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« Quand Paul ‘accouche’… Ou ‘la maternité spirituelle pour tous’ !»

Comme chaque année, voici venu le temps d’offrir des fleurs à nos mamans. Elles qui ont su nous amener à la vie, nous entourer de leurs soins prévenants, nous bercer de leurs voix dans les moments difficiles, sont dignes d’êtres fêtées …
Donner la vie constitue un ‘privilège exorbitant’ de la femme sur l’homme (selon Françoise Héritier) et pourtant le Nouveau Testament ne l’institue pas en valeur suprême. Il semble même que ce soit plutôt le contraire: Non seulement, la place et la valeur de la maternité (ainsi que les soins domestiques qui en découlent) semblent diminuées dans la vie des femmes (Lire les épisodes de Luc 11 : 26-27 et Luc 10 : 38-41), mais en Christ, la maternité spirituelle, qui est le privilège des femmes dans la dimension biologique, peut être vécue par les hommes ! Bien plus, elle doit être vécue par les hommes et les femmes de manière égale : Elle est le lieu de la plus haute expérience spirituelle, celui de la plus grande joie. Luc 15 :7 ‘De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance ‘.

Lorsque l’apôtre Paul affirme en Galates 4 :19-20 « Mes enfants, pour qui j’éprouve de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Christ soit formé en vous, je voudrais être maintenant auprès de vous, et changer de langage, car je suis dans l’inquiétude à votre sujet», il prouve sa profonde compréhension des processus par lesquels passe un être humain depuis sa conversion jusqu’à sa maturité spirituelle et c‘est aussi pour cela qu’il affirme que pour lui, « il n’y a plus ni homme ni femme » en Christ (Galates 3:28).
« Le disciple du Christ partage en effet avec l’Adam féminin la position d’accueillant de la Parole. Son cœur est comme une terre, tantôt asséchée tantôt fertile, mais qui doit être travaillée afin d’être prête à être ensemencée, comme le corps mûr de la femme est prêt à être fécondé par la semence masculine. Dans la grande métaphore nuptiale qui traverse toutes les Écritures, hommes et femmes se retrouvent ensemble du côté féminin, face au grand masculin qu’est Dieu, Esprit qui féconde et vivifie toutes les créatures. Mais le disciple du Christ partage aussi avec l’Adam masculin, l’invitation à passer à l’action, à répondre à l’appel que la parole lui adresse. Si Dieu envoie sa parole dans un cœur, ce n’est pas pour qu’elle reste sans effet, mais c’est pour qu’elle produise son fruit de vie, de force et d’abondance, d’initiative et de projet. Tous sont appelés à devenir des «Christophores», des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie.
Le disciple du Christ vit ainsi successivement les deux dimensions de la masculinité et de la féminité devant Dieu et rassemble en lui-même:
– des valeurs caractérisées comme masculines: force, vaillance, détermination du guerrier et du combattant, (espace et action) comme dans Éphésiens 6: 10 à 12.
des valeurs caractérisées comme féminines, comme dans Galates 5:22 , Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance – (toutes ces caractéristiques étant du domaine de la relation et de la gestion du temps). »
Extrait de Qui nous roulera la pierre, Les femmes dans l’église, Empreinte du temps présent, mai 2018.

La place des hommes dans les ministères de soin

Ces dernières décennies ont vu des femmes prendre des places jusque là réservées aux hommes, dans des postes de direction et de commandement jusque dans les plus hautes sphères étatiques. Dans les églises également, des femmes se lèvent et affirment être appelées à œuvrer en tant qu’apôtres et prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs ; cela continue de susciter des remous parfois légers, parfois violents, certains y voyant un signe d’apostasie. Les articles, livres, conférences et autres évènements à ce sujet sont nombreux et je ne vais pas le regretter ! Mais il me semble que la manière dont le sujet est abordé est souvent déséquilibrée, tout simplement parce que le sujet complémentaire de ‘la place des femmes dans les ministères d’autorité’, c’est-à-dire, ‘la place des hommes dans les ministères de soin’, reste négligé…

Trop peu d’hommes se sentent ainsi ‘appelés’ à prendre place à côté de leurs épouses dans l’éducation de leurs enfants, se perçoivent compétents en la matière. Soit ils abandonnent le terrain à leurs épouses (et parfois, elles en sont bien aises…) ou ils rebroussent chemin à la première difficulté. Et le sujet passe à la trappe!
Faut-il donc un appel particulier pour devenir une mère spirituelle ? C’est-à-dire une personne qui nourrit, qui prend soin, qui accompagne un enfant -qu’il s’agisse de l’enfance biologique ou spirituelle ? Est-ce réservé aux femmes ? Je réponds un NON tonitruant à toutes ces questions. Je crois en la « maternité spirituelle pour tous » et je regrette que dans nos communautés, il en soit si peu question…
Parce qu’enfin, cette grande métaphore de l’accouchement traverse toutes les Écritures aussi bien à propos de l’histoire humaine, vue comme le lieu de la naissance du royaume messianique qu’à propos de notre propre enfantement à ce royaume. Regardons-y d’un peu plus prêt à partir du pôle biologique de la métaphore!

3 éléments sont nécessaires pour qu’un être humain vienne au monde:

1. Une conception

la rencontre entre deux réalités différentes et complémentaires, spermatozoïde et ovule dans la réalité biologique, cœur humain et parole divine dans l’autre ! Mais qui déposera cette parole, semence de vie dans les cœurs assoiffés si ce n’est le disciple?

2. Une gestation

L’enfant grandit lentement dans l’obscurité du ventre de sa mère et la parole divine fait son œuvre secrètement dans le cœur humain dans lequel elle a été plantée. Mais qui en prendra soin ? Qui veillera à ce que les oiseaux du ciel ne l’arrachent du terrain dans lequel elle a été plantée, si ce n’est le disciple?  Et qui fournira l’effort nécessaire pour la croissance de la nouvelle créature avant même que quelqu’un ne la voit, si ce n’est le disciple?

3. Un accouchement

C’est « la voix de l’Éternel qui fait mettre bas les biches » psaumes 29 :9 mais qui est la sage-femme, qui accompagne ce mouvement vers la vie par la prière et la paix, si ce n’est le disciple ?
Nous pouvons aller encore plus loin, parce que pour qu’un être humain devienne adulte, il faut de la même manière que trois choses lui soient consacrées : Du temps, des forces nourricières, de la place pour grandir… Trois réalités cette fois-ci portées par la mère et par le père conjointement. Le parallèle entre la vie ‘dans la chair’ et la réalité de la croissance spirituelle continue à être évident, tant il est vrai que la plupart des étapes de croissance se manifestent sous la forme d’une gestation, par une crise, par des contractions, par des accouchements.

Alors en cette période où la maternité biologique est exaltée, je voudrais rêver d’une Église dans laquelle les hommes accepteraient sans crainte de « devenir enceinte », de porter ce fruit éternel qu’est l’accompagnement d’un être humain dans la vie nouvelle, puis de lui prodiguer des soins tout maternels par la prière, l’écoute, une aide appropriée (parfois paternelle !), des conseils sages.
Messieurs, n’ayez pas peur ! Vous n’y perdrez pas votre masculinité, bien au contraire ; car il est une façon ‘masculine’ d’être maternel, d’accompagner la vie de sa naissance à sa maturité, et elle vous appartient à vous seuls. Paul lui-même n’a pas eu peur de paraître ‘maternel’. Il savait combien la paternité et la maternité spirituelle dépassent les clivages de genre, «Je n’ai pas de plus grande joie que d’apprendre que mes enfants marchent dans la vérité » 3 jean 1 :4.
Et si vous ne savez comment vous y prendre, commencez par regarder vos épouses en ce jour merveilleux où elles sont fêtées en tant que mère, écoutez vos enfants, posez leur des questions. Regardez aussi à Paul, cet homme intransigeant et inflexible mais qui sait le prix de la vie et la souffrance de l’accompagnement à la croissance. Enfin, regardez au Christ lui- même qui se compare à une poule (Matthieu 23 :37) inquiète de la sécurité de ses poussins et qui a tout fait pour les rassembler sous ses ailes. Il prend tout d’abord la posture de la ‘Mama italienne’ suppliante, avant de secouer son peuple en adoptant la posture du prophète dont la parole résonne comme celle d’un père fort.
Tendresse et force font toujours bon ménage dans le royaume des cieux, lorsqu’elles sont mises au service de la Vie !
Bonne ‘fête des mères’ à tous les hommes, à toutes les femmes de bonne volonté, prêts à payer le prix pour ‘donner la vie’.


(Image en une: le magnifique tableau de Margarita Sikorskaia. Découvrez sa page Facebook)

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