Textes bibliques

« Une bible des femmes » sous la direction de Parmentier, Savoy et Daviau #lupourvous

«En 1895, Elizabeth Cady Stanton réunit un comité de vingt femmes pour réécrire la Bible. Elles découpèrent les passages qui parlaient des femmes, et les commentèrent selon leurs convictions. Que deviendrait une entreprise de réécriture de la Bible au XXe siècle par les femmes ?»


Le livre collectif d’Elizabeth Cady Stanton «la Bible des femmes» participera grandement à la naissance du mouvement féministe américain. La terrible situation de subordination des femmes au XIXe siècle nécessitait des actions coup de poing dont le retentissement permettrait l’éveil des consciences. J’imagine aisément la tête et la réaction des conservateurs à l’idée de ce découpage de la Bible en petits morceaux… Quel sacrilège !

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Malgré le chemin qu’il reste à parcourir, nous sommes loin de la situation de ces pionnières. Ce livre-ci, lui aussi intitulé «une Bible des femmes», n’est donc pas un livre coup de poing, mais un  livre hommage  construit sur un choix de différentes thématiques que les théologiennes auteures ont jugées majeures pour les femmes d’aujourd’hui.

Voici les titres de ces thématiques/articles :

– «Les visages féminins de Dieu, chemins de vie spirituelle» par Pierrette Daviau et Diane R. Marleau

«Cachez ce corps que je ne saurais voir. La pudeur comme source d’une nouvelle conscientisation de soi» par Hanna Woodhead

«Des femmes fatales dans la Bible ? L’archétype de la femme tentatrice et séductrice» par Catherine Vialle

«Marthes débordées et Maries silencieuses ? Le service libéré de l’enfermement entre dévouement et dévotion» par Elisabeth Parmentier et Sabine Schober

«Paroles de femmes, discours de Dieu. Quand des femmes se font médiatrices entre divin et humains» par Chen Bergot et lauriane Savoy

«Le courage des femmes. (Re)penser les notions de féminité et de masculinité grâce à la femme virile du 2ème livre des Maccabées » par Isabelle Lemelin

«Histoire d’étrangères. D’hier à aujourd’hui : d’exclusion vers inclusion» par Pierrette Daviau et Lauren Michelle Levesque

«Jésus dit à la femme mise à l’écart : ‘Fille’! De la violence à la tendresse, Marc 5,25-34» par Priscille Djomhoué

«Il y a subordination et subordination ! De la séculaire soumission des femmes» par Bettina Schaller

«Sortir de la tente rouge et faire rayonner la tribu de Dina ! Deux femmes de la bible envoyées en mission» par Fidèle Houssou gandonou et Joan Charras Sancho

«La beauté des femmes bibliques. Entre oppression et souci de soi» par Anne Letourneau

«Une stérilité féconde. De la procréation à l’incarnation de la Parole de Dieu» par Priscille Fallot, Christine Jacquet-Lagrèze, Martine Milliet et Danièle Ribier

«Sauvée par la maternité ? Si Marie avait lu la lettre à Timothée» par Anne-Cathy Graber et Blandine Lagrut

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Quelques-unes des auteures, à l’UNIGE pour le vernissage. De gauche à droite: Lauriane Savoy, Hanna Woodhead, Chen Bergot, Pierette Daviau, Joan Charras-Sancho, Fidèle Houssou Gandonou et Élisabeth Parmentier.

Quelques remarques ciblées…

Difficile de faire un compte-rendu de chacune de ces interventions, tant elles sont riches, multiples et protéiformes. J’ai essayé dans un premier temps avant d’abandonner. Le format d’un article de blog ne convenait pas à tout ce que j’aurais aimé dire et affirmer concernant ce livre. Je choisis donc de faire un arrêt sur image sur quelques articles seulement ! Le choix de ces articles est forcément subjectif, il s’agit de ceux qui m’ont le plus touché. Peut-être qu’il ne vous conviendra pas, amis lecteurs, peut-être qu’attiré par un autre titre, vous auriez fait une autre sélection ! A Dieu ne plaise ! Achetez le livre, il ne vous décevra pas…

J’ai beaucoup apprécié l’article de Chen Bergot et Lauriane Savoy, «Paroles de femmes, discours de Dieu» parce qu’il touche de plein fouet une problématique encore centrale de nos jours : la difficulté des femmes à se reconnaitre  elles-mêmes comme porteuse d’un droit à parler, à affirmer une position d’autorité. L’article met en relief et en avant des femmes de la Bible qui ont pleinement assumé des rôles de porte-parole de Dieu : Déborah, Houlda, Marie-Madeleine parmi d’autres moins connues!

Le droit des femmes à être porteuses d’une parole et tout particulièrement de la Parole divine reste fragile, malgré toutes les avancées du XXe siècle en matière d’égalité hommes-femmes !

L’identité des femmes de la Bible dont cet article parle, se construit autour de l’action et de la parole et non pas des stéréotypes habituels, maternité et domesticité, ce qui est plus qu’inhabituel dans le monde biblique et de ce fait, digne d’être relevé :

«Toutes ces femmes intermédiaires entre le divin et les humains, dont la Bible a gardé la trace, nous montrent que ce qui compte avant tout pour dégager une parole faisant autorité pour changer le cours des choses, c’est l’écoute et la considération de la parole d’autrui, quels que soient l’origine, le genre et le statut social de la personne qui s’exprime.»

Un autre article très intéressant est celui sur la femme virile du 2ème livre des Maccabées, d’Isabelle Lemelin, intitulé «le courage des femmes». Tout d’abord parce que ce texte étant considéré par les protestants comme «apocryphe», il est très peu connu. Ensuite parce qu’il est indéniable que les femmes, toutes les femmes, sont courageuses !

Elles font face à des défis immenses avec une force souvent inébranlables et quand elles tombent sous le poids de la fatigue et de l’usure, elles finissent toujours par se relever et reprendre leur place dans les multiples combats de leurs vies.

Ainsi d’après Isabelle Lemelin, s’il y a un courage typiquement masculin, il ne conduit que rarement à plus de vie. Mais il y a également un courage de type humain qui n’est donc ni masculin, ni féminin. L’auteur déconstruit la pensée binaire traditionnelle autour de la notion de courage, ce qui aboutit à une transformation en profondeur de cette notion, qui se reconstruit dans le champ de l’humain et en dehors du cadre de la virilité/violence.

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Remarques générales…

J’aurai pu parler encore de l’article sur Marthe et Marie, qui m’a également touché, mais je préfère m’arrêter maintenant sur une vue globale du livre. En reprenant la liste des articles, j’ai été interpelée par le nombre important de thématiques traitant du corps féminin.

Le corps féminin est ainsi l’objet de quatre articles (autour des thèmes du corps occulté, des femmes fatales et de la beauté physique, mais aussi de la place des menstruations avec l’article mentionnant les tentes rouges), le couple stérilité/maternité est traité dans deux articles également et complète ainsi le paradigme de la perception du corps par celui de la production ou le refus de la production du corps. Rien, ou si peu de choses ont finalement changé depuis les temps immémoriaux de la rédaction de ces textes: Les hashtags d’aujourd’hui démontrent le douloureux rapport des femmes à leurs corps lorsqu’il est l’objet du désir des autres. La réflexion autour de ce thème s’avère donc primordiale pour que le christianisme retrouve une voix qui porte haut la conscience de la valeur de l’humain au-delà et en dehors de ce que son corps représente ou apporte. D’autres réflexion autour de sujets brulants actuels (PMA, GPA, par exemple) se construisent sur la base de cette compréhension globale et première de la valeur d’un être humain.

L’impact et  la place de ce corps féminin dans la société semble être un second axe de réflexion autour des figures de Marthe et Maries, femmes boniches ou femmes potiches mais aussi des femmes qui parlent pour Dieu et refusent de se taire acceptant d’être des intermédiaires entre le divin et l’humain, des «mères courage» du livre des Maccabés, en bref, sortant des femmes qui sortent des cases qui leur sont traditionnellement dévolues.

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Un troisième axe relève les zones de combat. Trois articles pointent quelques formes de violences traditionnellement faites aux femmes : l’exclusion des étrangères, la violence faite aux femmes déjà victimes, la mauvaise compréhension de la soumission exigée des épouses…

Ainsi, en conclusion, je dirais qu’il y a une triple articulation dans ce livre à la couverture si chatoyante, même si les articles ne sont pas regroupés de cette manière-là dans l’ouvrage. Cette triple articulation continue l’œuvre commencée par Elisabeth  Cady Stanton. Il ne s’agissait pas de refaire ce qui avait déjà été fait, mais de donner aux femmes d’aujourd’hui des clés pour qu’elles puissent vivre pleinement les combats qui sont les leurs. En ce sens, ce livre réussit pleinement ce qu’il se propose. Il pointe les zones  de combat du XXIe siècle :

–  Le corps des femmes, champ de bataille dans certains lieux du monde, utilisé comme lieu de production d’êtres vivants ailleurs… C’est si beau, si magnifique un corps de femme ! Si effrayant quand il donne la vie, ou quand il refuse de la donner, quand il saigne. Il fait peur. Aux hommes, à la société. Faut-il le cacher ? L’exposer ? l’utiliser ? le rentabiliser ? Tant de questions se posent toujours et encore au sujet du corps des femmes…

–  La place et l’apport de la personne qui habite ce corps, qui l’incarne, dans la société : Justement parce qu’elles ne sont pas qu’un corps, elles ont le droit à la parole, à l’autorité, à l’action. Ces choses font aujourd’hui parti de la vie des femmes et sont malgré tout régulièrement remises en question d’une manière ou d’une autre.

– Et puis il y a ce refus de la violence, si contemporain à l’heure des Hashtags, la déconstruction des paradigmes sociétaux valorisant ou banalisant les violences faites aux femmes.

La modernité de ce livre, sa prise avec le réel actuel, est indéniable et il va être incontournable dans la catégorie des livres féministes, que l’on soit d’accord ou pas avec l’ensemble des articles.

Reste un article… un inclassable, le premier! Celui sur les visages de Dieu… Je l’aurai mis en conclusion. Parce que « Dieu au féminin » est présent tout au long des Écritures et qu’il nous invite à sa suite, nous, tous les disciples du Christ, que nous soyons hommes ou femmes. Afin que sur ce chemin, nous grandissions en sagesse, en humilité, en force tout en apprenant à faire une place dans nos différentes compréhensions de Dieu à la pluralité de ‘ses faces’.

Le livre est en vente sur ce lien.

Joëlle Sutter-Razanajohary est pasteure de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France dont elle a été Secrétaire Général de 2020 à 2023. Elle est la fondatrice du blog 'Servir Ensemble'. Elle est également autrice de livres ("Qui nous roulera la pierre?", Empreinte, 2018; "Une invitation à la danse. La métaphore conjugale dans la Bible" Olivetan, Mai 2021) et de nombreux articles.

2 comments on “« Une bible des femmes » sous la direction de Parmentier, Savoy et Daviau #lupourvous

  1. Claire Poujol

    Merci de la recension. Je viens juste de le finir, mais je le relirai tellement il est riche. J’ai été touchée beaucoup par Marie la mère de Jésus. C’était une femme … comme nous !

  2. Ping : Une Bible. Des hommes. #lupourvous – Servir Ensemble

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