Témoignages

Yolande Ziegler-Schwab, psy et coach de vie

Publié par Joëlle Razanajohary, le 02/03/18

Joëlle Razanajohary a interviewé Yolande Ziegler-Schwab, psychopraticienne et coach de vie  installée en cabinet, sur ses choix et orientations professionnels. Quels lien entre développement personnel et vie spirituelle?  Quelle place pour ces réalités dans l’Église?

Joëlle Razanajohary: Bonjour Yolande, Peux-tu te présenter, nous dire qui tu es, et quel est ton ‘service’?

Yolande Ziegler Schwab:

Je m’appelle Yolande Ziegler-Schwab, je suis née en 1962 dans un petit village en Alsace. Ma famille travaillait la vigne et cela a fait de moi une ‘fille de la terre’, très pragmatique : les notions de travail, d’engagement, de nature ont toujours été intimement liées à mon histoire, même s’il y a eu un temps où je rêvais de voyages, notamment d’être hôtesse de l’air.
J’ai démarré des études de théologie à la faculté de Strasbourg avant de me réorienter vers un Dut carrières sociales par souci d’engagement dans la société. J’ai travaillé ainsi 17 ans dans le social auprès des enfants, des jeunes et des familles dans des quartiers difficiles. Cela m’a profondément sensibilisée à l’écoute des autres et en même temps mis en face d’un manque crucial d’outils. J’ai donc entamé une formation en relation d’aide et depuis, je continue toujours à me former.
Après ma deuxième grossesse (en 2001) j’ai ressenti le besoin de m’arrêter pour prendre soin de mes propres enfants et après le congé parental, je n’ai jamais repris parce que le travail social exige des disponibilités dans les mêmes créneaux horaires que ceux de la vie de famille. Mais je ne savais pas quoi faire. J’accompagnais toutefois des personnes en relation d’aide dans le cadre de l’église et dans le cadre associatif.
Mon mari a ouvert en 2004 un cabinet de conseil RH et m’a proposé de transformer mon bénévolat en activité professionnelle quelques années plus tard (2008). Dans ce cadre, j’accompagne aujourd’hui des personnes, des couples, et j’anime des ateliers de développement personnels.

 

J.R. Concrètement, comment es-tu entré dans cette dynamique et qu’est-ce qui te motive à cela?

Dans le cadre du travail social, en contact avec les problèmes des gens et face à beaucoup de souffrance, on ne peut pas se contenter de réponses simplistes. Mon intérêt pour l’accompagnement est également lié à mon histoire personnelle : j’ai, par exemple, toujours été travaillée par la question de l’identité « qui suis-je ? ».

D’un point de vue spirituel, je suis passée par deux prises de conscience essentielles :

  1.   beaucoup de chrétiens ont des croyances, un crédo, des connaissances, mais qui ne sont pas forcément incarnés ! Il y a un décalage entre ce que je sais et ce que je vis ! Des expressions bibliques comme : « nouvelle identité en Christ, mourir à soi-même, s’aimer soi-même, considérer les autres comme supérieurs à soi » sont mal comprises ou n’ont aucune réalité tangible dans le quotidien. Cela m’a amené à beaucoup réfléchir, lire, faire des recherches, tout en étant accompagnée moi-même.
  2. à l’inverse, je voyais des chrétiens déçus qui laissaient tomber la foi et découvraient grâce aux outils de la psychothérapie une vérité sur eux-mêmes qui les libérait (souvent dans le domaine des fausses culpabilités). Ne parvenant pas à voir le lien entre leur expérience vitale et leur vie de foi, ils finissaient par déserter complétement celle-ci. « Pourtant ce n’est pas parce qu’on a déserté ses faux dieux que l’on a trouvé le vrai Dieu. » disait Simone Pacot ! La lecture des ouvrages de cette dernière m’a beaucoup aidée à faire des ponts entre le psy et le spi. J’aime particulièrement son expression d’« évangélisation des profondeurs ».

Concrètement, aujourd’hui, le cabinet ne s’affiche pas chrétien : j’y accompagne toute personne, croyante ou non. Je n’ai pas forcément besoin de « dire » ma foi, je travaille à partir de mon identité profonde… et ma foi fait partie intégrante de qui je suis !
J’interviens également – plutôt en mode conférence – dans différents groupes de femmes, dans des rencontres d’églises ou autres.

 

J.R. As-tu rencontré des difficultés ou des facilités particulières à entrer dans ce ministère en tant que femme?

Ce n’est pas en tant que femme que j’ai eu des difficultés ; par contre, j’ai fait face à une grande réticence vis-à-vis de la Relation d’Aide et de la psychologie dans nos Églises : les chrétiens ont souvent peur que la RA éloigne les personnes de la foi, qu’elle utilise des méthodes du monde, s’appuie sur l’humanisme, etc.

Le monde de l’accompagnement et du coaching est imprégné des théories ou des apports du mouvement New Age donc il y a une part de la méfiance des chrétiens qui est justifiée. En même temps, le mouvement New Age ainsi que la psychologie ont aussi repris à leur compte des lois ou principes spirituels qui viennent de Dieu, qu’on trouve dans la Parole … mais en les déconnectant de leur Source. Il n’y a donc aucune raison pour que nous abandonnions ces principes spirituels, bien au contraire ! Mais il est important de ne pas faire de confusion : l’accompagnement psy vise un mieux être et une meilleure compréhension de soi et ça n’a rien à voir avec le salut ! Certaines personnes  ne me demandent que cela. Une personne chrétienne va peut-être avoir le même objectif mais avec une référence externe, Dieu. Le mieux être est recherché pour être mis au service de Dieu et du prochain (cela n’a rien à voir avec du narcissisme, de l’égocentrisme ou du développement personnel centré sur soi) Je pense mon travail à la lumière de la parabole des terrains. Lorsque le terrain/cœur est dur, mon travail est de le déblayer, de le rendre plus meuble pour qu’il puisse accueillir la vie.

 J’ai fréquemment rencontré une difficulté liée au fait d’être une ‘femme qui accompagne des hommes’, sous prétexte que c’est « dangereux » ! Pour ma part, il me semble que ce n’est qu’une question de posture et comme je me suis installée au niveau pro et pas au sein de l’Église, j’ai pu agir comme il me semblait juste et bon.

J.R. Que faudrait-il mettre en place ou privilégier dans les églises pour favoriser ce qui te tient à cœur? Qu’est-ce que le service commun ‘hommes-femmes’ apporte ou apporterait à ton ministère?

Pour la première question, ce qui me tient à cœur c’est de ne pas saucissonner l’être humain, le psy d’un côté et le spirituel de l’autre ;  de donner la parole à des personnes qui ont des approches et des sensibilités différentes parce que nous sommes complémentaires.

Concernant le service commun homme-femme, je travaille dans deux associations chrétiennes de relation d’aide  dans lesquelles les équipes sont mixtes et c’est véritablement un plus parce que les sensibilités masculines et féminines sont différentes. Les Églises seraient enrichies de cette ouverture.
Je n’ai jamais eu de problèmes avec ma place ou avec le désir d’une place particulière, que ce soit par rapport à un homme ou dans l’Église. Je trouve que la bonne place vient à soi, cela peut être le cas dans l’Église, ou sinon, ailleurs. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans un premier temps!  Je n’ai aucun problème avec l’imperfection des Églises et je ne recherche pas l’Église idéale. Pour moi, l’Église est formée d’êtres humains en chemin qui ont conscience d’être en chemin et je suis à l’aise avec des chrétiens de tous milieux ! En fait, l’Église idéale n’existe pas !

Un grand merci à toi, Yolande, pour le temps qui tu as pris pour Servir Ensemble et pour ton témoignage!

 

Joëlle Sutter-Razanajohary est pasteure de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France dont elle a été Secrétaire Général de 2020 à 2023. Elle est la fondatrice du blog 'Servir Ensemble'. Elle est également autrice de livres ("Qui nous roulera la pierre?", Empreinte, 2018; "Une invitation à la danse. La métaphore conjugale dans la Bible" Olivetan, Mai 2021) et de nombreux articles.

5 comments on “Yolande Ziegler-Schwab, psy et coach de vie

  1. georgette giffon

    Merci pour ces témoignages de femmes qui ont décidé de suivre le Christ

    Télécharger Outlook pour Android

    ________________________________

  2. Claire Poujol

    Bonjour Yolande et merci à Joëlle pour cette interview très intéressante !

  3. KASEMIERCZAK Jean-Pierre

    Merci Joëlle pour cet interwiew. Il existe en France l’ACC : l’Association des Conseillers Chretiens, qui regroupe des personnes pratiquant la Relation d’Aide Chrétienne. http://acc-france.fr

  4. Claire Poujol

    Je signale pour ceux que cela pourrait intéresser qu’il y a une convention de ressourcement pour les personnes qui oeuvrent dans la relation d’aide chrétienne. les renseignements se trouvent sur le site qu’ a signalé Jean-Pierre et c’est en avril 18. Jacques y sera. Bien a vous.

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