Témoignages

Catherine Schütz-Zell

catherineCatherine Schütz-Zell (1497/98-1562), mère de l’Église, est une femme dont il fait bon se souvenir. Alors que le Strasbourg du 16e siècle était très patriarcal, malgré les débats des réformateurs autour de la place de la femme, une femme incroyable sort du lot. Elle est la seule à avoir pu s’exprimer publiquement pendant 38 ans dans le contexte de tolérance strasbourgeoise. En plus de ses propres publications, une soixantaine de documents d’époque la mentionnent. Assurément, Catherine a marqué son temps.

Catherine Schütz est née au centre-ville de Strasbourg, à la rue du Sanglier, à deux pas de la Cathédrale. D’une famille plutôt aisée, elle a reçu une bonne éducation scolaire et son appétit insatiable pour les choses de Dieu l’a mené à étudier la Bible en latin de son père. Ses parents l’élevaient dans la foi et l’emmenaient écouter les sermons de Jean Geiler de Kaysersberg. Catherine se destinait au célibat et a fait l’expérience d’une véritable crise de foi qui ne s’est apaisée que lorsqu’elle découvre les écrits de Martin Luther. A cette période, elle écoute les sermons de Matthieu Zell devant 2000 à 3000 personnes à la cathédrale et est complètement subjuguée par les réformes qui agitent l’Église. L’un des grands changements concerne le célibat des prêtres, qui est un vœu jugé contraire à la Bible. Plusieurs prêtres décident donc de s’en défaire et de prendre épouse. C’est ainsi que Matthieu Zell en arrive à demander la main de Catherine. Elle a alors 25 ans, alors que Matthieu en a 45.  Le mariage sera célébré en 1523 malgré la forte opposition de l’Église. C’est Martin Bucer, un autre réformateur strasbourgeois qui en a assuré la bénédiction. Mais Catherine ne s’est pas contentée de braver les interdits et d’être excommuniée pour être la « femme du pasteur », statut qui n’existait d’ailleurs quasiment pas à l’époque. Bien sûr, elle assurait l’accueil au presbytère, mais ce n’était que l’un de ses rôles militants. Elle a été une véritable réformatrice aux côtés de son mari pendant 25 ans. Dans ses écrits, elle se qualifie elle-même de « mère de l’Église ». Elle a incarné ce rôle de toutes les fibres de son être.

  • Des qualités de cœur

Alors que les hommes se divisaient sur des questions doctrinales, Catherine a rappelé à de nombreuses reprises que les relations humaines étaient plus importantes que les divergences d’opinion, fussent-elles théologiques. Pour Catherine, les valeurs chrétiennes devaient être vivantes et incarnées et elle l’a démontré par sa vie.

Au presbytère, elle accueillait des réfugiés de tous bords sans tenir compte de leurs positions théologiques. Elle était ainsi en contact avec des personnes aux convictions très différentes. Il y avait entre autres des personnes victimes de la guerre des paysans, des dissidents, des laissés-pour-compte. Elle était en dialogue avec un grand nombre de personnes, notamment issues de la réforme radicale.

Mais Catherine ne restait pas cloîtrée au presbytère, elle allait visiter les malades et les prisonniers. Elle sortait pour honorer la mémoire des personnes rejetées par l’Église et prêcher à leurs enterrements. Catherine allait partout où l’Église refusait d’aller pour apporter une parole biblique. Elle avait une seule idée en tête : réconforter et édifier les autres dans leur vie quotidienne. Pour cela, elle a même publié un recueil de chants.

Quand la pression politique s’est faite plus forte et que les réformateurs étaient sommés de quitter la ville, Catherine a choisi d’y rester et de se cacher dans sa propre maison. Rien ne l’arrêtait. Elle voulait être auprès des personnes qui l’entouraient.

  • Des qualités d’esprit

Le grand cœur de Catherine était doublé d’un esprit brillant. Ses écrits font preuve d’une grande connaissance en théologie lorsqu’elle réagissait aux questions d’actualités. La première fois qu’elle s’est exprimée publiquement, c’était pour défendre son mariage avec Matthieu et pour contester la décision d’excommunication. Elle dit avoir fait cela pour son mari, mais aussi pour leurs paroissiens troublés par la situation. Après avoir défendu la cause des couples pastoraux, Catherine provoque l’Église de manière plus personnelle. En effet, dit-elle, en insistant sur le célibat des prêtres, elle favorise le concubinage et les encourage à avoir 1000 concubines plutôt qu’une épouse légitime.

Catherine ne s’arrête pas là et continue à écrire. Elle écrit à Luther pour le convaincre que l’unité et l’amour sont plus importants que le mode de la présence du Christ dans la cène. Luther lui répond et elle publie certaines de ces lettres. 30 lettres sont connues aujourd’hui. En 1538, elle est allée avec son mari rencontrer Luther en personne. Au cours de sa vie, elle a publié plusieurs autres textes. Certains sont destinés à des croyants, d’autres sont plus polémiques et adressés au gouvernement religieux. Dans toutes ses publications, Catherine veille sur le peuple et tient tête à la hiérarchie de l’Église.

Bien sûr, à l’époque, une telle femme ne manquait pas de déranger. Martin Bucer et d’autres, écrivaient à Matthieu pour lui dire que sa femme Catherine prenait trop de place, qu’elle parlait trop et se mêlait de ce qui ne la regardait pas. En effet, Matthieu n’a semble-t-il pas cherché à interférer dans la passion de sa femme pour l’Église et pour les croyants. Nous ne savons pas grand-chose de ce couple, mais lorsque Matthieu est décédé, Catherine a beaucoup souffert de son veuvage. Martin Bucer a pris soin d’orienter Catherine vers des lieux où elle pourrait se ressourcer. Plus tard, elle a pu l’accueillir à son tour.

Catherine Schütz-Zell s’est éteinte en 1562 à l’âge de 64 ans. J’aurais aimé la rencontrer, participer à la messe à la cathédrale de Strasbourg avec elle et l’accompagner lors de l’une de ses nombreuses visites. Que le feu qui l’animait puisse continuer à nous inspirer !

Pour découvrir sa vie à travers un roman: Florent Holveck, Marc Lienhard (préf.), Catherine Zell, la rebelle de Dieu, Oberlin, 1993

Pour découvrir sa vie à travers un article: Marc Lienhard, Femmes d’Alsace, Catherine Zell, Strasbourg, saison d’Alsace n°97, 1987

Pour découvrir sa vie à travers un livre: Christine Muller, Catherine Zell : l’héroïne de la Réforme (vers 1497-1562), Nancy, Éd. Place Stanislas, 2009

Marie-Noëlle Yoder est directrice du département francophone du centre de formation du Bienenberg (BL, Suisse) où elle enseigne la théologie pratique et l'éthique. Elle est également pasteure dans une Église mennonite (BE, Suisse).

4 comments on “Catherine Schütz-Zell

  1. Ping : Une nuée de témoins

  2. A la suite de Saint-Exupéry qui a dit « que de Mozart s assassinés » ,
    on pense à tant de dons enterrés et inutilisés dans l’histoire de
    l’ église, uniquement à cause du genre !
    Et pour nous révéler l’erreur, des femmes comme Catherine
    ont bravé tous les interdits ou presque, animées par le feu
    de l’Amour de Dieu et des âmes.
    Si enfin, les écailles tombaient de nos yeux …..si on voyait
    les besoins immenses du monde, de l’évangélisation………
    on hâterait la venue du Seigneur !

  3. Claire Poujol

    Merci. J’avais déjà entendu parler de cette dame il me semble peut-être dans une exposition sur les femmes protestantes ? en tout cas c’est un modèle à suivre.

  4. Ping : « Libérées par Christ pour son service » de Madeleine Blocher-Saillens #lu pour vous – Servir Ensemble

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