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Ces femmes qui prennent la place des hommes

C’est un phénomène qui prend de l’ampleur : les femmes, très présentes dans les Églises, entendent y jouer pleinement leur rôle. Les hommes ont tendance à se sentir menacés par la présence féminine dans les sphères d’autorité, et proclament qu’il s’agit d’une entorse faite à la Parole de Dieu.

Mais n’est-ce pas plutôt le statut des hommes qui est en danger ? Que se passe-t-il quand le pouvoir est conjugué au féminin ?

L’autorité masculine

Beaucoup de chrétien·ne·s croient fermement que l’autorité dans l’Église doit être une affaire masculine.

Les hommes dans le ministère ont l’air de moins en moins réticents à l’idée de se faire aider par des femmes dans le cadre d’un travail d’équipe. En revanche, dans beaucoup d’Églises, l’inverse semble inacceptable : une femme aura des difficultés à diriger un projet en faisant appel à des hommes pour le réaliser. Non seulement elle aura du mal à faire entendre sa voix, mais en plus elle devra sans cesse rendre des comptes à un homme pour toute parole et toute action qu’elle aura initiée. Afin de remettre sa légitimité en question, les Églises seront promptes à utiliser des figures bibliques masculines pour justifier l’idée qu’une femme ne peut pas diriger – sauf si elle est directement soumise aux directives d’un homme.

Pourtant, de plus en plus de femmes prennent des responsabilités, dans la société comme dans l’Église.

Pour ma part, je n’étais pas dérangé tant que les femmes s’occupaient de l’enseignement biblique auprès des enfants. Mais je me suis posé beaucoup de questions quand j’ai vu une femme prêcher dans l’Église (on m’avait dit que Dieu interdisait à une femme de prêcher). Une femme peut-elle exercer un tel ministère ? A quelles conditions ? Est-ce vraiment le projet de Dieu dans les relations hommes-femmes ? La peur de valider une action interdite par Dieu m’a fait étudier la question.

Un problème culturel ?

Au final, après avoir étudié ce que la Bible disait des ministères et de la place des femmes auprès de Jésus, je n’ai vu aucune difficulté en la matière. Bien sûr, j’ai lu différents ouvrages de théologien·ne·s bien plus réputé·e·s (et qualifié·e·s) que moi sur le sujet, et j’y ai trouvé des avis fort divers. Mais surtout, je me suis rendu compte que l’origine de ma question n’était pas théologique. C’est plutôt une réaction intérieure qui a cherché des arguments théologiques pour justifier une philosophie mondaine, une idée culturelle.

En tant qu’homme, la société m’a appris à me construire et à me réaliser dans la puissance :

Depuis l’Antiquité, les sociétés humaines estiment que l’homme serait « naturellement » doté d’une faculté de commandement. La femme, elle, serait passive, et si elle peut exercer une autorité, c’est dans le contexte d’une soumission à une autorité masculine.

C’est ici que je me suis aperçu que les Églises, au lieu d’aider les sociétés à s’auto-critiquer dans leur manière d’appréhender les relations entre les femmes et les hommes, se sont conformées aux conventions politiques et sociales. Alors même que le message chrétien témoigne d’un élan égalitaire, celui-ci s’essouffle avec l’institutionnalisation de la religion, dont les effets semblent trahir le message originel.

Une faiblesse masculine

En réalité, l’idée que l’homme ne puisse se réaliser que dans l’exercice de l’autorité dévoile une grande faiblesse qui habite la gente masculine. Au lieu d’être un « plus » qui permette à l’être humain d’évoluer dans sa vie, l’autorité est devenue la marque des hommes, au point qu’un homme ne pourra pas pleinement se réaliser s’il n’accède pas à une fonction d’autorité, que ce soit au travail, dans son foyer, dans une association ou bien dans l’Église. Il y en a même qui recherchent cette autorité dans tous les domaines de leur vie. C’est à mon avis l’expression d’une insécurité intérieure profonde, un vide que l’Évangile peut combler. Il faut ici rappeler que l’exercice du ministère est un appel, c’est-à-dire un service, pas un outil de développement personnel.

Mais surtout, cette recherche d’autorité s’exprime par une domination (ouverte ou discrète) et une violence à l’égard des femmes. Car en général les Églises vont préférer un ministère masculin à un ministère féminin, même si la postulante possède des qualités et des vertus supérieures à celle du postulant.

Pour les hommes, le ministère féminin est dangereux, car il remet en question l’exclusivité masculine. Il est une remise en question du désir illégitime de se réaliser en dominant. Le danger du ministère féminin, c’est de montrer au monde que l’Évangile a renversé le mur de séparation qui existait entre les femmes et les hommes, gardant jalousement celles-ci loin de l’appel de Dieu, tout comme le mur maintenait les païens loin des promesses divines (Éphésiens 2.11-18).

Désir pour l’avenir

Les ministères féminins ne doivent plus poser problème aujourd’hui. Nous sommes quelques un·e·s à vouloir travailler ensemble, main dans la main, annonçant la Bonne Nouvelle à toute âme. Nous voulons partager les responsabilités, de manière équilibrée, afin que le monde voie que nous sommes porteurs et porteuses d’une espérance qu’on ne trouve pas dans le monde. Nous voulons renouer avec ce mouvement :

En tant qu’homme, avec gratitude, je veux reconnaître les qualités de ces femmes qui s’engagent et qui partagent la lourde tâche du ministère. Je veux servir avec elles dans un esprit de coopération et non de compétitivité, de soutien mutuel et non de domination, pour rendre gloire à Dieu et non pour me rassurer en me réalisant à travers l’exercice du ministère. Servir ensemble nous permettra d’être de meilleur·e·s témoins de cet évangile qui a changé nos vies.

Lionel Thébaud, étudiant en théologie

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