait ce jour-là, ou du chemin qu’il parcourait depuis le début de son ministère: de tout ce qu’il vivait au milieu de tous ces gens, de tous ces gens de son pays et de son peuple, de tous ces gens dans les synagogues…

       Ça me fait quelque chose de voir Jésus fatigué…

Nous aussi ne sommes-nous pas « fatigués » parfois, très fatigués… »on en a marre » de notre chemin, de notre route, de notre voyage, de tout ce que nous vivons tous les jours…et qui est parfois si lourd, si pesant…si fatiguant…

Et voilà que nous découvrons que Jésus peut nous comprendre…qu’il ne nous juge pas, qu’il ne nous condamne pas de nous sentir fatigués, de dire que nous sommes fatigués, de lui dire que nous sommes fatigués…

Car la fatigue, lui aussi, Il connait …

Une femme pas comme les autres

Arrive une femme, Samaritaine, qui vient chercher de l’eau, à midi… Ce n’est pas l’heure habituelle à laquelle les femmes de son pays viennent chercher leur eau, car c’est l’heure la plus chaude de la journée…C’est justement pour ça que la Samaritaine vient à cette heure- là, pour être sûre de ne rencontrer personne… Car elle n’a envie de rencontrer personne, la  Samaritaine, elle n’a envie de voir personne; elle ne veut pas entendre encore des réflexions, des sarcasmes, des moqueries, des désapprobations par rapport à ce qu’elle vit… Car elle ne vit pas comme les autres, la Samaritaine, et elle se sent à part, différente des autres…

Est-ce que ça ne nous arrive pas souvent, à nous aussi, chacun là où nous sommes, dans nos circonstances et nos difficultés, de nous sentir « pas comme les autres », un peu différent des autres?… On lutte, on essaye de se « raisonner », de nier l’évidence, mais tout au fond de nous-même, est-ce que nous ne sommes pas « taraudés » par ce sentiment de « n’être pas comme les autres » ?… (oui, mais moi c’est pas pareil…)

Jésus lui demande un service

Or, voilà qu’à cette femme qui ne se sent pas comme les autres, Jésus parle; et la première chose qu’il lui demande,  c’est un service :

« S’il te plait, est ce que tu pourrais me donner à boire ?… J’ai soif… »

Mère Thérésa a mis cette parole du Christ dans son Église, où elle vient, tous les matins, chercher la force de repartir pour une journée de service, dans les rues de Calcutta…

« J’ai besoin de toi, car tu as une cruche pour puiser de l’eau dans le puits, et moi je n’en ai pas »… autrement dit « toi, tu peux faire quelque chose parce que tu es ce que tu es, et que moi, tel que je suis, dans ma divinité faite homme, dépouillé, je ne peux pas matériellement faire, comme ça, sans rien…J’ai besoin de toi. Est-ce que tu veux bien me rendre service?… »

Moi, j’imagine sans peine la tête de la Samaritaine… Je ne crois pas qu’elle était très habituée à ce qu’on lui demande un service, comme ça, très poliment… J’ai même tendance à penser (c’est pas le texte qui le dit, c’est moi), que la Samaritaine devait plutôt penser que, étant donné ce qu’elle était, elle n’avait rien à donner à personne, elle n’était utile à personne… »bonne à rien », quoi!!!

Après tout ce qu’elle avait vécu de négatif dans sa vie, elle devait avoir une idée totalement négative d’elle -même, et elle était bien convaincue que si quelqu’un était bonne à rien, c’était bien elle… A quoi aurait-elle pu être bonne?…

Moi, je crois qu’elle a dû avoir le souffle un peu coupé par la demande de Jésus… elle a dû en être un peu « estomaquée »…

Un service!!! Voilà bien longtemps qu’on ne lui avait plus demandé un service, à elle !

Et le comble, c’est que ce service lui est demandé par un Juif…

Les Samaritains étaient totalement méprisés par les Juifs, regardés avec tout le dédain possible ( et religieux), ces impurs, ces sang mêlés d’étrangers païens. Eux, les Juifs, les purs, le peuple élu, par qui devait arriver le salut… Ces gens qui avaient tout…tout pour être heureux… Qu’est- ce qu’elle y pouvait, elle, si elle était née en Samarie? Eux, ils avaient de la chance d’être nés chez les Juifs!!! Ils avaient tout; et surtout ils avaient l’élection de Dieu, l’amitié de Dieu !!! (v.9)

Et voilà que cet homme, de ces gens qui ont tout, cet homme lui demande un service, à elle, qui n’a rien… C’est bien le comble !!!  C’est pour ça que je pense qu’elle a dû en avoir le souffle coupé… elle a dû penser intérieurement : »il ne manque pas d’air!… » à moins qu’elle se soit dit « il est gonflé !!! » (j’espère que vous voyez, au passage, l’allusion au pneuma, le souffle de l’esprit!!!…)

Du matériel au spirituel

Mais, déjà, Jésus continue de parler, un peu différemment; en fait la conversation avait déjà commencé de glisser,  par la réponse de la Samaritaine : »Toi qui es Juif…à moi qui suis Samaritaine? »

Jésus parle encore de soif, et de boire, mais la conversation continue de glisser insensiblement : verset 10 à 15 (à lire): elle élargit le débat. Elle y pense tellement à ce « père Jacob », qu’ils ont en commun après tout!

Il y a tant  de choses qu’elle ne comprend pas dans sa vie…

  • pourquoi tout cela lui est-il arrivé à elle?
  • Pourquoi est-elle née en Samarie et pas en Palestine?

Là, elle aurait pu vivre elle aussi, une vie digne, être honorée comme les autres…Peut-être que çà aurait pu éviter tout ce qui s’est passé, tous les malheurs qui lui sont arrivés, et qui font qu’elle se sent dégradée, dévalorisée, totalement, aux yeux des autres et aux siens…

Et tout cela , au fond d’elle-même, lui fait mal, mal, tellement mal… Pourquoi, pourquoi tout ça?… Pourquoi toutes ces injustices?

Mais toutes ses questions, depuis tant d’années, restent sans réponses; et au fond d’elle-même, c’est le grand vide, le grand creux, la grande sécheresse, le grand désert…

Comment en sortir? Comment sortir d’une situation pareille?…de toutes ces injustices?…

Car elle a soif de justice, la Samaritaine…Soif d’une vie où elle serait comme les autres; d’une vie où elle pourrait être non pas honorée, mais au moins respectée…respectée parce que respectable…à ses propres yeux d’abord…

Et justement, Jésus lui parle de boire une eau qui ferait qu’elle n’aurait plus soif… C’est drôle, ça éveille un drôle d’écho en elle… Il parle de boire de l’eau, et pourtant il a l’air de parler d’autre chose en même temps…

Je ne sais pas l’effet que ça vous fait, mais, moi, je me retrouve bien dans cette Samaritaine. Nous aussi, on a soif d’un tas de choses… d’être comme les autres… de ne plus avoir les problèmes qu’on a, etc, etc. Enfin de choses très naturelles et très matérielles, comme la Samaritaine… Et voilà que Jésus lui répond un peu étrangement : il parle d’eau à boire…mais d’une autre eau, qui satisferait une autre soif… Elle a soif de choses matérielles, et il lui répond de façon spirituelle. Et ça lui fait un effet bizarre: à la fois elle a encore sa cruche vide à la main, mais il y a comme quelque chose qui a l’air de se dilater, tout au fond d’elle-même…

Car Jésus sait la soif profonde de cette femme…

J’ai toujours été frappée par le tour si rapide qu’a pris leur conversation. Très vite ils sont passés du matériel au spirituel…

En route vers la liberté

Et Jésus d’emblée, met le doigt sur sa plaie, celle qui la taraude en ce moment, et qui fait que  cette fois-ci  elle se sent plus bas que tout… Il met le doigt sur le lien qui l’enserre, et qui l’empêcherait d’être totalement libérée…

Et elle, elle n’a pas dit non… elle n’a pas dit: « c’est pas vrai, c’est pas ça… c’est pas un problème pour moi, ça… après tout, c’est bien moi qui l’ai voulu ainsi… »

Non. Elle reconnait simplement : »Je vois que tu es un prophète... »

Ah! si nous pouvions reconnaitre aussi simplement ce qui nous « coince » dans notre vie, et nous empêche d’évoluer, même et surtout dans notre vie spirituelle… »Eh bien oui ,c’est bien ça, tu as raison et je le reconnais…Si j’avais pas ça, c’est vrai que je pourrais faire des tas de choses, même pour toi; mais avec ça, comment veux -tu? Je ne suis pas digne… »

Et Jésus qui répond : « Ça? mais ça quoi? Pourquoi « ça » t’empêcherait de faire quelque chose pour moi, et de me rendre service?  « Ça » je sais que c’est un problème pour toi, mais pour Moi ce n’est pas un problème, du moins pas un problème qui fasse obstacle entre toi et moi…et qui empêcherait une relation entre toi et moi…et moi j’ai besoin de toi…j’ai soif de toi…

Personne n’avait jamais parlé ainsi à cette femme. Et ces paroles éveillent en elle comme un écho, fort, très fort, de plus en plus fort… Au niveau de ce creux en elle, qui fait comme une énorme caisse de résonance, au niveau de cette soif, si forte au fond d’elle-même…

Tout à coup cet écho est si fort qu’il fait tout exploser : « Je sais que le Messie doit venir, celui qu’on appelle le Christ; quand il sera venu il nous annoncera toutes choses »…  Et la réponse de Jésus, qui me bouleverse toujours  par sa sobriété, comme la chose la plus naturelle du monde :  » Mais… je (le ) suis, moi qui te parle… »

La suite vous la connaissez : laissant sa cruche… Elle a oublié sa soif matérielle, car tout à coup sa soif spirituelle, toute sa soif intérieure, tout son désert, se trouve arrosé, avec abondance…à tel point qu’elle a maintenant de quoi arroser tout le village…

La voilà libre, totalement libre… libérée de tout, de tout ce qui pesait si lourdement sur ses épaules. Libérée par rapport à « tout ça »… Non pas libérée de tout ça, mais explosant de joie car « tout ça » est devenu « l’ombre » qui donne tout le relief, et contribue même à la beauté du tableau : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait « , qui m’a dit que tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai vécu, peut contribuer à faire éclater sa gloire; que tout ce que je voyais de noir en moi, éclairé par sa lumière, peut contribuer à rendre sa lumière encore plus forte, encore plus visible…

Ne serait-il pas le Messie?…

Raymonde BLONDEAU

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6 comments on “Jésus et la samaritaine : la libération d’une femme

  1. Olivia

    Oh merci beaucoup de nous avoir conté cette si profonde histoire, elle me touche encore une fois. Oui cet homme qui a rencontré la samaritaine, je l’ai aussi rencontré. Il a eu le même effet sur moi ou plutôt en moi, il a rempli le vide, le creux, que j’avais au fond de mon être. Merci pour cette histoire vraie qui me fait du bien dans le rappel de ce que j’ai vécu mais aussi dans mon besoin de me laisser encore remplir par les Sources d’eau vives que Jésus offre.

  2. Oui, c’est si simple la conversion .Il suffit de reconnaitre simplement que Jésus est Dieu
    qu’il nous aime, et il se passe quelque chose de surprenant : une grande joie, une délivrance,
    un renouveau, une espérance……………comme pour la samaritaine !
    Mais voilà on se triture le cerveau ……..on est compliqué parce que pêcheurs !
    Merci pour cette relecture si rafraichissante et si vraie de la foi qui est surtout une expérience,
    une rencontre avec le Seigneur de la Vie dont l’image nous habite…..mais on ne le sait plus !
    A nous de nous souvenir et de le rappeler au monde.

  3. Ping : Les douze apôtres : preuve d’un leadership exclusivement masculin dans l’Église ? – Servir Ensemble

  4. Ping : Il lui a donné de l’eau ! – Servir Ensemble

  5. Sabina Merisier

    Merci beaucoup pour cette belle histoire plus belle chaque jour.

  6. Aline N

    Le livre « The Samaritan Woman’s Story : Reconsidering John 4 after #ChurchToo » de l’historienne Caryn A Reeder propose une autre interprétation de cette histoire. Jésus ne parle pas de pêcher, et l’auteur donne nombreuses preuves que la femme n’était probablement pas en contrôle de son statut marital/conjugale. La visite au puis de Jacob au milieu en plein jour n’est pas signe de sa honte, mais joue sur les outils littéraires qu’emploie Jean entre la nuit/le sombre (voir l’histoire précédente de Nicodème dans Jean 3, qui se passe pendant la nuit) et la jour/la lumière. Cette femme échange avec Jésus sur des sujet théologique préoccupant du jour (qui peut louer Dieu, est où ? v.20-24), le reconnait comme messie, et évangélise tout son village ! Cette histoire n’est pas premièrement une histoire de pardon de pêcher (car cela n’est pas du tout mentionnée), mais de Jésus qui révèle qui il est à une femme (v.26 « Je suis le Messie, moi qui te parle, lui dit Jésus. »), et elle qui répond en témoignant au village entier et les emmène à Jésus. « Ils furent encore bien plus nombreux à croire en lui à cause de ses paroles, et ils disaient à la femme : Nous croyons en lui, non seulement à cause de ce que tu nous as rapporté, mais parce que nous l’avons nous-mêmes entendu ; et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. » (v.41-42)

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