Progresser en Église

Femme… Et vieille…

Ma mère va bientôt fêter ses 89 ans. Chrétienne fidèle, toujours en bonne santé, elle consacre des heures par semaine à œuvrer au sein d’une association qui exerce un grand ministère parmi les jeunes handicapés. Lorsque je lui dis, « Mais Maman, tout ce que tu fais, c’est merveilleux ! », elle me répond « Finalement, tu sais, je ne suis qu’une vieille. »


Ma mère est loin d’être la seule femme âgée de nos Églises à exprimer cette pensée. Quand je l’entends parler, je me souviens de beaucoup d’autres chrétiennes de ma connaissance, envahies, toutes, de cette même mentalité. Elles se dévouent à fond mais malgré leur témoignage important, ont peu de confiance dans leur propre valeur aux yeux de Dieu. Il ne s’agit pas de la vraie humilité chrétienne mais plutôt d’un manque d’assurance inquiétant.

Que font nos Églises pour respecter ces chrétiennes plus âgées et pour leur communiquer un véritable sens de leur valeur aux yeux de Dieu ?

Nos frères âgés sont souvent nommés diacres ou anciens à vie, et sollicités en tant que conseillers et prédicateurs. Par contre, nos femmes âgées restent souvent dans les coulisses de l’Église jusqu’au jour de la fête des mères, où on leur offre un bouquet de fleurs ! Si on leur demande un conseil, c’est obligatoirement au sujet de la vie de famille : « Vous avez tant d’expérience à partager avec nos jeunes mamans chrétiennes: comment avez-vous élevé vos enfants ? » C’est une bonne question, sans doute.

Mais l’Église diminue la valeur essentielle et précieuse de ces femmes en tant que disciples de Christ lorsqu’elle ne voit en elles que des mères, des grand-mères et des arrière grand-mères.

Fidèles au Seigneur depuis de longues années, ces femmes de Dieu sont toujours en train de grandir dans la foi. Elles ont une maturité spirituelle qui est aussi grande et profonde qu’elle est lumineuse.

Au temps de la Bible, une femme était valorisée à partir de sa capacité d’avoir des enfants. Suivant les traditions sur lesquelles la société patriarcale était construite, les femmes incapables d’avoir des enfants étaient méprisées. Les femmes stériles étaient mises à l’écart, les veuves sans moyens, invisibles. Pourtant, les évangiles ne nous offrent aucun récit d’un moment où Jésus aurait parlé à une femme de la façon dont elle a élevé ses enfants.

Jésus cherche plutôt, chez les femmes comme chez les hommes, des qualités spirituelles.

Lorsqu’une femme cachée dans la foule se trouve guérie d’un écoulement de sang, Jésus ne cherche pas en elle la future mère de famille. Il reconnait plutôt la présence du Royaume de Dieu à l’œuvre et il la félicite de sa foi (Marc 5 : 25-34). De la même manière, lorsque Marc rapporte (Marc 15 : 40 – 41) la présence de certaines femmes à la croix de Jésus, il parle de leurs qualités en tant que disciples : elles ont suivi Jésus depuis la Galilée et elles l’ont servi. Dans le ministère de Jésus ce sont les valeurs du Royaume de Dieu qui comptent.

J’aime beaucoup l’histoire d’Anne au temple (Luc 2 : 36-38). L’évangile nous signale qu’il s’agit d’une femme âgée de 84 ans. Luc nous parle des origines de cette veuve, mais il ne s’intéresse ni au caractère de son mari défunt, ni au nombre d’enfants qu’elle a eu. Il nous la présente comme prophétesse, et nous parle de ses qualités spirituelles.

« Elle ne s’écartait pas du temple, participant au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières. » (Luc 2 : 37). C’est une femme de prière qui se consacre depuis des décennies à la vie du peuple de Dieu. Nous ne savons pas exactement le nombre d’années qu’Anne a vécu ainsi. Pourtant, Luc nous laisse entendre que toutes ces années de fidélité et d’attente ont permis à Anne de nourrir sa relation avec Dieu et de l’approfondir. Elle a donc été pleinement préparée – comme le juste et pieux Syméon – pour reconnaitre la révélation de Dieu dans l’enfant Jésus. Lorsque cet enfant arrive au temple, la bonne nouvelle jaillit de cette femme extraordinaire. Anne était certainement déjà bien connue et respectée par ces personnes qui, selon Luc, attendaient la libération de Jérusalem. Anne ne reste pas dans les coulisses, mais annonce la naissance du Christ aux hommes et femmes de Dieu.

En parlant d’Anne, Luc ne dit jamais que « ce n’était qu’une vieille. » Il la présente assurée et rayonnante.

Les disciples de Christ, hommes et femmes, ne sont jamais à la retraite dans le service de Dieu. Anne nous rappelle combien il est important de reconnaitre la présence de Dieu puissamment à l’œuvre dans la vie de nos femmes chrétiennes âgées. Comme nos frères âgés elles ont des trésors spirituels magnifiques à transmettre à tous les membres de l’Église.

Mary Cotes

Pasteure baptiste à la retraite, auteure de ‘Quand les femmes se mettent à l’oeuvre‘, éd. Olivetan.

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À propos revdmcotes

Mary Cotes est pasteure baptiste anglaise. Ayant fait ses études doctorales de théologie, elle a exercé un ministère dans de nombreux contextes, y compris l’aumônerie d’un hôpital psychiatrique. Autrice de Women Without Walls et Quand les femmes se mettent à l’œuvre, elle exerce un ministere itinérant. . Musicienne diplômée, elle donne également des cours de piano.

5 comments on “Femme… Et vieille…

  1. Claire Poujol

    Très encourageant. Les églises trop souvent ont le même mépris et le même désintérêt envers les aînées que la societé.

  2. etvoilatralala

    J’apprécie beaucoup cet article.
    Merci.
    Annie

  3. Chantal Locussol

    Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne l’attitude de Jésus qui n’a jamais fait l’éloge de la maternité ni même guéri des femmes de leur stérilité: c’est étonnement moderne! Pour cette raison, après avoir fait des recherches j’ai eu l’occasion d’écrire un article (en anglais finalement non publié) qui montre à quel point l’attitude de Jésus est surprenante pour son époque mais surtout comment le concept de la maternité chrétienne développée dans l’église quelques 200 ans plus tard allait à l’encontre de l’attittude du Christ.

    Peut-être devrais-je vous en envoyer un résumé ( ce serait trop long à traduire en entier!)

  4. Ping : Mary Cotes: « Jésus nous a dit que nous sommes le sel de la terre, pas de l’église! »

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