Actualités

La servante écarlate

ob_a3d543_servante-ecarlate

C’est l’été ! L’occasion de sortir du train-train quotidien en regardant une bonne série. Pour celle-ci on repassera pour la légèreté, mais au moins il y a du contenu ! Une découverte marquante de l’année 2017 a été la sortie de la série « la servante écarlate » ( à chercher sous son titre anglais : The handmaid’s tale). A l’origine, un roman de Margaret Atwood publié en 1985 actuellement numéro 1 des ventes. La série est sombre, parfois difficile à regarder. Et pourtant, la critique du totalitarisme religieux est brillante.

L’histoire

Le spectateur est happé dans un monde qui vire au cauchemar. Les responsables religieux sont au pouvoir et choisissent de structurer la société d’une nouvelle manière. Des femmes sont délogées de leurs emplois, arrachées à leurs familles puis triées en cinq castes :

  1. les Épouses qui règnent en patronnes sur leurs maisons
  2. les Marthas qui les assistent dans la tenue du ménage et la cuisine
  3. les Servantes Écarlates dont le but est de porter les bébés des épouses
  4. les Tantes qui forment les servantes à l’obéissance et à la soumission afin qu’elles puissent accomplir leur destin
  5. les Ouvrières pauvres qui manipulent les déchets toxiques dans les colonies.

Le but de tout cela ? Relancer la fertilité malmenée par la pollution dans une société contrôlée par des hommes.

L’atmosphère est lourde et pesante, le tout est emballé de discours religieux, de prières, d’expressions à connotation religieuses. Dans cet univers totalitaire, le spectateur découvre la vie de Defred (puisque attribuée au commandant Fred), une servante écarlate dont la mission est de porter un enfant pour un couple de patrons. Lors du changement de régime, elle a été brutalement arrachée à sa vie d’avant. Elle a perdu contact avec son mari Luke et sa propre fille a été placée dans une famille plus vertueuse et méritante par les autorités. Défiant ce pouvoir abusif et risquant sa vie, elle tente de les retrouver : eux, son unique raison de vivre.

Il nous est interdit de nous retrouver en tête à tête avec les Commandants. Notre fonction est la reproduction. […] Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n’est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets.

7502661_saison-2_940x500

Un avis

L’histoire est bien menée, rythmée. Comment ne pas se perdre soi-même dans un environnement si contraignant et si violent ? Comment ne pas oublier ses souvenirs et continuer à penser en être libre malgré la contrainte ? Comment continuer à exister dans toute sa richesse quand nulle place n’est laissée aux particularités ? Cette série sonne comme un avertissement contre le totalitarisme aux sociétés contemporaines.

  • Les violences justifiées religieusement

Aucune religion n’est visée en particulier mais les codes propres à toutes les religions sont repris : les femmes voilées, la mission féminine réduite à la procréation, les cérémonies, les justifications d’abus par du verbiage pieux, les prières, la hiérarchie, etc. Certains y ont vu de l’anticléricalisme mais il faut bien admettre que « la servante écarlate » touche juste sur la réalité de nombreux systèmes oppressifs religieusement justifiés.

  • Les violences sexuées

La réalité des femmes, et particulièrement de Defred est violente et destructrice. Par soumission, Defred doit se plier à des violences verbales, des violences physiques et sexuelles sans jamais ne se révolter ni dire sa peur et sa douleur. Cette séparation par castes produit de la violence de toutes parts et celles qui sont au plus bas de l’échelle sociale en sont les premières victimes.

Dans ce monde, où règne la violence les hommes et les femmes souffrent et sont isolés les uns des autres. Les hommes de la caste inférieure n’ont pas le droit d’avoir une femme et ceux qui gouvernent vivent dans la peur. Chacun se méfie de son voisin. Les pendaisons sont fréquentes et les lapidations occasionnelles sont dissuasives. Les milices armées assurent le maintien de l’ordre. Un homme qui ne respecte pas le cadre imposé parce qu’il a des relations sexuelles non approuvées par le régime, qui est suspecté de viol ou d’homosexualité peut lui aussi être déporté et tué.

Un pamphlet contre la bêtise

La servante écarlate est, pour reprendre les mots d’Ether, « un pamphlet contre la bêtise ». La bêtise humaine, la bêtise religieuse poussée à son comble où les textes bibliques sont utilisés pour dominer les autres et les faire taire. La bêtise, enfin, qui estime que la fin justifie les moyens, pourvu qu’on fasse les bonnes prières. Quand les humains cherchent à se dominer les uns les autres, tous en souffrent. Lorsque l’étau se referme ceux qui pensaient en tirer profit se retrouvent bien souvent pris à leur propre piège.

Comment réagir au sein d’un système injuste? Defred, la servante écarlate dévoile son chemin de liberté au spectateur. Dans un système à priori verrouillé, elle trouve des voies détourneées pour s’exprimer. Une liberté que tous et toutes peuvent découvrir peu importe les circonstances.

Le spectateur contemporain peut se sentir bien loin des réalités présentées et pourtant elles interpellent. Même si le patriarcalisme prend aujourd’hui souvent une forme plus civilisée dans le monde occidental, des forces similaires sont à l’œuvre: cacher et réduire au silence, enfermer dans des rôles et blesser pour purifier. La tache des chrétiens est d’alerter et de prendre position pour les plus faibles. Cela participe dès à présent à un monde où chacun pourra servir Dieu avec les dons qui sont les siens dans la dignité et le respect.

3 comments on “La servante écarlate

  1. Ping : « Les hommes sont-ils obsolètes ? » demande Laetitia Strauch-Bonart !

  2. Marie-Claire

    Cette série est un chef d’oeuvre. La j’entame le livre!

  3. Joel H

    Belle analyse de cette série ou la violence des dominants (mâle trop souvent !!) est difficile à regarder….âmes sensibles s’abstenir… mais qui jette un regard cru sur nos errances si faciles à justifier avec quelques versets bien trouvés.
    Où est l’amour du Christ dans un monde fait de codes religieux ?

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Servir Ensemble

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading