Spiritualité

Il lui a donné de l’eau !

Le récit de la rencontre miraculeuse entre Jésus et la Samaritaine (Jean 4.5-43)

Ce matin, je me suis encore réveillée avec le désert dans l’âme. C’est une chose de vivre dans une région aride et c’est une autre d’en être habitée à l’intérieur. La chaleur qui cognait déjà sur les murs de la maison en ce début de journée me laissait desséchée. Pourquoi continuer à vivre ? Ma vie ne se déroulerait-elle pas de la même manière que je me débatte ou que je garde le silence assise parterre ?

Il fallait chercher de l’eau au puits pour la maison, mais rien que l’idée d’y rencontrer les autres femmes de Sychar freinait chacun de mes pas. Je les vois bien leurs regards qui me jugent de haut en bas comme une prostituée. J’entends leurs messes basses concernant le couple bancal que je forme avec mon homme. Que savent-elles de ce que j’ai réellement vécu ? Que savent-elles de ce qui s’est réellement passé dans mes unions brisées ? Si la chaleur ne me retenait pas, je pourrais hurler ma rage dans tout le village. À la place, je laisse un goût amer m’envahir.

J’aurais tout donné pour garder mon premier mari, pour lui donner une descendance, pour le satisfaire. Au lieu de cela, la vie m’a drapée de honte : moi une femme, une Samaritaine, une vile concubine sans statut. J’avais bon espoir que mon troisième mari se comporterait autrement, mais lui aussi m’a répudiée lorsqu’il a rencontré une femme plus belle, plus jeune et plus féconde Quand j’y pense, le sol se dérobe sous mes pieds. Je me noie dans la honte et le désespoir. Si seulement je pouvais y faire quelque chose !

La soif m’a remis en route. J’ai essuyé mes larmes et j’ai traîné mes pieds dans la poussière pour me rendre au puits de Jacob. Il faut boire pour survivre. Mais pourquoi ? Qui pourrait me sauver de tout cela et redonner un sens à ma vie ?

Là-bas, il y avait un homme. Un juif, assis au bord du puits. Que faisait-il là ? D’habitude les juifs contournaient soigneusement nos terres.

Quand je l’ai vu, j’ai hésité à faire demi-tour. Je n’avais pas la force de me faire encore une fois traiter comme une moins que rien. Le plan drague au bord du puit était un classique et c’est la dernière des choses dont j’avais besoin.

J’ai fait quelques pas en sa direction. Je pensais qu’il s’en irait dès que j’arriverai à proximité. J’ai remarqué que les juifs ne supportent même pas que nos ombres touchent les leurs. Mais non, il n’a curieusement même pas eu de mouvement de recul quand je me suis approchée. Que me voulait-il?

Il m’a demandé à boire. Je n’en revenais pas, à moi, une femme samaritaine ? Il devait avoir bien soif pour braver les règles de pureté en parlant seul à seul avec une femme et étant prêt à boire de l’eau tirée par une Samaritaine. Je lui ai donné ce dont il avait besoin. Cet homme était étrange, cela ne semblait pas le déranger. J’ai vérifié aux alentours pour être sûre que nous n’étions pas observés et je lui ai parlé moi aussi.

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Il m’a dit qu’il pourrait lui aussi me donner à boire, d’une eau qui désaltère à tout jamais et dont la source jaillirait en moi jusque dans la vie éternelle. Je n’avais rien entendu de tel auparavant, mais mon être entier aspirait à la recevoir et à la boire. Finies les corvées de puits, mais surtout fini la sècheresse, le désert intérieur ! Cet homme avait-il la réponse à la profondeur du ravin creusé en mon âme?

Quand il m’a demandé d’aller chercher mon mari, j’ai paniqué. Je n’ai pas de mari et je pensais que c’en était fini de sa bienveillance. Passe encore que je sois une femme et une Samaritaine, mais une Samaritaine qui vit en union libre ? Pourtant, l’homme le savait déjà. Il m’a accueilli telle que j’étais. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu le sentiment d’avoir la dignité d’une personne humaine. Il m’a profondément respecté, il m’a même… oserais-je le dire… aimé, comme je n’ai jamais été aimée auparavant.

Quand il m’a dit qu’il était le Messie, j’ai senti des vagues d’eau claire déferler sur le sol aride de mon cœur et une source s’installer dans mon âme. Le Messie tant attendu des juifs… celui qui délivre le monde de l’oppression, celui qui guérit, celui qui redonne espoir à tout le peuple ! Le Messie dont j’ai tant besoin ! Il connaissait ma vie sans même que je ne la lui raconte. Il savait même le besoin criant que j’avais d’être arrosée, hydratée et habitée par un torrent de vie. Le Messie !

Ses disciples sont arrivés tout étonnés de le voir lui, le rabbin, parler avec moi. Je les ai laissés entre eux pour aller appeler les habitants de Sychar. La source qu’il avait réveillée en moi jaillissait déjà et me pressait de partager la bonne nouvelle de sa présence. Cette simple conversation avait délié les nœuds qui m’habitaient jusqu’alors et cela me donnait des ailes. J’avais hâte que tous puissent rencontrer le Messie, que tous puissent s’abreuver à la source vivante qui étanche la soif à jamais ! Alors je suis allée, j’ai couru et même volé pour aller proclamer la bonne nouvelle de sa présence à tous ceux que je connaissais, à tous ceux qui avaient aussi besoin de lui. Je leur ai dit de venir au puits, et de se presser !

Jésus est resté deux jours avec nous et il a déclenché les grandes eaux dans la vie de nombreuses personnes. Beaucoup ont cru qu’il était le Messie, ils l’ont rencontré personnellement. Le Messie ! Le tant attendu, le tant désiré… à présent toutes choses seront nouvelles. Tous et toutes pourront boire de cette eau qui désaltère à jamais et la source placée en eux continuera à jaillir jusque dans la vie éternelle.

Acapella Company – He gave her water / Il lui a donné de l’eau

Marie-Noëlle Yoder est directrice du département francophone du centre de formation du Bienenberg (BL, Suisse) où elle enseigne la théologie pratique et l'éthique. Elle est également pasteure dans une Église mennonite (BE, Suisse).

2 comments on “Il lui a donné de l’eau !

  1. Gladys Geiser

    Merci pour ce récit encourageant qui nous invite en ce temps de l’Avent à nous laisser abreuver, toucher et aimer par le Messie ! super chant d’Acapella !

    et merci pour votre site, votre engagement et votre travail !! c’est précieux d’avoir des femmes comme vous !!

    amitié Gladys

  2. GULEMVUGA

    Wonderful message. Merci beaucoup Marie-Noëlle Yoder pour la profondeur de l’interprétation de cette Écriture sainte.

    Je suis M. Georges GULEMVUGA de Kinshasa RD Congo qui vous lis depuis un temps.
    Merci !!!

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