Témoignages

« Pardon Père d’avoir regretté d’être une femme »

Jessica Zidi écrit ce mot déchirant dans un courrier adressé à Valérie Duval-Poujol, après avoir suivi sa formation intitulée « Comment comprendre la Bible » et tout particulièrement le module « les femmes et la Bible. » Avec l’ aimable autorisation de toutes les deux, nous reproduisons ce courrier, vibrant témoignage  de la souffrance intérieure d’une femme empêchée de servir à cause de ce qu’elle est: une femme.

Chers pasteurs, si un jeune homme de votre Église vient vous voir pour vous dire :

« Pasteur ! Je veux passer ma vie à servir Dieu, je veux en faire mon métier. J’aime les gens, je ressens l’importance qu’ils ont pour Dieu. Cet amour n’est pas basé sur mes sentiments puisque souvent je ne les connais pas. Les aider dans l’épreuve, leur tenir la main lorsqu’ils débutent dans la foi, les libérer de fausses croyances sont les plus belles choses que j’ai eu le privilège de faire.

Le plus beau jour de ma vie, c’est le jour où après un concert d’évangélisation j’ai vu le 1/3 de la salle lever sa main pour faire la prière du salut.

Le plus beau projet que j’ai mis en place, c’est la lecture de la Bible en continue sur le parvis de l’église Saint Christophe.

La chose la plus importante pour moi sur cette terre c’est le salut des gens qui m’entourent.

J’ai été enseignant à l’école du dimanche, j’ai été responsable de mon groupe d’ado puis de jeunesse, j’ai fait une formation de relation d’aide…Pasteur pensez-vous que j’ai un appel sur ma vie ? A quel ministère suis-je appelé ? ».

Il y a de grande chance (si vous ne craigniez pas la concurrence) que vous lui proposiez de rejoindre votre équipe et l’intégreriez dans la formation au  ministère pastoral.Et bien, malheureusement, c’est une femme qui vous le dit, c’est ce que je ressens moi Jessica et non pas Jessico !

Depuis mes 5 ans je sais que Dieu existe, qu’Il est mon Père, et qu’Il m’a appelé à Le servir. J’ai grandi dans le catholicisme, chaque dimanche matin je courrais à l’église Saint Christophe, afin d’arriver la première afin de me proposer pour lire l’homélie du jour. Pouvoir toucher ce livre, le lire aux personnes qui se trouvaient en face de moi, leur transmettre les mots de Dieu, me faisait ressentir l’amour de Dieu pour son peuple. Lire la Parole et la communiquer c’est ce que je veux faire depuis que j’ai 10 ans. J’ai donné ma vie à Jésus à 12 ans dans une église protestante évangélique. Cependant, j’ai toujours cru que je n’avais pas le droit de faire ce que mon cœur brulait d’envie de faire parce que j’étais une fille.

En effet, que ce soit dans le catholicisme ou dans le protestantisme évangélique, la femme ne peut ni être prêtre, ni pasteur. A 19 ans mon seul critère pour mon futur époux était « il doit être pasteur ». Pourquoi, parce que je pensais qu’un homme qui aimait Dieu au point de vouloir le servir en tant que pasteur ne pourrait jamais faire de mal à personne. L’autre raison, je l’ai comprise récemment, c’est parce que seul le statut de femme de pasteur pouvais me permettre de réaliser en partie mon rêve.

Ma motivation, c’est la douleur que je ressens sur mon cœur. Au début, je n’ai pas compris, ça a commencé quand récemment, je me suis entendu dire « mais pourquoi ne suis-je pas un homme » ? J’aurai tellement préféré être de sexe masculin, pouvoir faire parti du conseil pastoral et réfléchir aux prédications. En m’ayant entendu penser cela, j’ai eu le sentiment d’avoir attristé Dieu.

Effectivement, je me suis reprise en me disant que je ne devais pas regretter mon identité, que Dieu m’a créé femme et que je ne devrais pas parler comme cela et que certainement oui, cela attriste Dieu quand je lui reproche de m’avoir créé femme. Mais c’était bien plus, cette douleur que je ressens je la connais, c’est celle de l’injustice, c’est la même douleur que je ressens pour les victimes d’abus spirituel. L’injustice ne vient pas de Dieu mais des hommes.

Aujourd’hui, je suis dans une Église où j’ai la capacité de réaliser mes rêves. Mon pasteur et son équipe me donnent la possibilité de mettre en pratique mes dons, de prendre soin des gens … je vais exercer à nouveau la fonction sans l’être et même en n’étant plus femme de pasteur… Alors me direz-vous : pourquoi insistes-tu ? Es-tu à la recherche d’un titre ? Oh que non, la reconnaissance du titre des hommes m’importe peu. Si je me permets de vous écrire c’est pour toutes ces petites filles, toutes ces femmes qui regrettent d’avoir été créé femme car elles n’ont pas la même chance que moi d’être dans la bonne Église avec le bon berger.

Ce que beaucoup de femmes vivent ce n’est pas le plan de Dieu, nous ne vivons pas le royaume de Dieu dans beaucoup d’Églises. Aujourd’hui les femmes sont victimes d’une mauvaise interprétation des écritures les empêchant d’exercer le ministère que Dieu leur confie à elles aussi. Les femmes sont victime d’abus de pouvoir. A qui profite le crime ?

Jésus a payé trop cher le prix de nos vies pour qu’aujourd’hui perdure le poids de la culture sur les écritures. Messieurs les pasteurs vous n’avez pas le droit de faire cela. Nous aurons des comptes à rendre, ne maintenez pas la vérité captive. Libérez-nous du poids de la tradition, non pas parce que la culture a évolué mais parce que ce n’est pas le plan de Dieu originel pour nos vies. Les écritures sont claires, elles ont étés injustement traduites et interprétées. Le travail des sociologues et historiens a révélé le contexte culturel juif et paulinien. Maintenir une hiérarchie dominante entre l’homme et la femme c’est continuer de vivre des conséquences de la chute.

Quand nous lisons les deux premiers chapitres de la Genèse, nous découvrons le plan initial de Dieu pour l’être humain. Dieu créa l’homme et la femme pour qu’ils soient son image. Il les créa mâle et femelle (perforant/ perforé). Nous sommes de la même espèce, différent de sexe mais nous sommes égaux nous avons reçus tout deux le même mandat décrit par 3 verbes : manger, cultiver, protéger. Cependant ces 3 verbes après la chute ont étés « tordus », cultiver- travailler devient pénible, manger connais deux extrêmes la famine ou la jouissance et protéger devient dominer. Oui la domination d’un sexe sur l’autre est la conséquence du péché, cela n’a nullement été le plan de départ de Dieu. Ce qui est formidable c’est que dès le début Dieu a un plan pour restaurer l’humanité et Jésus dont le sacrifice préfigure déjà en Genèse 3. Ce même auteur que l’on cite pour nous emprisonner révélera les conséquences de la restauration « Il n’y a donc plus de différences entre les Juifs et les non Juifs, entre les esclaves et les hommes libres, entre les hommes et les femmes unis à Jésus Christ ».

Présenter d’autres arguments, citer les textes de Paul, expliquer le contexte culturel, donner les définitions des mots en grec, monter que les traducteurs (et non les écrivains) ont choisi délibérément de changer les mots, que des hommes ont fait de mauvaises associations influençant la compréhension des textes…  ne servirait à rien, car cela a déjà été fait par des docteurs, des théologiens plus compétents que moi pour le faire mais ils ne sont pas lus ou pas écoutés.

Jésus lui même a montré l’exemple en se comportant avec les femmes comme aucun de sa culture juive et de son époque. Quand on reprend tous les passages de Jésus avec les femmes, on voit qu’Il leur donne leur juste place, celle du plan divin et pas du tout comme sa culture et son époque l’attendaient.

Messieurs les pasteurs, ne vous conformez pas à la culture, à la tradition de vos mouvements, si vous aussi vous ressentez ce que je ressens ne maintenez plus la vérité captive. Apportez le royaume de Dieu dans vos Églises. Ce n’est pas une évolution des mentalités que de permettre à la femme d’exercer un ministère, c’est un retour au plan initial de Dieu.

Aujourd’hui, j’ai compris et je sais que Dieu ne s’est pas trompé en me créant de sexe féminin avec ce profond désir et les capacités d’exercer le ministère pastoral. Si ces mots ne vous font pas changer d’avis sur votre position sur le ministère de la femme et ne vous motive pas à changer les choses, je prie alors pour que vos fils aient le courage de le faire pour mes filles Sophia et Maïwenn.

Jessica Zidi

Théologienne baptiste, spécialiste des traductions de la Bible, Valérie est enseignante dans plusieurs facultés de théologie. Elle est également présidente de l'Association "Une place pour elles" contre les violences conjugales et vice-présidente de la fédération protestante de France.

5 comments on “« Pardon Père d’avoir regretté d’être une femme »

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  2. Claire Poujol

    Sois bénie Jessica ainsi que Sophia et Maïwenn !

  3. isabelle

    Quant à moi je n’en suis pas encore à demander pardon de regretter d’être une femme…
    Et je ne vois pas de lumière au bout de mon tunnel…

  4. LEBOUC

    Très bon et poignant témoignage que je partage. .
    Je demande pardon à Dieu de notre esprit borné et entêté ,prisonniers de notre culture que nous sommes!.. Que l’Esprit de Dieu nous libère .Et que chacun exerce en toute liberté ce que le Seigneur lui a confié ou à quoi Dieu l a appelé .
    Des vies ont été bridées et d’autres sont restées ignorantes du salut faute de messagères de bonne nouvelle …que Dieu nous fasse grâce. car qui sommes nous pour nous opposer à ses choix
    Bon courage et soyez bénie et bénissante.

  5. letare

    « Ce n’est pas une évolution des mentalités que de permettre à la femme d’exercer un ministère, c’est un retour au plan initial de Dieu. » Puissant!! Merci

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