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« Les hommes sont-ils obsolètes ? » de Laetitia Strauch-Bonart #lupourvous

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D’un côté de la planète, en Orient, des pays comme la Chine et l’Inde voient les filles maltraitées voire, « éliminées », histoire que les familles soient sûres de bénéficier de tout ce qu’un garçon peut leur apporter. De l’autre côté de la même planète, en Occident, les garçons semblent perdre pied à force de « privilégier » les filles, que ce soit à l’école, au travail et dans les familles…
Laetitia Strauch-Bonart enquête sur ce qu’elle appelle « la nouvelle inégalité des sexes » et écrit un livre percutant parce que construit sur des chiffres que personne ne conteste, voire même que plusieurs autres auteurs de tous bord ont déjà relevés. Elle affirme que la gente masculine va mal depuis que la gente féminine demande l’égalité et que cela commence déjà à l’école primaire! L’auteure va jusqu’à craindre, dans une courte dystopie ouvrant l’ouvrage, une « obsolescence programmée » des hommes aboutissant à des scénarios de type révolutions violentes.

Je suis relativement d’accord avec un grand nombre de constatations faites dans ce livre (tout comme dans celui d’Olivia Gazalé, « le Mythe de la virilité » et bien d’autres encore) et je vous en livre ici quelques points qui n’ont pas fini de m’interroger :
– En introduction, un constat : « Dans notre monde, pacifié et technologique, les hommes sont-ils en passe de devenir obsolètes ? (…) C’est cette histoire que je souhaite raconter, celle d’un sexe qui, en perdant une part de ses privilèges, a peut-être perdu sa raison d’être. » p.16
– Dans le chapitre sur les difficultés des petits garçons à l’école, elle cite un sociologue américain, pages 63 à 70 : « Dans la cour de récréation, leurs jeux sont plus actifs, voire violents. Ils sont souvent réprimandés pour leur impulsivité. Or en classe, on leur demande de parler, de lire et d’écrire et de rester sagement assis, ce qui pour eux ne va pas de soi. Certains experts aux Etats-Unis comme en Europe, concluent que la féminisation du personnel enseignant, en croissance dans les dernières décennies, est inadaptée aux besoins masculins »… « le système éducatif a eu tendance à trop avancer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, en en faisant une priorité de l’école maternelle. Or personne ne s’est interrogé sur l’effet de ce changement sur les garçons, dont les capacités cognitives semblent maturer plus lentement que celles des filles. Et s’ils n’étaient pas prêts, à cet âge, à absorber les rudiments du langage écrit ? En conséquence, les garçons ont été les victimes d’attentes inadaptées à leur singularité. »
– Puis en abordant le chapitre du travail, l’auteure note : « Sous l’effet du progrès technique, les métiers routiniers moyennement qualifiés ont tendance à disparaître car ils sont automatisables, tandis que subsistent des métiers très qualifiés et très peu qualifiés, en particulier dans les services – le marché du travail se partageant entre ces deux pôles. Vraisemblablement, même si elle touche les deux sexes, cette polarisation a un effet plus délétère sur le travail masculin. »
– Sur l’évolution du travail féminin au siècle dernier, elle affirme  que « l’évolution de l’activité professionnelle n’a pas le même sens pour les deux sexes. Les femmes ont remplacé une partie du temps qu’elles passaient à s’occuper de leur foyer par celui qu’elles passent aujourd’hui à travailler. (…) La situation des hommes est inverse : les ‘hommes sans travail’ ne semblent pas compenser leur perte par un investissement accru dans la sphère privée. » p.110
– Sur l’évolution du travail d’une manière générale, « Bientôt, le marché du travail valorisera plus encore les compétences relationnelles et communicatives. Cette évolution a profité aux femmes dans le passé, dans le cadre de la tertiarisation de l’économie et devrait continuer à le faire»
Dans les chapitres suivants, l’auteure reprend plusieurs études scientifiques mettant en évidence les différences « naturelles » existant entre garçons et filles, différences expliquant les choix de filières de formation et de professionnalisation, bien davantage selon elle, que l’explication de la discrimination genrée.

Hommes et femmes « expriment des intérêts et des aspirations distincts qui sont très largement réels et légitimes. » p.145. Elle regrette que « 50 ans après la naissance du féminisme de la deuxième vague, il est encore tabou d’exprimer l’idée que les femmes sont nombreuses qui trouvent le bonheur et se réalisent d’une manière qui diverge de la norme masculine » tout en pointant du doigt la nécessité actuelle d’une éducation qui prenne en compte la ‘différence masculine’, aujourd’hui largement méconnue des structures scolaires.

Elle prévient également du risque que « les différences naturelles entre garçons et filles, puis entre hommes et femmes, ne donnent lieu, parce qu’on les aura niées, à des inégalités bien plus fortes que si on les avait reconnues de prime abord. »
Une grande partie du propos de l’auteure me parait juste et en adéquation avec ma foi. Mais sa conclusion me laisse rêveuse…

Car enfin, après avoir prôné la prise en compte des spécificités masculines dans le système éducatif, afin qu’ils parviennent à une meilleure intégration dans une société jugée plus féminine pour cause d’évolution technologique premièrement, en arriver à dire qu’ « accepter la particularité masculine, c’est aussi comprendre que la grande majorité des hommes ont besoin de se sentir utiles aux leurs et de subvenir à leurs besoins » revient presque à annuler son propre propos. Surtout en appuyant cela d’un commentaire affirmant qu’il s’agit là d’un idéal pour le plus grand nombre. L’auteure ne nous avait-elle pas prévenus d’ailleurs en introduction : la raison d’être des hommes est le maintien de leurs privilèges…

La notion de ‘soutien de famille’ revêt pour l’auteure les caractéristiques d’un ‘moteur puissant’ pour la réalisation des hommes d’aujourd’hui… et voilà comment, en essentialisant les hommes et en les réduisant à leur force de travail, on renvoie gentiment les femmes dans leur cuisine !
Fin bancale donc, et c’est dommage, pour un livre intéressant parce qu’il pose la question essentielle de l’harmonisation du vivre ensemble des hommes et des femmes dans les différents lieux qu’ils occupent depuis la maternelle jusqu’aux lieux de travail.
Je reste néanmoins sur ma faim pour plusieurs raisons :
– Parce que les pistes concrètes abordées très tardivement dans le livre pour un mieux-être masculin sont à peine esquissées, incomplètes et me semblent également promouvoir trop explicitement le retour au foyer des femmes.   Le travail des femmes poserait-il problème à l’auteure?   En gros, il faudrait: « renforcer la responsabilité masculine … en favorisant la prospérité économique, qui crée de l’emploi et en promouvant le mariage »… Une seule ligne, et dans la conclusion… Dommage!
– Parce que l’essentialisation des hommes, par un processus de réduction de leurs êtres à leur force physique, transpire à chaque ligne de ce livre et que nulle part, jamais, ne surgit une ouverture à une quelconque transcendance. Les féministes refusent avec raison l’essentialisation des femmes, la réduction de leur être à des fonctions comme la maternité ou la conjugalité, il faudrait peut-être envisager cela également pour les hommes, non? L’accent fortement placé sur le « monde pacifié » comme source de problème pour les garçons est  juste (la pléthore de jeux vidéo de guerre le prouve) mais n’aboutit à aucune réflexion. L’auteure pense-t-elle qu’il  faudrait une bonne guerre pour que les garçons retrouvent un sens à leur existence?

– Parce que le vivre ensemble n’est pas abordé, malgré un rejet ferme des écoles non-mixtes.  L’auteure n’aborde pas ce que chaque sexe pourrait apporter à l’autre, hormis la ligne de conclusion indiquant l’importance que le sentiment d’être utile revêt pour les hommes et que les femmes devraient en tenir compte. Elle parle de « valeurs masculines positives » p.204, les référant aux garçons évidemment, mais sans jamais  les définir…
La question demeure donc intacte: comment aider les hommes à sortir d’une compréhension de leur identité masculine encore trop largement orientée vers et construite sur la notion de domination des femmes (le leadership des femmes dans la version chrétienne actuelle). Sociologues, essayistes et autres tournent en rond parce qu’ils n’intègrent pas à leurs données ce que dit la bible en ses premières pages : l’humain, qu’il soit homme ou femme, est un subtil mélange de matières organiques et de souffle divin…
Bon, cela dit, on ne devrait pas attendre ou espérer de transcendance dans un livre comme celui-là. Mais quand même, que reste-t-il de nous, hommes et femmes lorsque l’on supprime cela ? Des machines à travailler d’une part, des machines à bébés ou à plaisir de l’autre… (La servante écarlate)

C’est l’ensemble de la réflexion qu’il faudrait donc reprendre en y intégrant quelques lignes de réflexion à mon sens essentielles, qui seules pourront donner sa véritable dimension à l’humain :

Avant même que d’être un homme ou une femme, en tant qu’humain, je suis destiné premièrement à vivre une relation avec Dieu… Et cela change tout ! Deuxièmement, en tant que disciple du Christ, dépositaire de son Esprit, les valeurs masculines de courage, de force, de combat, tout comme celles féminines, d’accueil, de soins font partie de ce que je suis amené à vivre, et ce que je sois un homme ou une femme!

L’apôtre Paul dit  en effet ces deux choses en apparence contradictoires:

A nous, chrétiens, de montrer comment cela peut se vivre sans que l’un des sexes ne prévale sur l’autre, quel qu’il soit et de quelque manière que ce soit!

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