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Hommes et femmes dans l’Église

Le sujet des rôles respectifs de l’homme et de la femme dans l’Église déclenche facilement les passions. Ce n’est pas d’hier ! Mais aujourd’hui, les débats de société sur l’identité sexuelle et sur l’égalité des hommes et des femmes alimentent indubitablement ces passions au sein des Églises.

Jean-Marc Bellefleur, pasteur de l’association baptiste à Mulhouse, a publié un livret : « Hommes et femmes dans l’Église » en 2003 aux éditions du centre de culture chrétienne de Mulhouse. Depuis, il a précisé sa pensée et l’a complètement réécrit. La nouvelle édition est disponible chez Excelsis. Il a envoyé son texte au blog « Servir Ensemble » pour que nous puissions en partager le préambule avec vous. Merci à cet auteur.

Préambule

L’influence de la société

Voici donc notre premier travail : prendre conscience de ce débat, et plus généralement de l’influence de notre société sur le sujet. On verse facilement dans le procès d’intention contre les tenants de la thèse adverse, alors qu’il convient avant tout de déceler les influences que l’on subit soi-même.

Ne nous contentons pas d’idées reçues ! Dans les milieux évangéliques, on prétend souvent que c’est l’influence féministe de la société qui pèse sur les tenants de l’ouverture aux femmes de tous les ministères dans l’Église. Mais se pose-t-on la question de l’influence antiféministe que la société a peut-être bien exercée sur l’Église, à la fin du XIXe siècle et lors du XXe ? La société occidentale a longtemps relégué la femme à un rôle exclusivement domestique[1], et le « féminisme » actuel est aussi, tout simplement, une prise de conscience de ce déséquilibre. Voyons comment on parlait communément des femmes à la fin du XIXe siècle : « La plupart des scientifiques estiment que revendiquer l’égalité des sexes reviendrait à ignorer les différences physiques et mentale[2]. » On réduisait la femme, science à l’appui, à son « aptitude à la maternité » ; des études morphologiques avançaient que « la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle », qu’elles « sont davantage sujettes à la folie », et j’en passe[3].

Se savoir sous une inévitable influence de la culture, de la société, de l’histoire ou d’une mentalité, c’est être plus sage que de prétendre à une objectivité… utopique. Mais il ne faut pas s’arrêter là. Le pas suivant est en arrière ! Prendre du recul, se dégager le plus possible, puis tendre – même si c’est hors de portée – vers une approche aussi neutre que possible du sujet.

Prendre la Bible en main

Le deuxième travail est de prendre la Bible en main. Après avoir laissé les passions, il faut étudier. Le principe de l’étude est profondément protestant et évangélique : c’est en prenant en compte l’épître aux Romains que Luther a provoqué la Réforme. C’est en prenant tel ou tel texte biblique que d’autres ont changé ce qui devait l’être, et ce principe se perpétue, car l’Église n’est pas arrivée à la perfection, d’une part, et d’autre part doit continuer de porter l’Évangile dans une société qui évolue. Il faut appliquer ce principe à notre sujet. Ce n’est ainsi pas parce qu’on révise une conviction personnelle que l’on s’éloigne de la Bible, bien au contraire, même si cela peut émouvoir. On s’éloignera peut-être d’une tradition, d’une mentalité, mais si c’est à la lumière de la Bible, que dire ?

Prendre la Bible en main, c’est aussi la laisser parler. Ne pas lui faire dire ce qu’elle ne dit pas – pour notre sujet en particulier – ne pas plaquer nos idées sur elle, ne pas étayer telle ou telle revendication sur un texte savamment (…) interprété. Laisser parler la Bible, c’est mettre en œuvre une exégèse soigneuse et sérieuse, ce qui prend du temps, pour les textes difficiles de l’apôtre Paul au sujet des femmes.

Mais le sujet est délicat :

  1. Il requiert une étude non négligeable
  2. Il touche l’être humain dans son identité. Il faut d’autant plus allier l’étude à l’écoute mutuelle, la conviction à la modestie. Et se garder des procès que l’on fait si facilement aux personnes qui lisent les textes d’une autre manière !

Une démarche pastorale pour une Église qui gagne

Ma démarche est avant tout pastorale.

Le sujet des hommes et des femmes est un beau sujet. Il doit nous conduire à louer le Créateur, qui nous a faits ainsi, et à apprécier à sa juste valeur la manière dont il s’y est pris en nous faisant hommes et femmes, dans l’Église et dans le monde.


[1]     Voir L. Crété, Le Protestantisme et les femmes, (Labor et fides, Genève, 1999), pp. 17-34. L’auteur montre combien les réformateurs Luther et Calvin ont agi en faveur de l’émancipation des femmes. A.-M. Pelletier se montre moins positive à ce sujet, mais peu documentée et, me semble-t-il, partiale : Le Christianisme et les femmes (Cerf, Paris, 2001, pp. 121-122).

      J.-J. Rousseau a par exemple écrit (dans L’Emile) : « Toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes de tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès l’enfance. »

[2]    C. Bard (sous dir.), Un siècle d’antiféminisme (Fayard, 1999, p. 43).

     Concevrait-on aujourd’hui que des femmes ne votent pas ? Pourtant, ce droit ne leur a été accordé qu’en 1944. Et les exemples sont légion des luttes pour le droit des jeunes femmes à l’instruction (1850, premières écoles pour filles, 1880, enseignement secondaire pour filles, première femme médecin en 1871, avocate en 1892, aviatrice 1910, etc). Je sais gré de tout cela… au Musée d’impression sur Étoffe de Mulhouse et de son exposition très documentée sur la condition féminine (mars 2016) !

      Voir l’intéressant ouvrage de Françoise et Claude Lelièvre, L’histoire des femmes publiques contée aux enfants (Presses Universitaires de France, Paris, 2001).

[3]    C. Bard, op. cit. pp. 44-45.

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