Textes bibliques

Priorité à l’Esprit

Priorité à l’Esprit pour les implications des femmes dans les fonctions d’autorité[1] d’Église?

Assurément! C’est la position que défend Gordon D. Fee, professeur de Nouveau Testament dans son article « The Priority of Spirit Giving for Church Ministry » (littéralement: « la priorité du don de l’Esprit pour le ministère dans l’Église) du livre « Discovering Biblical Equality, Complementarity without Hierarchy« . Merci à Robin Reeve pour la traduction de la conclusion de cet article.

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C’est une chose que de permettre, comme beaucoup le font, la priorité à la dotation par l’Esprit[2] pour les ministères verbaux susmentionnés. C’en est bien une autre, argumenterait-on, que des femmes aient accès à des fonctions d’autorité dans l’Église. Alors, il est important d’apporter quelques mots de conclusion sur ce sujet. Nos problèmes présents sont compliqués, en particulier, par les ambiguïtés soulignées dans la première section de cet essai. Et il faut redire en toute sincérité que le témoignage biblique n’exprime tout simplement pas le même niveau d’urgence à traiter de cette question que celle qu’on peut trouver dans bien des secteurs de l’Église contemporaine – sans parler de l’histoire de l’Église en général.

Vu que les données bibliques sont soit inexistantes soit au mieux ambiguës, il y a en général trois orientations à adopter sur le sujet :

  1. Essayer de rassembler les indices de manière à interdire aux femmes les fonctions de directions
  2. Dans l’autre sens, rassembler les indices pour les promouvoir
  3. Admettre que le Nouveau Testament ne donne tout simplement pas d’enseignement sur cette question et laisser la priorité à la dotation par l’Esprit.

À l’évidence, j’opte pour ce dernier choix. Et, pour soutenir mon point de vue, je voudrais faire quelques remarques.

Pas d’instruction explicite et intentionnelle

Premièrement, le fait que la révélation biblique ne montre pas de préoccupation au sujet de la nature et des structures de l’ordre de l’Église devrait attirer notre attention. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas des traces de certaines sortes de structures, bien que le concept de « fonctions d’autorité » soit en lui-même discutable. Cela ne remet pas en cause le fait que la charge de direction qui émerge dans les documents néotestamentaires soit premièrement masculine ; c’est en effet le cas. Mais, répétons-le, cela signifie que ses auteurs ne montraient pas un intérêt suffisant sur ces questions pour donner une instruction explicite et intentionnelle à leur sujet.

Paul ne s’adresse jamais aux responsables d’Églises

Ainsi, il y a un élément indicatif, souvent ignoré, dans les écrits de Paul, qui devrait nous frapper mais ne le fait apparemment pas souvent : Paul ne s’adresse jamais aux responsables des Églises quand il leur écrit[3], soit pour gérer une situation qui a mal tourné soit pour les féliciter du travail bien fait. Même dans les Épîtres Pastorales (1 et 2 Timothée et Tite), Paul écrit aux Églises d’Éphèse et de Crète au travers de Timothée et de Tite, parce que ces collègues plus jeunes étaient là-bas à sa place, et non parce qu’ils étaient des responsables permanents. Dans les deux cas, les lettres sont claires qu’il désire qu’ils s’en repartent en temps voulu (2 Tim 4.9 ; Tit 3.12), et dans aucune des deux situations ne leur donne-t-il d’instruction de remettre à des responsables locaux la charge de corriger la situation.

La raison pour cet état de faits semble tout à fait évidente ; la plupart des lettres de Paul s’adressaient à ses propres Églises, où il se comprenait lui-même comme ayant le rôle principal de direction. Mais pourtant, il est très remarquable qu’il ne parle jamais aux responsables, ni n’adresse ses lettres aux responsables, comme à ceux qui auraient la charge de mettre en œuvre les directives. Il dit occasionnellement à la communauté de « reconnaître » ses conducteurs, mais le langage se présente sous forme de verbes décrivant leurs activités plutôt que de noms qui indiquent leur « fonctions d’autorité » (voir 1 Th 5.12-13). De plus, c’est aussi le cas dans l’unique lettre à une Église (Romains) dont on est sûr qu’il ne l’a pas fondée et sur laquelle il ne ressentait apparemment aucun sens de juridiction.

Les rôles de direction, un souci plus tardif

Mon argument est simple. Le souci au sujet de ces questions semble apparaître en un temps plus tardif dans l’Église (cf. 3 Jn) et peut être trouvé en plein développement dans les lettres d’Ignace, à partir de la seconde décennie du deuxième siècle de l’ère chrétienne. Mais elles ne font pas partie des écrits de Paul. Comment se fait-il, peut-on se demander avec étonnement, que l’Église ultérieure puisse dépenser tant d’énergie pour « mettre les choses au clair » au sujet des rôles de direction, quand le Nouveau Testament lui-même montre si peu d’intérêt pour cette question ?

Finalement, la raison de mettre l’accent sur la dotation l’Esprit comme clé, tant pour le ministère que pour les charges de direction, est qu’elle reconnaît la priorité des dons sur le genre de la personne ; et c’est certainement là une manière biblique d’aborder les choses. Non que la dotation par l’Esprit ne demande pas d’être discernée ; elle doit l’être assurément. Après tout, c’est ce qui est exprimé de manière très directive en 1 Thessaloniciens 5.19-22.

3 avantages à emprunter un chemin biblique

Cependant, en fin de compte, il y a trois avantages à emprunter ce chemin de manière biblique, plutôt que de s’engager à accumuler une masse d’information implicite et d’en faire une norme pour tous les temps et tous les lieux.

  1. Moins d’accent sur l’autorité et plus sur le ministère

Premièrement, cette approche met moins l’accent sur l’autorité que sur le ministère. La priorité de la dotation par l’Esprit ne mène pas, en général, à la question : « Qui est le responsable par ici ? »[4] Bien plutôt, il donne à toute la communauté la liberté de discerner et d’encourager les dons au sein du corps, afin que tous puissent grandir et être édifiés. Peut-être une telle priorité pourrait-elle mener à une question bien plus importante : Exerçons-nous tous un service et sommes-nous tous au bénéfice d’un service accompli dans l’amour par l’Esprit de Christ? [5]  (Rm 12.1 ; 1 Co 12-14)

2. Être mâle ne signifie pas avoir le don du ministère

Deuxièmement, ce chemin évacue un très ancien problème qui se révèle souvent dans les lieux de formation, où bien des étudiants masculins pensent qu’ils ont le don du ministère précisément parce qu’ils répondent à la première exigence assumée : le fait d’être des mâles. Commencer avec le genre plutôt qu’avec les dons et la vocation, c’est mettre l’accent au mauvais endroit, en particulier pour le peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, où il n’y a plus de prêtrise[6] (du moins pas comme appartenant la révélation biblique !). En outre, Dieu a explicitement annoncé qu’il déverserait son Esprit sur toutes les personnes pour le ministère prophétique (Jl 2.28-29[7]), où « tous » est explicitement défini dans les catégories de hommes/femmes, esclaves/libres et jeunes/vieux.

3. Le ministère, une rue à deux sens

Troisièmement, et c’est là le plus important, cette voie ouvre la porte à la possibilité que le ministère soit sur une rue à deux sens. C’est un triste constat au sujet de l’Église et de sa compréhension du Saint-Esprit que la direction « officielle » et le ministère ne soient autorisés que de la part de la moitié de la communauté des croyants. Le témoignage du Nouveau Testament est que le Saint-Esprit inclut les deux sexes[8], distribuant ses dons tant aux hommes qu’aux femmes et ainsi, potentiellement, libérant le corps entier pour les nombreux secteurs à administrer et pour donner, de manière variée, l’autorité aux autres.

Ainsi, ma motivation essentielle n’est pas d’élaborer un agenda féministe – une défense des femmes dans le ministère. Bien plutôt, elle est un agenda de l’Esprit, un appel pour la libération de l’Esprit de nos crispations et de nos structures[9] de manière à ce que l’Église puisse être au service d’elle-même et du monde avec plus d’efficience.


Taken from « The Priority of Spirit Gifting for Church Ministry » by Gordon D. Fee from Discovering Biblical Equality edited by Ronald W. Pierce and Rebecca Merrill Groothuis. ©2005 by Ronald W. Pierce and Rebecca Merrill Groothuis.  Used by permission of InterVarsity Press, P.O. Box 1400, Downers Grove  IL  60515-1426. www.ivpress.com

Les pages 252-254 ont été traduites par Robin Reeve


[1] Je traduis systématiquement par « fonction d’autorité » le terme anglais « office », qui évoque un rôle de direction, dans le contexte de l’article de Gordon Fee.

[2] Je traduis « Spirit gifting » « dotation par l’Esprit », pour conserver le centrage de l’expression originelle sur l’opérateur du don (l’Esprit) là où « les dons de l’Esprit » met plus l’accent sur les charismes.

[3] L’exception, apparemment troublante, de Philippiens 1.1 est en fait un bon exemple. Paul s’adresse à toute l’Église « ainsi qu’aux évêques », peut-être dans ce cas, parce que deux d’entre eux étaient des femmes qui ne voyaient pas les choses du même œil ; et quand il s’adresse à quelqu’un à la deuxième personne du singulier de prendre en charge le problème (Php 4.3), il est très vraisemblablement en train de parler à un de ses compagnons itinérants fiables, peut-être à Luc. Voir Gordon D. Fee, Paul’s Letters to the Philippians, NICNT (Grand Rapis, Mic. : Eerdmans, 1995), pp. 66-69, 393-95.

[4] « Who’s in charge around here ? »

[5] « Are we all ministering and being ministered to in love by the Spirit of Christ ? »

[6] NdT : Fee ne nie pas ici le sacerdoce universel, mais rejette l’idée d’une prêtrise différenciée d’un laïcat.

[7] NdT : Jl 3.1-2 dans nos éditions modernes

[8] « is gender inclusive »

[9] Fee joue ici sur les mots : « for the releasing of the Spirit from our strictures and structures »

servirensemble.com est le fruit de différents auteurs et c'est la richesse de ce blog. Vous trouverez le nom de cet auteur à la fin de l'article. Vos contributions sont les bienvenues, contactez-nous!

6 comments on “Priorité à l’Esprit

  1. Mme LEANDRI

    Bonjour,
    En accord avec l’auteur, je tiens à signaler le témoignage d’un journaliste américain (envoyez moi le nom si vs le connaissez) du début du XX ème siècle. Cet homme incroyant, mais intéressé par le mouvement de réveil a écrit cette histoire. Il a été étonné par le fait qu’ en pleine ségrégation raciale, les noirs et les blancs fraternisaient ds les mêmes églises et les femmes prêchaient dans les rues. Dés que le mouvement s’est organisé, il a vu les églises de noirs et de blancs réapparaitre, et les femmes interdites de prédication dans les églises.
    (Il est évident que les préjugés reprennent le dessus quand le souffle de l’Esprit diminue !)

  2. Ping : « Une femme peut-elle être pasteur ? »

  3. Ping : Pourquoi j’ai changé d’avis au sujet des ministères féminins (2)

  4. Ping : Pourquoi l’apôtre Paul ne permet-il pas à la femme d’enseigner (1 Tim 2.12)? – Servir Ensemble – un blog pour stimuler la réflexion sur la collaboration des hommes et des femmes dans l'Eglise

  5. Ping : Ordre créationnel et autorité – Servir Ensemble – un blog pour stimuler la réflexion sur la collaboration des hommes et des femmes dans l'Eglise

  6. Joelle Cjb

    Je tiens à vous remercier infiniment et à vous manifester ma gratitude pour un si grand apport relatif au sacerdoce féminin. Je suis actuellement en train de compléter une MA.Th. et mon mémoire se portera sur ce sujet. Je vous suis vraiment reconnaissante! Continuez votre bon travail en vous mettant toujours à l’écoute du Saint-Esprit!
    Joelle (Pasteure de l’Église du Nazaréen L’Aquarium)

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