
Parmi les classiques d’excellente qualité que je range sans hésiter dans la catégorie « livres recommandés », il y a le livre d’Élisabeth Parmentier : « Les filles prodigues ». Si vous êtes allergique au mot « féminisme » ou « théologie » passez votre chemin, mais si dans ces sujets, et particulièrement dans le dialogue entre les deux quelque chose vous titille, lisez-le ! A travers l’image parlante des « filles prodigues », Élisabeth Parmentier pose la question de la théologie féministe. Ce livre, une version retravaillée de sa thèse de doctorat, propose une réflexion large, fine et superbement documentée. Il a eu un tel succès qu’il ne se trouve (pour les chanceux.ses) plus que d’occasion.
Un titre provocateur
Les « filles prodigues » évoquent le fils prodigue de Luc 15. Dans la parabole du fils prodigue, le fils rentre à la maison et est accueilli par son père. Le comble ? La maison est le lieu des femmes, mais il n’est jamais question d’elles dans cette histoire. Elles sont silencieuses et invisibles tout comme elles l’ont été et le sont encore bien souvent dans la maison de Dieu, l’Église. Pour Élisabeth Parmentier, le féminisme a un rôle nécessaire d’interpellation et de rééquilibrage à jouer dans l’Église d’aujourd’hui.
Un exil nécessaire
Élisabeth Parmentier présente l’exil nécessaire des « filles prodigues » pour se distancer de l’Église patriarcale des frères et des pères. Elle affirme que la manière dont les femmes sont considérées a été construit de toute pièce par les théologiens classiques à travers l’histoire de l’Église. Dans ce livre, citations de grands théologiens à l’appui, elle dénonce trois stéréotypes qui sont le fruit de l’histoire :
- La femme est déterminée par son corps
- La femme a été créée pour aider l’homme
- La femme est le complément de son conjoint
Les femmes doivent se distancer au travers d’un exil nécessaire de ces constructions pour retrouver leur véritable identité.
Un retour
Lorsqu’elles reviennent vers la maison du Père, les filles prodigues ne peuvent pas simplement retourner à leur place invisible et silencieuse parce qu’une réalité nouvelle s’est imposée à elles : celle de leur existence et de leur voix. En effet, pendant leur exil, elles sont devenues « féministes ».
Élisabeth Parmentier retrace les différents jalons posés par le Conseil Œcuménique des Églises durant ces dernières décennies pour formuler les bases d’une bonne collaboration entre hommes et femmes au sein de l’Église.
Comme le formule Herlinde PISSAREK-HUDELIST en reprennant les thèses centrales des différentes théologiennes féministes :
« Les femmes sont considérées comme opprimées, au moins au sens où leur vie est « déterminée par d’autres » (Halkes), qu’elles y jouent des rôles « fixés » (Moltmann-Wendel), qu’elles y sont « les autres » selon Simone de Beauvoir (Ruether), « exclues » (Ruether, Halkes, Russel) ou « marginales » (Daly). »
Bien que toutes les théologiennes féministes s’accordent sur la nécessité de revisiter les structures de l’Église et de remettre en question la supériorité masculine, elles ne sont pas d’accord sur les manières d’y arriver. Élisabeth Parmentier donne la parole avec finesse à la pluralité des positions.
Une réintégration?
La réintégration des « filles prodigues » à la maisonnée ne peut se faire qu’à la condition d’une remise en question profonde et d’une réflexion commune des hommes et des femmes sur la nature de Dieu, de l’Église et du salut.
« La conscientisation des femmes s’inscrit dans le vaste panorama de lutte pour les droits de l’Homme, pour le partage de la parole et des prises de décisions, pour la possibilité de devenir des sujets libres et pensants ».
Ce dialogue de sujets libres et pensants à sujets libres et pensants a trop souvent été absent de l’Église. Pourtant, il est indispensable au retour des femmes et à la transformation de toute la maisonnée.
Comment l’Église peut-elle faire le virage vers l’accueil des filles prodigues pour être à nouveau entière ? Catharina Halkes propose une piste porteuse:
La réconciliation entre les sexes (ne sera possible) que lorsque chacun se sera montré prêt à tenter son propre voyage : l’exode et le retour, la traversée et le rêve. Ce n’est que lorsque chaque sexe aura pris conscience de sa propre responsabilité dans l’échec de la relation avec l’autre que nous pourrons bénéficier du don d’un shalom »[1]
La parabole des “filles prodigues” laisse la porte ouverte à la réconciliation dans la maison du Père. Saurons-nous la saisir?
[1] Catharina HALKES, Gott hat nicht nur starke Söhne, p.44
Merci beaucoup pour ces lectures, tellement édifiantes, je vais peu à peu, grâce à vous me constituer une bibliothèque et la proposer à la librairie de mon église.
Que Dieu vous bénisse richement.
Nathalie Samso
Merci pour ce résumé qui donne envie d’aller plus loin : )
Je sais que dans certaines églises, la femme joue un rôle secondaire . Pour ma part, je regarde d’abord au(X) don(s) de la personne , homme ou femme avant de proposer un engagement dans l’église. Cela peut créer des tensions au sein du ou des conseils.
Mais regarder le rôle de la femme d’une manière plus globale est une bonne solution.
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